Après les « médecins de plateau », lors de la crise du Covid, nous voilà forcés de subir les « Généraux de plateau » avec la guerre en Ukraine. La plupart d’entre eux se montrent soucieux de justifier leurs honoraires en se limitant à la plus plate propagande antirusse. Il est vrai qu’en temps de guerre, la première victime, dit-on, est la vérité. Il existe cependant un Général qui sort de l’ordinaire de médiocrité qui nous est imposé par les grands médias : le Général Vincent Desportes. Non que cet officier conteste frontalement l’engagement de la France, (non belligérant mais jusqu’à quand ?), mais il se permet cependant certaines incartades par rapport à la doxa atlantiste. Nous allons tenter de décrire les étapes logiques de la pensée stratégique qu’il défend avec courage depuis qu’il fut sanctionné en 2010 par le ministre de la Défense d’alors, Hervé Morin, pour avoir critiqué la stratégie américaine en Afghanistan. Par la suite, il n’aura plus de commandement et passe en 2° section, entendez qu’il est mis à la retraite. Cela ne le dissuade pas d’adresser une lettre ouverte à Alain Juppé en 2016, dans laquelle il soutenait le devoir des militaires de faire connaître leur opinion, appuyée sur la connaissance de leur métier, sans pour autant cesser de rester loyal au pouvoir politique. Sans doute mais que se passe-t-il quand les enjeux idéologiques s’opposent radicalement aux intérêts nationaux ou européens ? C’est là toute l’ambiguïté de ses prises de position.
- D’abord, il met en lumière le fait que les États-Unis d’Amérique ont une conception de la guerre fort différente de celle des Européens. Alors que nous considérons que la guerre est une manière parmi d’autres de mener une politique (Clausewitz : la politique par d’autres moyens), permettant une paix de compromis, éventuellement, les USA considèrent que la seule conclusion d’une guerre est la capitulation sans conditions parce que la guerre n’est pas l’expression de la politique, mais de la morale. Leur victoire n’est pas celle d’une nation mais celle du Bien contre le Mal. Le vaincu doit, non seulement rendre les armes, mais devenir autre. Cette conception téologicomorphiste de la guerre, carrément messianique, exclut toute paix négociée. Il y a là une grave différence d’approche (2)
- Ensuite, Desportes n’hésite pas à montrer combien nos intérêts vitaux sont différents de ceux de l’Amérique du nord : « il est parfaitement déraisonnable pour l’Europe de lier son destin stratégique à une puissance dont les intérêts stratégiques sont de plus en plus divergents des siens. (3)»
- De même, il est parfaitement lucide sur le fait que l’Europe est profondément divisée entre les États de l’ouest (France, Allemagne, Italie) dont les intérêts sont de ne pas se couper de la Russie, pour de multiples raisons, principalement économiques, mais non exclusivement, les États du nord-est, tout investis par leur ressentiment à l’égard de l’ancienne URSS (Pologne, États baltes, Roumanie, Géorgie, et bien entendu Ukraine), Les petits et moyens États du continent, qui ont renoncé à toute géopolitique, et enfin la Grande Bretagne qui suit l’Amérique et même la précède quelquefois.
- Enfin il est conscient que les sanctions économiques, si elles ont été parées par la Russie, frappent de plein fouet l’Europe de l’ouest, au point de la conduire à la pénurie, à la récession et à des troubles gravissimes, profitent aux USA de façon scandaleuse, en provoquant une voie de plus pour augmenter leur puissance à nos dépens, et que cette situation risque de durer fort longtemps.
- Il est forcé de reconnaître que les mesures prises par les institutions européennes pour éviter à l’Allemagne d’asphyxier son industrie sont essentiellement une charge insupportable pour notre pays, la France.
- D’abord parce qu’il est beaucoup trop tard. Il eût fallu s’opposer au plan américain dès 2010, plan que Washington ne cachait pas, en exigeant l’application des accords de Minsk, et si cela s’avérait impossible, en dénonçant leur violation éhontée. La suite des choses en eût été fort différente.
