Louis Salleron. Artisan du bien commun
Soeur Ambroise-Dominique Salle
dominicaine enseignante à Fanjeaux
“On peut vraiment dire que Jeanne d’Arc a porté à son point de perfection absolue, la notion de citoyenneté dans l’Église. Moyennant quoi, elle fut brûlée comme schismatique, hérétique et relapse. Moyennant quoi, peu après, elle fut réhabilitée. Moyennant quoi, beaucoup plus tard, elle fut canonisée. Nous ne risquons rien à la prendre pour modèle” Louis Salleron (p. 33).
Certaines biographies sonnent à leur publication, comme une volée de cloches au printemps en pleine campagne, il semble que rien ne puisse venir troubler la douce quiétude dans laquelle l’on se trouve, jusqu’à l’instant où celles-ci résonnent et où nous exultons au merveilleux qu’elles produisent. C’est cet effet que nous ressentîmes quand nous sûmes que la soeurAmbroise-Dominique Sal
Nous le disons : heureux ceux qui exhument des ténèbres de l’oubli de telles figures salvatrices, pour notre temps perdu et déboussolé ! Mais, revenons-en à Louis Salleron. Peu connaissent encore son nom… et pourtant ! Il fut partout en son temps et nombreux, furent ses combats pour le bien commun au cours de sa longue vie (1905 – quelle date… ! 1992). Lisons avec attention le résumé de ce livre :
“Penseur majeur du corporatisme et du syndicalisme, de l’économie politique et du catholicisme au XXe siècle, Louis Salleron (1905-1992) a voué sa vie au service du bien commun.
Après l’avoir fréquenté durant son enfance, sa petite-fille a lu, outre sa correspondance, ses ouvrages et articles, publiés notamment dans » Fédération », qu’il dirige, « Itinéraires » qu’il fonde avec Jean Madiran, « Carrefour » dont il est la cheville ouvrière ou encore ceux de « La Pensée catholique » ou du quotidien « l’Aurore ». Elle offre ici, une étude minutieuse de l’œuvre immense de son grand-père, injustement plongée au purgatoire des grands intellectuels.
Que Louis Salleron ait traité d’agriculture et de corporation, dès sa thèse de doctorat, qu’il se soit penché sur l’équilibre des rapports sociaux entre patrons et salariés ou ouvriers, au sein de l’entreprise, qu’il ait dispensé des cours d’économie politique à l’Institut catholique de Paris, inspirés par la Doctrine sociale de l’Église, ou qu’il se soit intéressé au sort de la France et de l’Europe, jamais il ne se départit d’un sens aigu du réel, étranger aux idéologies totalitaires ou pseudo progressistes, fossoyeuses de tout ordre naturel et surnaturel. Témoin des bouleversements liturgiques et pastoraux de l’après-Concile, il entreprend une résistance tout à la fois patiente et résolue, tant contre les hérésies que contre l’esprit de chapelle au sein du catholicisme.
Père de douze enfants dont trois prêtres, Louis Salleron a le privilège d’avoir une épouse d’élite à ses côtés, toute d’intelligence, de bon sens et de discrétion. Aimant la vie, convive aux traits d’esprit réputés, il s’entoure de relations ou d’amis d’envergure, avec lesquels il correspond. Parmi eux : Georges Bernanos, Mgr Jean Rupp, Dom Gaston Aubourg, Gustave Thibon, Marcel De Corte, le général Weygand, le colonel Rémy, le révérend père Bruckberger, Mgr Marcel Lefebvre, Henri Rambaud ou l’amiral Paul Auphan. L’on découvre à travers sa vie, un cœur de poète, pétri d’humour et d’humanité, en particulier lorsqu’il fustige l’acharnement des clercs ou des profanes à détruire notre civilisation.”
Ne pouvant, dans le cadre de cette recension, analyser l’entièreté de cet ouvrage, nous voudrions vous en livrer quelques points qui, nous l’espérons, vous donneront envie de vous procurer ce livre.
