« Ce livre est double : une très importante préface de moi, écrite en 1937, à la Santé de Paris, et l’Anthologie de P. Chardon qui, il m’en souvient, est bien faite. »
La Politique naturelle
I L’inégalité protectrice
Maurras commence par répondre à Rousseau qui avait nié le caractère naturel des sociétés humaines et fondé sa philosophie politique sur le contrat social. La page est célèbre :
Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir. Peu de chose lui manque pour crier : « Je suis libre »… Mais le petit homme ?
Au petit homme, il manque tout…Le petit homme presque inerte, qui périrait s’il affrontait la nature brute, est reçu dans l’enceinte d’une autre nature empressée, clémente et humaine : il ne vit que parce qu’il est le petit citoyen.
Il grandira par la vertu des inégalités nécessaires : ainsi, loin d’être écrite avec le fer comme le chante le poète romantique, la lettre sociale représente un bienfait vital.
II Liberté « plus » Nécessité
Maurras rappelle la complexité de la nature humaine en faisant allusion au Menon de Platon. La croissance achevée, voici la seconde naissance. Du petit homme sort l’adulte…son moi est en mesure de rendre à d’autres moi tout ou partie, ou le plus ou le moins, de ce qui lui fut adjugé sans aucune enchère.
…
Il faut s’associer pour vivre. Pour bien vivre, il faut contracter…. L’Association contractuelle a été précédée et fondée – et peut donc être soutenue – par tout ce qui a part à « la constitution essentielle de l’humanité » : il faut lui souhaiter de poser avec force sur les conglomérats préexistants, mi-naturels, mi-volontaires, que lui offre l’héritage gratuit de millénaires d’histoire heureuse – foyers, villes, provinces, corporations, nations, religion…
Le moyen-âge a vécu du contrat d’association étendu à l’édifice entier de la vie… Depuis, l’on s’efforce de faire croire à l’homme qu’il n’est vraiment tributaire ou bénéficier que d’engagements personnels : ainsi prétend-il tout régler d’un je veux ou je ne veux pas.
III Hérédité et volonté
A côté de menaces concrètes comme le froid, la faim ou l’ignorance, l’être humain peut être la proie de dérèglements de sa conduite et la Barbarie est prête à détruire les sociétés qui se défendent par les lois civiles et militaires. Tout doit s’accomplir dans l’ordre, ce qu’illustre la parabole du charpentier d’Emerson.
Il n’est pas de bien social qui ne soit récolté dans le champ presque illimité des différences humaines. Mettons-y le niveau, et tout dépérit. On déshonore la Justice et on trahit ses intérêts en imposant son nom à la fumée qui sort de ces ruines.
IV De la volonté politique pure
En partant d’une parabole du grand écrivain américain Edgar Poe, Maurras montre que la démocratie mène les peuples au désastre.
V La question ouvrière et la démocratie sociale
Maurras expose comment la démocratie dresse les uns contre les autres salariés et employeurs. Elle provoque la lutte des classes dont profite la Révolution et empêche de résoudre la question sociale.
VI Où vont les Français ?
Maurras expose les variations de l’opinion publique à son époque. Cette partie n’est plus adaptée littéralement à notre temps mais reste un modèle d’analyse.
Conclusion
La Nature de l’homme
L’auteur revient sur le volontaire et le naturel.
En se trompant et en se laissant tromper, en remplaçant la connaissance par une « foi », démocratique ou libérale, que rien n’autorise et que tout dément, on fait plus que de s’exposer à des épreuves sanguinaires : on se précipite au-devant d’elles ; dans certains cas on aide à les précipiter.
Il faut connaître les vérités de la nature ou il faut périr sous leurs coups.
…
La conclusion pourrait dépasser la Physique. Elle fait entrevoir que l’Etre brut ne peut pas ne pas renfermer une essence formelle et certaine de Bien.
Les lois de la Physique sociale vont-elles s’opposer à la Morale ?
Distinguer n’est point mettre en conflit ; n’est même point diviser, ni séparer. La Morale est la règle de l’action volontaire. La Politique naturelle a pour objet d’approfondir un ordre impersonnel.
Cette importante préface présente et éclaire les extraits qui viennent ensuite et concernent les grands centres d’intérêt de la politique : L’homme, les Principes, la Civilisation, la science politique, la Démocratie, les Questions sociales, le Nationalisme, la Monarchie qui est le « Nationalisme intégral ».
On démontre la nécessité de la Monarchie comme un théorème. La volonté de conserver notre patrie française une fois posée comme postulat, tout s’enchaîne, tout se déduit d’un mouvement inéluctable. La fantaisie, le choix lui-même n’y ont aucune part ; si vous avez résolu d’être patriote, vous serez obligatoirement royaliste. Mais si vous êtes ainsi conduit à la Monarchie, vous n’êtes pas libre d’obliquer vers le libéralisme, vers le démocratisme ou leurs succédanés. La raison le veut. Il faut la suivre et aller où elle conduit.
Mais attention. Négliger la Préface pourrait induire à penser que les principes politiques de Maurras ne constituent qu’une pratique, alors qu’ils s’inscrivent dans ce qu’on appelle aujourd’hui une anthropologie. C’est pourquoi je conseille, pour compléter Mes Idées politiques, de lire La Dentelle du Rempart, Choix de pages civiques en prose et en vers, préface de Bernard Grasset. Ce livre donne accès aux divers aspects du génie d’un Maître chez qui le Politique ne saurait être dissocié de l’Esthétique et de la quête philosophique.
Après les morceaux choisis, nous essaierons, dans un second temps, d’aborder, au-delà des anthologies, les grandes œuvres de Charles Maurras.