- En effet, la guerre, selon l’expression de Daniel Halévy, est un accélérateur de l’histoire, et depuis février 2022, une évolution irréversible s’est mise en place. Desportes souligne avec raison que l’unité européenne s’est installée, mais sous la bannière américaine et sans possibilité d’indépendance.
- Dès lors, seule l’issue de la guerre peut permettre de déboucher sur une solution acceptable. Soit les hostilités donnent l’avantage à l’Ukraine et à l’OTAN, et alors, Desportes le sait bien, toute voix discordante sera étouffée, car la dynamique de la victoire provoquera un épouvantable chaos dans toute l’Asie centrale, et une soumission abjecte des nations historiques de l’Europe. Il est absolument vain de croire que la France puisse faire dans un tel contexte prévaloir ses choix dans une Union européenne où elle sera ultra-minoritaire. Soit l’Ukraine recule, malgré le soutien occidental, et dans ce cas la seule solution sera de se retirer de cette alliance agressive, avec en prime l’effondrement des institutions de Lisbonne. Pourquoi attendre, dans ces conditions, au nom des prétendues valeurs démocratiques ? Le temps presse. Le Général Desportes est sans doute un bon stratège. Il aurait intérêt à compléter ses réflexions par la lecture de Bainville.
« …souligne avec raison que l’unité européenne s’est installée ».
L’unité des « chefs d’État » , mais aucunement des peuples d’Europe.
Et même s’il y a eu de tout temps des citoyens susceptibles de traîner des pieds, voire freiner des deux fers pour partir à la guerre ou y participer d’une manière ou d’une autre, soit par refus du sacrifice, soit par sincère objection de conscience, aujourd’hui, dans le cas ici présent, les rares fêlés français qui se sentent en esprit de combat armé contre le régime russe se comptent sur les doigts d’une main.
Il peut arriver ce que redoutaient certains opposants à la suppression du SN : qu’un chef d’État (qui plus est, élu virtuellement au 1er tour avec 18% des voix) aille guerroyer avec l’Armée Nationale, de ses propres caprices, comme peut-être la volonté de laver son échec à aller défier M Poutine par un eyes ball test.
Un eyes ball test tel que ceux qui, sur nos territoires plus ou moins perdus, se solidarisent contre le Français (qui d’une part tente de considérer encore son identité nationale au-dessus de toutes les autres, et d’autre part, parle encore français comme langue exclusive sous son toit) en ont le secret, bien confiants dans leur élan à faire de la France un terrain de comportements insolents, de devoirs affaiblis, de respect affaibli pour l’Autre, de droits augmentés.
Jusqu’à démenti, la langue russe avait bien été interdite dans certaine région d’Ukraine.
Et de manière sûre, alors que les JO ne sont qu’en 2023, Volo a demandé au président-philosophe d’interdire de compétition les athlètes russes :
J’ai la conviction que Volo est extrêmement mal intentionné envers le genre humain.
Et si ne demeurait pas irrésolue la question de la non-reconnaissance de la destruction d’un avion de passagers civil en 2015, a priori par le camp russophone( ?), il ne serait pas incompréhensible qu’il puisse être souhaité au contraire, sans réserve, la défaite rapide des forces ukrainiennes, au profit du genre humain.
Quant aux actuelles gens d’ État états-uniens et leur intention implicite de s’impliquer dans un conflit qu’ils veulent voir durer (sinon, pourquoi annoncer des livraisons de chars qui n’arriveront que dans plusieurs mois ?), un petit point leur a échappé :
Depuis les attentats du 11 septembre, s’est développé un anti-américanisme primaire, boosté par un islamo gauchisme, tandis qu’une frange de la population resta fidèle à une relation de sympathie issue à la fois du Débarquement et d’un rêve américain, assez poétiquement car consciente que ce n’était qu’un rêve, véhiculé à travers le cinéma et la télévision, sans compter les anciens enfants français qui dans les ports de France avaient eu bonne impression des Gis.
Mais une bonne partie de cette frange ne voit plus cette Amérique sympathique. Cette crise actuelle n’est vraiment pas bonne si les USA ne veulent pas renoncer à leurs acquis européens en matière de soft power, ce qui serait assez dramatique vis-vis de son creuset historique qu’est l’Europe.
…qu’en 2024.