Dans son dernier livre, publié en septembre 2021 pour préparer sa candidature à l’élection présidentielle de 2022, La France n’a pas dit son dernier mot (éd. Rubempré), Zemmour prend fait et cause pour les prédateurs sexuels. Le sujet le préoccupe visiblement, puisqu’il y revient à six reprises, du début de son livre, page 10, jusqu’à la fin, page 329. Or, nous allons le voir, ce n’est pas du tout anecdotique, c’est en réalité une question de civilisation.
« Pas un jour sans qu’un “porc” ne soit balancé à la vindicte générale : peu importe la réalité des faits, la présomption d’innocence… s’il est célèbre, c’est encore mieux » (p. 10).
On pourrait négliger le fait que Zemmour soit visiblement un obsédé sexuel qui ne nous épargne pas ses sous-entendus graveleux – il parle à toutes les pages des “jambes” des jolies femmes, laissant entendre par cet euphémisme qu’en réalité il vise plus haut… Mais sa complaisance pour les prédateurs sexuels est impardonnable.
« Ce qu’on considérait naguère avec horreur comme d’odieuses habitudes américaines était entré dans la culture française. Le retentissement de l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn avait été un détonateur. On avait alors reproché aux journalistes français d’avoir caché le libertinage de l’ancien ministre des finances. Ce qui était à leur honneur était devenu leur honte » (p. 19).
On remarquera au passage l’amalgame entre le viol et le libertinage.
Et encore, toujours à propos de l’affaire du Sofitel :
« Cette ridicule affaire ancillaire nous ramenait à Karl Marx, qui, lui, avait engrossé la bonne. Autre temps, autre mœurs. J’y vois la confirmation de cette “féminisation de la société” contre laquelle je m’étais élevé dans un de mes livres… Dans une société traditionnelle, l’appétit sexuel des hommes va de pair avec le pouvoir ; les femmes sont le but et le butin de tout homme doué qui aspire à s’élever dans la société (sic). Les femmes le reconnaissent, l’élisent, le chérissent… » (p. 138).
Cynisme et imposture
Je ne suis pas sûr que toutes les femmes soient ravies d’être tenues pour le “butin” du sieur Zemmour, qui, dans sa fatuité, se considère à l’évidence lui-même comme l’archétype de “tout homme doué qui aspire à s’élever dans la société”. Mais il y a mieux encore que ce cynisme odieux, que cet exhibitionnisme subliminal, que cette frénésie lubrique, et on le trouve à la page suivante :
« DSK, menottes derrière le dos entre deux cops new-yorkais, marchant tête baissée, c’est un renversement de mille ans de culture royale et patriarcale française (sic !). C’est une castration de tous les hommes français. Le séducteur est devenu un violeur, le conquérant un coupable » (p. 139).
Ici, on n’est plus dans l’anecdote. Le fourbe Zemmour révèle son imposture dans toute son horreur, en même temps que sa véritable identité. Car c’est la courtoisie, laquelle a mis la femme sur un piédestal, qui a fait l’identité de la France depuis mille ans.
La place éminente qu’a toujours occupée la femme dans les sociétés occidentales est la marque la plus sûre de la grandeur de notre civilisation. On n’a pas attendu en France la révolution de l’égalitarisme et les revendications du féminisme pour reconnaître au sexe faible bien des titres de supériorité sur l’homme (au sens du latin vir). Et cela conférait à la femme de justes privilèges. La galanterie est déjà un beau mot, en dépit d’une certaine équivoque, mais la courtoisie, dont les codes ont été forgés à l’apogée du moyen âge, a une tout autre portée. Or, la courtoisie ne se conçoit pas sans la femme ; elle n’existe à vrai dire que par et pour la femme, car c’est celle-ci qui l’inspire. C’est grâce à la courtoisie, en raison donc de ces principes que la femme a su imposer à l’homme pour qu’il se civilisât en dominant ses instincts, que nous pouvons espérer échapper à un monde de brutes.
La courtoisie n’a de sens que dans une société dont la femme est reine. Comment ne le serait-elle pas, du reste, pour les catholiques – c’est-à-dire pour tous les Occidentaux jusqu’à la prétendue réforme du XVIe siècle -, qui vénèrent la Vierge Marie, Notre-Dame, et qui l’implorent dans leurs malheurs ? Le personnage le plus emblématique de l’histoire de France, celui qui en a été le sauveur par excellence, n’est pas un roi, c’est une jeune fille simple, sainte Jeanne d’Arc, que les Anglais et leurs complices ont immolée à Rouen, mais dont le sacrifice a donné à la France la volonté de se délivrer.
Solidarité abjecte
Nous ne pouvons donc qu’être atterrés de ce qui pourrait faire croire à l’étranger que la France aurait avili l’image de la femme. Quelques semaines avant le scandale du 14 mai 2011 à La Nouvelle York, Christian Jacob, à l’époque patron des députés UMP, mû par une sorte de pressentiment, avait déjà dénoncé en Dominique Strauss-Kahn un individu déraciné qui ne pouvait représenter notre pays. M. Jacob ne s’attendait sûrement pas à avoir raison si tôt, et à ce point, en dépit de la batterie de casseroles tintinnabulant que traînait le directeur général du FMI. Accusé d’avoir violé une femme de chambre du Sofitel, celui-ci a sali la réputation de la France dans le monde. La solidarité abjecte que lui ont témoignée ses amis, ses affidés et ses congénères comme Zemmour est toute à leur déshonneur.
Honneur, courtoisie : comprennent-ils seulement ce que cela signifie ? C’est pourtant dans ces valeurs éternelles que notre peuple puise la force de durer dans l’histoire.
