A L’OCCASION de la cérémonie organisée le 20 mars pour les dix ans des attentats de Toulouse et de Montauban, Emmanuel Macron a osé déclarer dans son allocution : « L’antisémitisme et l’antisionisme sont les ennemis de notre République ». Au moins les choses sont-elles claires. En tenant ces propos, le chef de l’Etat candidat à sa succession inscrit ses pas dans ceux de Manuel Valls qui, alors ministre de l’Intérieur de François Hollande, avait affirmé en 2014, en marge de l’affaire Dieudonné, que « les juifs sont l’avant-garde de la République ». On ne saurait mieux illustrer à quel point la synagogue est consubstantielle à la République comme le catholicisme l’était à la France royale et traditionnelle. Et cette réalité est de plus en plus prégnante car il y a quelques décennies il était encore possible de critiquer fortement l’entité sioniste, voire de remettre en question sa légitimité historique, politique et juridique sans être accusé d’antisémitisme.
Nous évoquions la semaine dernière la dissolution en Conseil des ministres de plusieurs organisations pro-palestiniennes, simplement coupables de dénoncer les crimes de l’Eretz à l’égard des Palestiniens, l’association Comité Action Palestine et le Collectif Palestine vaincra. L’Exécutif ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin et pourrait interdire prochainement, à la demande expresse du lobby judéo-sioniste toujours aussi insatiable, d’autres associations comme CAPJPO EuroPalestine (Coordination des Appels pour une Paix juste au Proche-Orient), l’Association France Palestine Solidarité, l’Union juive française pour la paix, BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) qui milite pour le boycott de l’Etat d’Israël en tant qu’occupant et colonisateur. Après la criminalisation du révisionnisme historique, on franchit une étape supplémentaire dans l’oppression avec la diabolisation de la cause palestinienne, de l’antisionisme officiellement assimilé désormais à l’antisémitisme. Renaud, dont l’anticonformisme n’est pas la principale vertu, ne se risquerait plus à chanter aujourd’hui « Palestiniens et Arméniens témoignent du fond de leur tombeau qu’un génocide c’est masculin » (Miss Maggie, 1985). En trente-sept ans les choses ont bien changé et les libertés fortement reculé.
CE PHÉNOMÈNE n’est pas purement français puisque « l’insupportable police juive de la pensée » (dixit feu Annie Kriegel) n’a de cesse de se renforcer dans tout l’Occident. Dernier exemple en date, le 17 mars, en pleine guerre d’Ukraine, le Conseil de l’Europe n’a rien trouvé de plus urgent que d’appeler « les gouvernements européens à assurer la commémoration de l’Holocauste pour combattre l’antisémitisme ». La recommandation du Conseil de l’Europe, un machin mondialiste et supranational, vise à « prévenir de futurs crimes contre l’humanité (pas moins ! Mais, notez-le, pas ceux commis quotidiennement en Palestine occupée !) Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté très officiellement une « Recommandation relative à la transmission de la mémoire de l’Holocauste et à la prévention des crimes contre l’humanité ». La “recommandation” invite les 46 Etats membres de l’Organisation à « promouvoir l’enseignement et l’apprentissage de l’histoire de l’Holocauste et à transmettre la mémoire de l’Holocauste et des crimes commis par les nazis, leurs complices et leurs collaborateurs, dans le cadre de l’éducation et des politiques publiques ». Le texte d’un conformisme consternant et d’une judéoservilité non moins absolue souligne « le caractère exceptionnel de la destruction de la communauté juive européenne, tout en reconnaissant les autres victimes du nazisme et des autres crimes de masse du XXe siècle. » Etant donné qu’« il y a de moins en moins de survivants de l’Holocauste (on avait plutôt l’impression contraire !) pour apporter un témoignage direct », le Conseil de l’Europe propose « une approche interdisciplinaire de la mémoire, comprenant les documents historiques, les lieux de mémoire, les médias, la musique, l’art et la littérature ». Saluant la “recommandation” qui témoigne en effet d’un courage inouï, la Secrétaire générale, Marija Pejčinović Burić, a déclaré avec grandiloquence : « Apprendre et enseigner l’Holocauste, c’est vital pour prévenir de futurs crimes contre l’humanité. À l’heure où l’antisémitisme s’aggrave, il ne faut ménager aucun effort pour nous souvenir des victimes et faire en sorte que le souvenir se perpétue à l’avenir. Il s’agit d’une part essentielle de notre responsabilité collective de protéger les Juifs et la vie juive en Europe. Cela fait partie de nos valeurs européennes communes ».
On le voit, toute critique d’un certain lobby ou de l’entité sioniste est assimilable désormais à un potentiel crime contre l’humanité. La tribune du Monde du 7 mars (voir RIV. numéros 3509 et 3510) contre RIVAROL ne dit pas autre chose puisqu’elle nous accuse, de manière ahurissante et complètement arbitraire (on croit cauchemarder tant l’accusation est stupéfiante et grossière), de « faire le lit des génocidaires, d’insulter les rescapés, les familles des victimes et leur mémoire ». On voit à quel point leur République est une idéologie mortifère qui repose sur le déni du réel et sur la diabolisation, la criminalisation des ennemis de l’intérieur. Il y a une logique épuratrice à l’œuvre dans le discours républicain depuis la Révolution française, et cette dimension qui parfois semble s’estomper finit toujours par rejaillir et légitime à l’avance une répression foudroyante contre ceux désignés comme des ennemis à abattre, des pourvoyeurs de haine, des disciples de la discrimination. On exclut au nom du refus de l’exclusion. On tyrannise au nom du refus de la tyrannie.
