Ne jamais oublier le petit roi martyr Louis XVII. Et faire connaître ce que lui firent subir ses bourreaux : des hommes capables de faire ça à un enfant ne mériteraient pas de vivre. Et pourtant, c’est leur idéologie qui continue d’opprimer la France et de nous entrainer chaque jour un peu plus vers l’abîme.

Je ne saurais trop conseiller, à cet égard, un livre disponible chez Dualpha. Son titre complet d’abord : Vie de Louis XVII, suivie de notices intéressantes sur les augustes victimes du Temple (PREVAULT, H. Lille. L. Lefort, imprimeur-libraire, rue Esquermoise, 55.)

Avec, en frontispice, une gravure représentant l’enfant martyr dans sa cellule du Temple et ces vers tirés dun poème de Victor Hugo intitulé précisément, Louis XVII (Odes et Ballades, publié en 1826, le poème est daté de décembre 1822):

“ D’un châtiment sans fin, languissante victime,

De ma tige, arraché comme un tendre arbrisseau,

J’étais proscrit bien jeune, et j’ignorais quel crime

J’avais commis dans mon berceau. ”

Un mot à propos de l’auteur de ce livre, peut-être, pour dire qui fut ce “ H. Prévault ” oublié aujourd’hui. Il s’appelait en fait Elie Benjamin Joseph Brun-Lavainne, né en 1791 et mort en 1875. Historien de son état, il était archiviste de la ville de Lille, membre correspondant de la Société d’agriculture, des sciences etdes arts du département du Nord, de la Société des antiquaires de la Morinie, de la Société des sciences et des arts de Valenciennes.

En 1843, il fonde la Revue du Nord, sous-titrée : “ Archives de l’ancienne Flandre ”. Il fit partie des premiers membres de la Commission historique du Nord, installée, en 1837, par François Guizot. Et il publia de nombreux ouvrages sous le pseudonyme de “ H. Prévault ”, ce qui ne facilite pas la mise en ordre de sa bibliographie complète. Citons néanmoins (avec quelques titres à rallonge, bien dans le goût de l’époque) :

Les jeunes Bourbons proposés pour modèle à la Jeunesse française, en deux volumes (Lille, L. Lefort, 1827),

La Famille heureuse ou Contraste entre le bonheur d’une vie paisible et chrétienne et le trouble et les agitations du monde(Lille, L. Lefort, 1830),

Atlas topographique et historique de la ville de Lille, accompagné d’une histoire abrégée de cette ville, de notes explicatives, de cartes et de vues (Lille, 1830),

Les Sept Sièges de Lille appuyés par des chartes, traités, capitulations et de tous les documents historiques qui s’y rattachent (Paris, Derache & Lille, Vanackere, 1838),

Roisin. Franchises, lois et coutumes de la ville de Lille (Vanackere & Paris, Colomb de Batines, 1842).

Etc. On y ajoutera une curiosité, un récit d’anticipation, Les Femmes en 1973 (Paris, Guérin, 1873).

Pourquoi avoir souhaité rééditer sa Vie de Louis XVII, malheureux enfant à qui des dizaines et des dizaines d’ouvrages – dont quelques-uns extravagants – ont été consacrés ? Pour la même raison qui nous avait poussés, naguère, à rééditer la Vie de Louis XVI (disponible chez Dualpha également) de son contemporain, A.J.C. Cassé Saint-Prosper, né en 1790 (Prévault Brun-Lavainne est né en 1791).

Et d’abord parce que cette Vie de Louis XVII est devenue introuvable. Ensuite parce qu’il s’agit, là encore, d’un témoin de première main qui a pu se nourrir des souvenirs et des récits de ses proches et de ses relations contemporains des faits.

Comme A.J.C. Cassé Saint-Prosper dans sa Vie de Louis XVI, H. Prévault ne polémique pas. Il ne fait que raconter un processus tragique. Inutile d’en rajouter dans l’horreur. Les faits se suffisent à eux-mêmes. En avant-propos de son ouvrage, H. Prévault écrit : “ Quel était son crime ?… Il était fils de roi : c’en fut assez pour le priver de sa liberté. Il devint roi lui-même : ce motif parut suffisant, à ceux qui n’osaientl’assassiner publiquement, pour le faire périr en secret dans les angoisses d’une longue et douloureuse agonie. ”

C’est un livre, dit encore Prévault, “ pour de jeunes chrétiens ”. Pour verser une larme à la mémoire de l’infortuné Louis XVII, certes, mais surtout pour susciter “ une horreur profonde pour ceux qui corrompirent, par leurs fausses maximes, un peuple bon et généreux, au point de le faire demeurer tranquille spectateur d’un si horrible attentat. ”

Il est une partie du livre, celle qui relate les derniers jours du petit roi, qui mérite qu’on s’y arrête. Même si Prévault ne dispose pas de l’appareillage psychanalytique dont on usera – et abusera – plus tard, il traduit bien le traumatisme de cet enfant arraché à son père, puis à sa mère, à sa sœur, à sa tante, et réduit àl’état d’orphelin par la guillotine des chantres des droits de l’Homme.

En février 1795, la santé de Louis XVII ne cessant de se détériorer, le comité de sûreté générale nomme une commission, composée de MM. Harmand, Reverchon et Matthieu, pour aller examiner le prisonnier.

Parmi les symptômes de sa maladie, ce silence que rien ne peut rompre. Un mutisme qui a commencé le jour où Hébert et Simon l’ont forcé à signer l’horrible déposition que l’on sait contre sa mère et sa tante.

Depuis ce moment, “ il n’avait pas proféré une seule parole ”…

Ce mutisme total est confirmé dans le rapport de Harmand. Malgré tous les efforts déployés par ce dernier qui propose à Louis “ des objets de distraction et de délassement ”, l’enfant refuse de parler : “ Il me regardait fixement sans changer de position, et il m’écoutait avec l’apparence de la plus grande attention ; mais pas un mot de réponse. ”

Harmand reviendra à la charge, proposant un chien, des oiseaux, des jouets, des bonbons, des gâteaux, etc. En vain : “ Il me regarda avec une fixité étonnante, qui exprimait la plus grande indifférence (…). Pas un mot, et toujours la même fixité. J’étais au désespoir, et mes collègues aussi ; ce regard surtout avait un tel caractère de résignation et d’indifférence, qu’il semblait nous dire : Que m’importe ! Achevez votre victime ! 

La déposition forcée et ignominieuse contre Marie-Antoinette fut arrachée à Louis le 5 octobre 1795. A compter de cet instant, l’enfant gardera un silence absolu pendant de longs mois.

Après la chute de Robespierre, la Convention envoie auprès du prisonnier le chirurgien Desault et son adjoint, Chaffart : “ Tous deux moururent presque subitement après avoir constaté l’état de l’illustre malade. ” Et sans laisser – apparemment – de notes ou de mémoires sur les visites qu’ils lui rendirent…

Ils furent remplacés par le docteur Pelletan et le citoyen Dumangin. Pelletan réussira à briser le silence de Louis qui ne s’exprimait cependant “ qu’avec beaucoup de difficulté et presque toujours par monosyllabe. ”

Le 10 juin le corps de Louis XVII est discrètement porté au cimetière de la paroisse Sainte-Marguerite, au faubourg Saint-Antoine, où il fut inhumé. Pelletan va recueillir son cœur et le déposer dans un vase de cristal orné des chiffres de Louis-Charles et des armes de France.

Alain Sanders

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