Mais, pour cet immigré algérien qui n’a pas une goutte de sang français, c’est un prédateur sexuel, un satyre, un pervers échangiste, du reste d’origine étrangère comme lui, qui est devenu le symbole de la France française. Le fourbe Zemmour singe les Français, mais il révèle malgré lui à quel point il nous est étranger dans son essence, en dépit de son verbiage et de ses tours de joueur de bonneteau.
Même le fanatique musulman Tariq Ramadan a droit à la faveur de Zemmour :
« Je demeure convaincu que Tariq Ramadan est tombé dans un piège. Les jeunes femmes qui l’accusent expliquent qu’elles ne peuvent se détacher de lui… C’est cette fameuse notion “d’emprise”, dernière trouvaille des féministes pour criminaliser l’homme bourreau éternel, sans se rendre compte, dans leur hargne vindicative, que leur définition de “l’emprise” et de ses effets pervers ressemble comme une sœur à ce qu’on appelait jadis “les affres de l’amour”. » Et Zemmour de présenter le pauvre Ramadan comme une “victime” du journaliste qui l’interrogeait à sa sortie de prison (p. 148).
Dans un article de Marianne.net du 28 septembre 2021 intitulé “Ces passages extrêmement graves à propos de DSK et de Tarik Ramadan dans le livre d’Eric Zemmour”, Malika Sorel-Sutter rapporte qu’en décembre 2018 Le Journal du dimanche “révélait l’existence de chaleureux messages échangés entre Eric Zemmour et Tarik Ramadan”, qui se concluaient par des “Amitiés” et des “Embrassades”, ajoutant que Zemmour, pour s’en expliquer, avait évoqué une simple “cordialité orientale” (sic).
Corps étranger
Zemmour revient sans cesse sur la question, c’est pour lui une obsession. C’est même le seul fil conducteur de son interminable récit. Évoquant la mort de Sean Connery, qui avait créé le personnage de James Bond au cinéma, Zemmour écrit avec nostalgie que l’acteur avait vécu à « une époque où la virilité n’était pas dénigrée, ostracisée, vilipendée, voire diabolisée, pénalisée ; une époque où un séducteur, “un homme qui aimait les femmes”, n’était pas considéré comme un violeur en puissance » (p. 329).
Vous admirerez cette apologie de la liberté du coq dans le poulailler.
Zemmour prend donc la défense de Strauss-Kahn, de Tariq Ramadan et des prédateurs sexuels en général. Ceux qui voudraient y voir le plaidoyer pro domo d’un individu libidineux qui s’identifie à ces deux malheureuses victimes du féminisme ne seraient que de vilaines gens…
Mais quand même, quand Zemmour raconte ce qu’on lui a dit pour le dissuader d’y aller, on a des doutes :
« Des amis me mettaient en garde. Ma vie privée serait étalée à l’encan ; mes frasques, mes amours, “mon misérable petit tas de secrets”, comme disait Malraux, seraient sortis de l’ombre protectrice. Mediapart est déjà sur ton dos, ils vont te trouver une fille qui t’accusera d’agression sexuelle, de viol ; c’est facile aujourd’hui ; il suffit qu’elle se déclare sous emprise. Et une femme sous emprise, qu’est-ce que c’est, sinon ce qu’on appelait naguère une femme amoureuse ? » (p. 18).
Ce passage ressemble furieusement à un contre-feu. On peut en dire autant de la couverture de Paris-Match du 23 septembre 2021 où l’on voit Zemmour et sa directrice de campagne, Sarah Knafo, tendrement enlacés en costume de bain. (Ce n’étaient pas du tout des photos volées prises par des paparazzi, comme Zemmour l’a prétendu ; il est prouvé que le reportage a été fait avec son accord ; du reste, l’article est à la gloire de Zemmour et de sa maîtresse.)
La vision de la femme oppose nettement l’Orient à l’Occident. Choc des civilisations ! (Ce sont des notions culturelles et non géographiques. La civilisation dite “orientale” s’étend de Kaboul à Casablanca. Elle englobe donc l’Afrique du nord, autrement dit le Maghreb, bien que ce mot signifie “Occident” en arabe.) Le voile islamique et les autres règles vestimentaires imposées aux Juives comme aux musulmanes en sont une manifestation éloquente, étant observé que le judaïsme est une religion orientale au même titre que l’islam. Ces deux religions sont isomorphes : l’islam est un judaïsme universaliste, le judaïsme est un islam raciste.
Dans la civilisation orientale, la femme est une proie pour l’homme, un “butin”, comme dit cyniquement Zemmour. Dans l’Occident chrétien, au contraire, la femme est une déesse à laquelle on adresse des poèmes qui ressemblent à des prières. Pour un Occidental de bonne souche, la femme est la merveille de la création et la preuve de l’existence de Dieu. Moïse Eric Zemmour, quant à lui, de par son atavisme, sa famille, son milieu, sa culture, est aux antipodes de cette conception de la femme. Zemmour, dont le nom signifie “olive” en tamazight, langue des Berbères, dont tous les ancêtres étaient des Juifs d’Afrique du nord comme lui, est oriental de part en part, à l’instar de Strauss-Kahn (Juif achkénaze, donc d’origine turque) ou de Tariq Ramadan (musulman arabe d’origine égyptienne). Ce sont en quelque sorte ses doubles, en toute « solidarité orientale ». Il n’est pas assimilé, il ne fait que semblant de l’être. C’est un Français de papier : “Eric à l’état civil, Moïse à la synagogue” ; “Juif à la maison, français de la rue”, a-t-il lâché impudemment – et imprudemment -, pensant visiblement qu’il pouvait tout se permettre. Le mépris de Zemmour pour la femme, qui n’est pour lui qu’un “butin”, prouve qu’il est un corps étranger à la France, nation d’Occident.
La vieillesse est un naufrage Henry.