Parmi les observations justes et fécondes laissées par Maurras, celle-ci : les vaches sont bien gardées quand il y a des libertés à la base et une autorité au-dessus. Cela fonde le principe de subsidiarité que l’Union européenne loue en parole et bafoue en fait. Ce principe de sain gouvernement, deux faits récents illustrent le mal qui naît de sa transgression et l’espoir que sème ceux qui le suivent.
Le premier fait, déplorable, est le report décidé par le cardinal Ouellet, préfet de la congrégation des évêques, des ordinations de prêtres et de diacres prévues ces derniers jours dans le diocèse de Toulon, sans qu’aucune raison n’ait justifié cette décision. D’après Famille chrétienne, la visite apostolique menée par l’archevêque de Marseille Jean-Marc Aveline s’était bien passée et ne laissait pas deviner telle chute. Or cet ajournement sine die est non seulement une cruelle blessure pour les jeunes gens privés d’ordination, mais apparaît aux yeux de tous comme une condamnation de l’évêque de Toulon, Dominique Rey, et de la politique qu’il mène auprès de ses ouailles. Pourtant, dans le désert de pratique et de vocations qu’est devenue la France, le diocèse de Toulon est l’un des rares qui fonctionnent encore un peu. Mais peut-être en veut-on à Rome à Mgr Rey d’être considéré comme « conservateur » et de réussir : les palléo-modernistes en fin de vie qui infestent l’appareil de l’Eglise rêvent d’entrainer le peuple chrétien dans leur rapide évanescence. Quoiqu’il en soit, on voit ici l’un des phénomènes les plus inquiétants à l’œuvre depuis Vatican II : sous couleur de collégialité (et cela ne va pas s’arranger avec la maladie des synodes), donc de « démocratie », on réduit, on annihile la liberté créatrice de la cellule de base de l’Eglise catholique, le diocèse – dont l’évêque était traditionnellement seul maître. Le pape, et encore moins la curie, et encore moins telle ou telle conférence ou tel synode, n’a pas à se substituer au père spirituel du diocèse, successeur des apôtres et responsable devant Dieu seul. En bafouant l’usage et l’esprit de cet usage, l’autorité romaine fait du mauvais travail et se discrédite : mais peut-être est-ce le souhait secret de François, qui après tout reste jésuite : ses foucades de communication et la brutalité arbitraire de son gouvernement seraient un moyen tordu d’affaiblir à terme l’autorité du pape.
Voici maintenant la touche d’espoir et elle vient paradoxalement du premier tour des législatives. On en a tout dit, silences de Marine Le Pen, pimpons de Mélenchon, fil blanc de Macron, ennui et abstention. Mais l’espoir est à la base. Ce sont les élus, les futurs élus, qui peuvent passer par maille et servir les libertés françaises à leur petit niveau. J’en parle avec satisfaction parce que dans la Gironde où je vis, pour la première fois, deux candidats qui correspondent un peu à la France que nous aimons peuvent être élus. Cela n’était pas arrivé depuis au moins la fin de la seconde guerre mondiale. Il s’agit de Grégoire de Fournas en Médoc et d’Edwige Diaz dans le Blayais. Je ne connais pas la dernière mais j’observe le premier depuis des années, depuis qu’il est conseiller municipal de Pauillac et qu’il a été conseiller général du canton de Saint-Vivien de Médoc. C’est un vigneron sérieux, un élu local présent, un monsieur qui fait ce qu’il dit et qui dit des choses simples et bonnes, c’est un catholique convaincu, le tout sans brutalité ni forfanterie : en somme c’est quelqu’un qui portera bien à l’Assemblée nationale la voix des Français – après tout, c’est d’abord à cela que servent les députés. A faire entendre la voix de la France là où se prennent les décisions et se votent les lois. S’ils étaient cinquante comme lui au Palais Bourbon, cela ferait un groupe parlementaire, un autre son de cloche dans le Landernau parisien – nous avons connu cela deux ans entre 1986 et 1988. Il a en face de lui un Mélenchonien. Plus de socialiste, de républicains ni d’Ensemble : l’extrême-droite et l’extrême-gauche face à face, le combat des épouvantails. Le NUPES, l’homme des folies révolutionnaires, a fait le plein de ses fans, il n’a d’autre réserve que la macronie : derrière Fournas au contraire viennent d’importantes réserves, divers centres, divers droite, reconquête, LR. Je ne sais pas ce que recommanderont les appareils et je ne veux pas le savoir. Mais si les électeurs le veulent, ils peuvent se débarrasser du candidat de la créolisation, des minorités et de la révolution sociétale en choisissant celui de la vigne et de la France. Choisir, en politique, c’est tout simple : c’est choisir la vie qu’on veut.
Martin Peltier