Maurras et le Maréchal
Un certain nombre de ceux qui se réclament d’Action Française ont été scandalisés pour l’hommage que nous rendions le 23 juillet à celui que Maurras appelait le “Maréchal – Régent”, l’occasion de revenir sur un certain nombre de points…
Quand il envisageait le processus de rétablissement de la monarchie, Charles Maurras faisait intervenir “le général Monk”, c’est-à-dire un militaire qui jouerait le rôle de celui qui avait restauré la dynastie des Stuart en Angleterre au XVIIe siècle après la dictature de Cromwell. Le maréchal Pétain n’avait jamais été considéré par Maurras comme un “Monk” possible, même s’il était devenu son confrère à l’Académie française en 1938. Après une glorieuse carrière militaire, Philippe Pétain était resté républicain. Il avait été ministre de la Guerre durant quelques mois dans le gouvernement Doumergue constitué après le 6 février 1934. En 1939, il avait été envoyé comme ambassadeur en Espagne après la victoire de Franco sur les Rouges. Il avait ainsi contribué à rétablir des relations cordiales avec notre voisine d’outre-Pyrénées.
Le bouclier des Français
Si l’Action Française soutient le maréchal Pétain appelé au pouvoir en juin 1940 dans des conditions dramatiques, c’est parce que les circonstances le désignent comme le plus à même de défendre les intérêts français face à l’Allemagne victorieuse, tandis que l’Angleterre a lâché la France. Maurras invite les Français à lui faire pleinement confiance, à soutenir son action, à participer à l’œuvre de rénovation nationale qu’il entreprend par delà les vieux clivages partisans qui divisent le monde politique. Cependant, à Vichy où le gouvernement s’est installé, en zone libre – les deux-tiers de la France étant occupés par l’envahisseur – une tendance favorable à une collaboration étroite avec l’Allemagne se manifeste. L’Action Française ne tarde par à dénoncer ceux qui 1) veulent instaurer un parti unique, à l’image des régimes fascistes répandus alors en Europe ; ce parti n’eût pas manqué de tomber sous l’influence de l’Occupant, 2) cherchent à entraîner la France dans une guerre contre l’Angleterre et tirent notamment argument de l’agression de la flotte française par la marine anglaise à Mers-el-Kébir le 3 juillet 1940. Pour contrer la tendance progermanique, influente notamment dans l’entourage du président du Conseil Pierre Laval, Charles Maurras et Maurice Pujo se rendent plusieurs fois à Vichy durant l’été 1940. Ils rencontrent le Maréchal ainsi que le général Weygand. L’Action Française sera considérée comme à l’origine du renvoi de Pierre Laval le 13 décembre suivant. Les rencontres entre le Maréchal et Maurras durant le reste de l’Occupation seront rares. Elles se comptent sur les doigts d’une main. Pourtant Maurras est de ceux qui auront le mieux compris l’action du chef de l’État français. Il exista entre eux jusqu’au bout une grande communion de pensée.
La seule France
La ligne suivie par l’A.F est alors définie par les formules de « la seule France » et de « la ligne de crête ». Elle rejoint la politique du Maréchal. Elle comporte d’abord le refus d’une collaboration active avec l’Allemagne. Entre la France et l’Allemagne il ne convient pas de dépasser les relations obligées d’État à État qui résultent de la présence de l’occupant sur le sol français. Le Maréchal et Maurras seront l’un et l’autre vilipendés par la presse de Paris, inféodée aux Allemands, qui leur reprochera de ne pas vouloir entrer dans la « nouvelle Europe » conçue par les nazis et de pratiquer « l’attentisme ». Par ailleurs, l’A.F condamne le parti gaulliste qui brise l’unité française. Les collaborationnistes et les gaullistes affaiblissent le Maréchal dans ses négociations avec les autorités allemandes.
Le 8 mai 1943, le Maréchal décerne la francisque à Maurras; Il lui envoie le recueil de ses messages avec cette dédicace « À Charles Maurras, le plus français des Français ». Maurras restera fidèle jusqu’au bout au Maréchal qui, malgré une liberté d’action de plus en plus réduite demeure un bouclier pour les Français face à l’occupant.
L’A.F n’approuve pas pour autant – loin de là – toutes les initiatives prises par les ministres du gouvernement de Vichy. Le 24 janvier 1945, lorsque Maurras comparaît devant la Cour de justice du Rhône sous l’accusation d’intelligence avec l’ennemi” (!) il arbore la francisque au revers de son veston. Suprême défi lancé aux épurateurs et à la Révolution triomphante.
Michel Fromentoux