Cet extrait de la Méditation sur la politique de Jeanne d’Arc , écrit par Charles Maurras en 1929 semble avoir été écrit pour notre temps. Maurras y développe la nécessité du “Politique d’abord”, mis en pratique par la sainte de la Patrie. Si les remparts de Syracuse tombent, Archimède est égorgé… Le texte de Maurras porte la dédicace suivante : “À l’association des jeunes filles royalistes devant laquelle furent pensées tout haut quelques-unes des ces incomplètes méditations, au nom de l’Action française reconnaissante, hommage très respectueux de l’auteur.”
“Rien ne se fait dans la cité des hommes sans une règle d’ordre étendue à toutes les fonctions. Il en est de plus hautes que cette fonction de police, mais elle est la première, elle l’emporte, dans la suite du temps, même sur le religieux, le moral et le militaire, politique d’abord.
Dans un pays sujet au déchirement des partis, si surtout ce pays est envahi et démembré par les ennemis du dehors, il n’y a rien de plus nécessaire que la monarchie, c’est presque un pléonasme : le gouvernement de l’Un met fin aux divisions et aux compétitions. C’est par lui qu’il faut commencer : Roi d’abord.
Les puissances morales et religieuses, au premier rang de toutes, la religion catholique, représentent un bienfait de première valeur, et l’un des devoirs capitaux de la Monarchie est de les servir. Mais l’organisation religieuse ne suffit pas à tout : sainte Jeanne d’Arc elle-même constitue ou plutôt reconnaît le Roi de la terre de France régnant au nom du Roi du Ciel.
Enfin, si les lois civiles sont saintes, si la consultation des sujets, la représentation méthodique des intéressés sont des choses utiles, si l’opinion est bonne à interroger pour savoir et entendre la vérité, tout cela, si précieux soit-il, reste néanmoins secondaire ; le devoir de l’autorité est d’abord de conduire : une décision prompte fait, les trois quarts du temps, ce qu’il y a de plus propre à entraîner et à réconcilier tous les cœurs ; à l’exemple de Jeanne d’Arc, l’Action française a toujours demandé un roi qui règne et qui gouverne dans le droit fil des traditions et des intérêts du pays.
Les hauteurs du noble sujet qui n’a été abordé ici qu’en tremblant nous accuseront-elles d’une sorte d’irrévérence pour en détacher et en isoler ainsi le détail ? On s’en console en se disant que l’analyse ne sera pas inutile si elle contribue, en quelque mesure, à montrer comment, à cinq siècles de distance, les mêmes sentiments, les mêmes méthodes, les mêmes doctrines peuvent avoir la même part à l’action fructueuse pour le salut de la même patrie. De fortes et durables valeurs morales, supérieures aux personnes mortelles, font les nations. Les grands peuples vivent par l’immortel. On observe qu’ils durent par leurs dynasties. Mais ils ont les dynasties qu’ils ont méritées. Le solide honneur de la France est de se prévaloir de la plus belle des races de rois. À son lit de mort, face à l’éternité, dans une agonie imprégnée du sentiment religieux le plus sincère, et le plus profond, comme il faisait son examen de conscience tout haut devant sa cour, Louis XIV dit gravement :
— Je m’en vais, mais l’État demeure toujours. Continuez à le servir, Messieurs.
Telles sont les paroles de l’espérance terrestre. Est-elle impie ? Il ne me semble pas qu’il puisse être interdit de saluer en Jeanne d’Arc sa fidélité à ce qu’il y a de plus solide et de plus vivace, l’État, le Roi, dans la structure de son ouvrage, Notre Patrie”.
Charles Maurras