Chante, ô Muse, l’horreur des médiathèques !

D’abord l’horreur de leur nom !

Quelle souffrance d’entendre, à longueur de journée, d’entendre des mots qui n’existent pas, et qui sont tous plus laids et plus ridicules les uns que les autres.

«Je vais à la médiathèque, pour préparer l’exposé sur l’homophobie que m’a donné à faire ma professeure d’EMC ! -D’accord !»

Cette invasion des néologismes, cette manie de faire des mots, est un mal dont on ne parle pas assez. C’est l’une des manifestations de la «démangeaison d’innover sans fin »1 qui caractérise l’homme moderne.

Puis, leur laideur. Où êtes-vous, bibliothèques municipales ? Où êtes-vous, vieux bâtiments ? Qu’êtes-vous devenu, par exemple, hôtel Dupanloup d’Orléans, avec votre escalier de pierre, vos hautes croisées, votre beau parquet grinçant ? Quelle fatalité a voulu que vous fussiez remplacé par un hideux assemblage de béton et de métal ? Puis, leurs livres !

Dans la médiathèque de la petite ville ou J’habite, il n’y a, étrangement, que des livres neufs. N’y avait-il pas autrefois une bibliothèque municipale dans cette vieille cité ? Qu’est-elle devenue. Je l’ignore.

Toujours est-il qu’on ne trouve à la médiathèque que des livres imprimés de nos jours. Plus aucune chance pour le visiteur de voyager dans le temps en ouvrant un volume venu d’un autre siècle !

Que des livres neufs, et quels livres! N’y cherchez pas, a quelques exceptions près, les grands écrivains du passé, ni les rares ouvrages intéressants qui s’écrivent encore quelquefois de nos jours.

N’y cherchez même rien de simplement lisible : vous seriez déçu.

En revanche, si vous êtes à la recherche d’un livre un peu cochon, vous trouverez sans peine votre bonheur. Il y a même des livres cochons pour les enfants ! C’est Sandrine qui les a choisis. Vous ne connaissez pas Sandrine ? C’est l’aimable créature du genre féminin qui préside à l’acquisition des livres. Chaque semaine, elle présente son «  coup de cœur »: tantôt un manga, tantôt une histoire d’amour entre deux garçons, tantôt le témoignage d’un rescapé des camps de la mort, ou celui d’une femme iranienne opprimée par les mollahs…

C’est elle aussi qui est responsable de la décoration. Vous verriez le mal qu’elle se donne pour Halloween !

Certes, il m’arrive (entre nous soit dit) de me demander si la nature n’avait pas destiné Sandrine à de tout autres fonctions que celle-là.

Mais qu’importe la nature ? D’ailleurs, si les sages qui nous gouvernent tiennent tant à mettre des bonnes femmes idiotes absolument partout, il doit bien y avoir une raison, n’est-ce pas ?

Je crois que j’ai un peu dévié de mon sujet initial. J’espère que le lecteur me pardonnera.

                                                                          JULES PUTOIS

  1. Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Marie de France. ↩︎
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