En matière militaire, l’on appelle un leurre un objet secondaire que l’on lance pour attirer les coups de l’adversaire et pour protéger ainsi un objet principal. Un fait divers récent–la dégradation par « tags » d’une stèle consacrée à la politicienne Simone Veil le 14 août dernier à Perros-Guirec nous paraît se situer au cœur même de l’application de cette méthode.
L’on passera rapidement sur les aspects secondaires : l’on est surpris de trouver à Perros-Guirec, dans les lointaines Cotes d’Armor, une telle stèle… Par ailleurs la dégradation, qui a pris notamment la forme de croix gammées, est évidemment incongrue, et au surplus équivoque. Incongrue tout simplement parce que la croix gammée, symbole du national-socialisme allemand, n’est pas « de chez nous. » Et équivoque car on ne sait si, dans l’esprit des auteurs, cette symbolique visait la bénéficiaire de la stèle en raison de son origine juive, ou bien les innombrables victimes que sa loi sur l’avortement a occasionnées… L’on suppose cependant que le choix de ce symbole répond au rejet quelque peu pavlovien qui entoure le national-socialisme chez nos contemporains : les actions d’Hitler suscitent un dégoût et une horreur particuliers (à la différence de celles des regrettés des médias Staline et Mao, qui le valaient bien), et invoquer le nazisme à propos d’un adversaire revient à le disqualifier et à se dispenser de tout débat…
Mais le centre de la question nous paraît être l’escamotage politique opéré à partir de la personnalité de Simone Veil. C’est le président Giscard, politicien snob et progressiste, qui a voulu imposer la loi sur l’ « interruption volontaire de grossesse » (IVG) –en bon français hors langue de velours, l’avortement. C’était une révolution non seulement législative mais éthique : un Etat facilitait la destruction de sa propre population en autorisant des femmes à détruire leur fruit dès lors que cet acte était pratiqué dans certaines conditions. À vrai dire, la loi était habilement rédigée : sans l’approuver ouvertement, elle dépénalisait l’avortement, dès lors qu’il était avait lieu conformément à ses dispositions. Ce n’est que plus tard que les socialistes–toujours avide de surenchère anti nationale et anti familiale–ont voulu faire de l’avortement non plus une exception à la répression mais un droit, en prenant des dispositions sévères contre les « sauveteurs » et ceux qui tentent de faire obstacle à l’avortement. Inversion des valeurs : l’acte naguère puni est désormais protégé et ceux qui veulent l’empêcher encourent les foudres de la loi ! Il ne lui manque plus que de devenir un de leurs « droits de l’homme » internationalement reconnu…
Quoi qu’il en soit, pour en revenir à la loi de 1975 que l’on appellerait mieux « loi Giscard Chirac Veil» du nom du trio malfaisant qui l’ a mise en place, elle a constitué un changement considérable par rapport non seulement à la morale religieuse catholique mais aussi au droit naturel: il suffit pour s’en convaincre de voir que l’État français, officiellement laïque depuis 1905, a continué de tenir l’avortement pour une infraction très grave et de le réprimer pendant soixante-dix ans. Il ne s’agissait donc pas seulement, ni même principalement, d’un interdit religieux.
C’est dans le cadre de la préparation de cette loi scélérate de 1975 que le président Giscard a fait un calcul que nous qualifions de leurre. Il était évident qu’un projet de loi dépénalisant l’avortement serait attaqué violemment par les partisans de la vie, catholiques, mais aussi patriotes soucieux du maintien de notre natalité, ou encore personnes au fait de l’horreur de l’opération (empoisonnement ou charcutage des embryons). Pour faire diversion, il a choisi de se référer à la répulsion qu’inspirait le souvenir du national-socialisme. Et, pour mener à bien l’opération, il a choisi Simone Veil, une personne d’origine juive et ancienne déportée. Et la manœuvre a fonctionné et fonctionne encore comme un leurre en matière militaire : toute attaque un peu violente–comme il n’est pas anormal qu’il y en ait dans un débat qui mêle politique religion et morale–était et est déviée vers le reproche d’antisémitisme comme un bateau que l’on rejette sur des brisants (faut il y voir un rapport avec la localisation d’une stèle à Perros-Guirec, sur la côte de granit rose ?). Attaquer la loi sur l’IVG était assimilé à attaquer Madame Veil et attaquer Madame Veil était assimilé à attaquer la communauté juive et les déportés … Les médias menteurs se sont rués dans cette voie. L’exercice de manipulation a été réussi : le tour de passe-passe permettant de disqualifier tous les opposants à l’avortement, en les transformant faussement en opposants aux Juifs, manifeste encore maintenant sa redoutable efficacité. Il va même jusqu’aux crétins qui, en inscrivant des croix gammées sur la stèle de Perros-Guirec ne se sont pas rendus compte du fait qu’ils se trompaient d’objectif et entretenaient le mensonge. Malheur à ceux qui veulent se conformer à l’image que leurs ennemis ont d’eux !
Peu de monde, d’ailleurs, pense à souligner que la Synagogue n’est pas, a priori, favorable à l’avortement et que Madame Veil, juive « éclairée », en défendant la loi qui déshonore son nom, agissait contrairement aux principes de sa communauté d’origine.
C’est pourquoi nous voulons le redire, n’en déplaise aux féministes de tous poils : que Madame Veil ait été juive, esquimau, papoue ou bretonne, son action en faveur de l’avortement ne nous paraîtrait pas moins en soi abominable et odieuse. Pour faire simple, et sans nous rallier à la philosophie droit de l’hommiste, nous dirons comme le pape Jean-Paul II que « le premier Droit de l’Homme c’est de naître. » L’avortement constitue-t-il d’un génocide ? Ou simplement d’un crime de masse ? Peu nous importe : l’avortement est un crime qui crie contre le ciel. Ceux qui l’ont voulu le tolérer, l’autoriser ou le banaliser sont des criminels, quelle que soit leur origine…
C’est pourquoi nous estimons que la stèle de Simone Veil, à Perros-Guirec ou ailleurs, est une offense à Dieu, à la nature humaine et à la France, une incongruité et une absurdité. Si le conseil municipal de Perros-Guirec, dans cette Bretagne qui fut jadis royaliste et catholique, voit dans cette stèle un symbole des valeurs de la République, nous ne pouvons que lui laisser ces pseudos valeurs…
Sans approuver les profanateurs à croix gammée, que nous enverrions volontiers étudier les vraies sources de notre civilisation et à qui ne pourrions que recommander la croix du Christ, nous estimons à leur décharge que leur action illégale était dirigée contre un monument d’imposture.
Pour terminer, un conseil à Monsieur le maire de Perros-Guirec : il est dommage de voir une belle pierre comme celle de cette stèle abîmée par des dégradations. Pour l’éviter à l’avenir, il vaudrait mieux la consacrer à un personnage qui mérite véritablement la considération publique. Nous pourrions suggérer d’en modifier la dédicace au profit de la grande philosophe Simone Weil, connue pour ses recherches sur la condition ouvrière, sur les partis politiques (qu’elle souhaitait voir dissoudre), sur la pensée grecque et l’attrait de la spiritualité chrétienne. A la différence de l’autre-est-ce la distance entre V et W ?- cette Simone Weil-là illustre l’apport positif d’une israélite bien née à la communauté nationale et au véritable humanisme.
François Marceron