Le second chapitre de ce livre est titré : Louis Salleron, l’Action française et Charles Maurras. Soeur Ambroise-
Le quatrième chapitre fera probablement grincer quelques dents : Louis Salleron et la pensée de Jacques Maritain. Pourquoi ? Que la pensée maurrassienne ne soit plus audible,au sein de notre société est une évidence, mais il est tout aussi évident que la plupart des personnes qui osent encore se prétendre d’Action française, le font en se cachant derrière quelques figures, plus acceptables en société, que celle du maître de Martigues, à savoir la figure de Boutang ou encore celle de Maritain. Louis Salleron ne cessera jamais de vouloir corriger les erreurs de Jacques Maritain et les lignes qu’il écrivit, méritent d’être méditées. La condamnation de 1926 provoqua un revirement chez Maritain, il quitte la philosophie du réel et de l’ordre, les plans se brouillent, s’obscurcissent et le mènent au personnalisme. Sa pensée mène au désordre, à l’an-archie ! S’il reste chrétien, il quitte, pour Louis Salleron, le camp du thomisme. Pourquoi ce revirement ? “le malheur de Maritain est de s’être laissé entourer par la petite tourbe démocratico-chrétienne” (p.70). Louis Salleron analysera l’évolution de Maritain et en cherchera les causes, mais sa recherche sera toujours honnête et rendra hommage à ce qui doit l’être chez lui, tout en combattant ce qui doit être combattu. A ce propos, il n’est pas inintéressant de souligner le parallèle qui fut fait entre le marxisme et la pensée de Maritain : “Entre le marxisme et la position politico-sociale de M. Maritain, il y a deux différences théoriques : une différence de doctrine – M. Maritain croit à la liberté, que nie Marx ; et une différence de but – M. Maritain poursuit l’humanisme intégral,tandis que les marxistes se contentent de l’humanisme simple. Mais il y a une ressemblance capitale : c’est que M. Maritain est d’accord avec les marxistes sur l’interprétation de l’histoire contemporaine et sur le sens de sa transformation” (p.73).
Le cinquième chapitre – Thèse d’Etat, l’agriculture – mériterait que nous nous y attardions longuement. La question du corporatisme, défendue par l’Action française, y est traitée dans les meilleurs termes. Pour lui, le salut de l’agriculture française passera par la voie corporatiste – et quand nous voyons l’état actuel de notre agriculture nous ne pouvons que constater l’inefficacité de l’option choisie – et il expose ses raisons. “Les libéraux croient qu’on peut sauver l’Etat par la liberté. Les socialistes croient qu’on peut sauver la liberté par l’Etat. Nous pensons, nous, qu’il faut sauver ensemble, la liberté et l’Etat, par une organisation nouvelle qui rejette définitivement le vieil individualisme révolutionnaire et qui tienne compte à la fois, des fins supérieures de la personne humaine et des réalités collectives de l’économie” (p. 94). Dans le domaine agricole, la corporation est un sain rempart contre l’individualisme d’une part et le syndicalisme marxiste d’autre part.
Nous pourrions poursuivre ainsi pour chaque chapitre – les catholiques trouveront de magnifiques passages sur son engagement au sein de la vie ecclésiale où il côtoya de grands noms à l’instar d’un Jean Madiran -, la richesse de cet ouvrage étant vertigineuse et ce, d’autant plus, pour notre vieux mouvement d’Action française, dont bien des vues sont représentées ici. L’histoire de Louis Salleron, c’est également un bout d’histoire de notre mouvement ! Honorons de telles figures tutélaires et sachons les suivre dans leurs jugements afin que, nous aussi, nous sachions être des artisans du bien commun !
Guillaume Staub
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J’ai lu son ouvrage “Ce qu’est le Mystère à la Foi” et le conseille vivement. Son appréciation positive à une pensée de Simone Weil mérite le détour, est parfaitement vu.
Effectivement, c’est un excellent conseil de lecture !