QUAND LES POUVOIRS PUBLICS ne récitent pas servilement le catéchisme holocaustique et n’enseignent pas la morale (unilatéralement) antiraciste, ils commémorent, ils glorifient des actes de trahison de gouvernements indignes, comme les accords d’Evian de mars 1962. Macron a décidément fait fort cette semaine. Mais il n’en est pas à sa première initiative dans ce domaine puisqu’il avait déjà déclaré lors de la campagne présidentielle de 2017 que la colonisation française en Algérie avait été un crime contre l’humanité. Notez-le bien : pas même un simple crime, mais carrément un crime contre l’humanité. Ce qui, si les mots ont un sens, ouvre la voie à des réparations morales et financières. On le voit, on reste prisonnier de la jurisprudence de Nuremberg. Laquelle ne cesse de nous pousser au suicide en imposant une autoflagellation mortifère.
Or, il était criminel de larguer totalement les possessions françaises. Sans doute des ajustements devaient-ils être faits, des évolutions juridiques, administratives et politiques pouvaient-elles être mises en œuvre mais il eût fallu absolument garder au moins le Sahara avec son pétrole et son gaz naturel. A l’heure où se pose avec gravité la question de notre dépendance énergétique, à l’heure où les prix du gaz et de l’essence explosent, on mesure à quel point ce fut une folie de tout brader comme l’a fait De Gaulle en 1961-1962 sans rien obtenir en contrepartie. On nous parle ad nauseam de la lucidité de l’homme de Colombey, de sa prescience, de sa vision, de sa volonté d’assurer la grandeur de la France mais en réalité c’est tout le contraire qu’il faut dénoncer chez lui. Il a rapetissé notre pays, l’a rétréci au lavage et il n’a nullement œuvré à notre indépendance énergétique qui eût pu être assurée avec le maintien du Sahara dans le giron tricolore. Il y avait 36 façons de traiter l’affaire algérienne, il a fallu que De Gaulle choisisse la 37e, la pire : le bradage total sans rien obtenir en échange pour notre pays.
SES SUCCESSEURS s’inscrivent résolument dans ses pas : après avoir tout tenté (heureusement en vain jusque-là) pour larguer la Nouvelle-Calédonie riche en nickels et qui, avec les autres confettis d’Empire, nous permet d’avoir le deuxième domaine maritime au monde, voilà que Macron s’est dit prêt à accorder l’autonomie à la Corse, premier pas là aussi vers l’indépendance, et donc vers le largage de l’île de Beauté, ce qui est une infamie. Et pourquoi pas demain l’abandon du Pays basque et après-demain de tout ou partie de la Bretagne ? La faiblesse entraîne d’autres faiblesses, une abdication en suscite d’autres. Il n’est rien de pire qu’un pouvoir faible avec les forts et cruel avec les faibles.
Un gouvernement digne de ce nom doit veiller jalousement à l’intégrité territoriale du pays dont il a la charge et ne pas participer à son affaiblissement, à son morcellement, à son démantèlement. Il a suffi de quelques manifestations violentes de jeunes Corses indépendantistes protestant contre l’agression en prison par un codétenu allogène d’Yvan Colonna, responsable de l’assassinat le 6 février 1998 du préfet Erignac, pour que Macron, au lieu de rétablir l’ordre et le calme, évoque officiellement l’autonomie de ces deux départements français. C’est un scandale absolu. Il suffit que quelques jeunes excités s’agitent, hurlent, menacent, détruisent et pillent des bâtiments officiels, brûlent ostensiblement des drapeaux français pour que le chef de l’Etat cède à la violence et d’une certaine manière l’encourage, la récompense. C’est insupportable. On est là exactement dans la même politique que De Gaulle avec le FLN algérien, que Rocard, porteur de valises du FLN, avec le FLNKS kanak pour la Nouvelle-Calédonie. Ce sont des comportements antinationaux qui s’assimilent à une véritable traîtrise, à une forfaiture. Las ils ne sont jamais punis. Ni par Thémis ni par le peuple qui reconduit toujours les mêmes. Il est pourtant clair, en politique comme dans la vie, qu’il faut savoir se montrer ferme et inflexible quand l’essentiel est en jeu. Voire conquérant quand on le peut car qui n’avance pas recule, qui n’amasse pas dissipe, qui ne s’impose pas, qui ne se fait pas respecter est immanquablement condamné à la défaite, à la soumission et à la servitude. Comme en atteste invariablement l’histoire des peuples, des nations, des empires et des civilisations.
Éditorial de Jérôme Bourbon, Rivarol