“La liberté et l’égalité ne sont que l’amour de la domination et la haine de toute autorité qu’on n’exerce pas.”
Louis de Bonald.
C’est une idée largement reçue de nos jours : la démocratie serait la meilleure forme de gouvernement, voire la seule qui soit légitime et respectable. Toute autre forme de pouvoir ne serait qu’oppression et tyrannie, contre laquelle on aurait le droit et même le devoir de se révolter. Cette étrange philosophie a été soutenue notamment par Jean-Jacques Rousseau dans son Contrat social. Mais qu’est-ce, au juste, que la démocratie ? Qu’en ont pensé les Grecs, à qui on en attribue l’invention ? À ce sujet, il est bon de relire la philosophie de Platon. Dans le livre VIII de La République, il a proposé une théorie complète des différentes formes de gouvernement. On y apprend avec étonnement que Platon tient la démocratie pour l’une des pires constitutions qui soient. Il n’y a de pire, selon lui, que la tyrannie, dont elle n’est pas d’ailleurs pas si éloignée qu’on pourrait croire.
L’aristocratie : le régime idéal selon la philosophie de Platon
La méthode suivie par Platon en philosophie politique consiste à décrire, pour commencer, un État idéal dans lequel règne une parfaite justice. Un État où chacun fait son travail, comme dans un organisme en bonne santé, où chaque organe remplit correctement sa fonction. Cet État parfaitement organisé, dans lequel chacun accomplit la tâche correspondant à ses aptitudes, Platon l’appelle aristocratie, c’est-à-dire gouvernement des meilleurs, des plus vertueux. Cet État est sujet à une multitude de maladies, qu’on peut ramener à quatre formes principales : la timocratie (mot inventé par Platon), l’oligarchie, la démocratie et la tyrannie. La démocratie s’établit généralement sur les ruines de l’oligarchie, qui est le gouvernement des riches, gouvernement qui porte en lui les germes de la guerre civile. C’est la guerre des pauvres contre les riches qui fait passer l’État de l’oligarchie à la démocratie : « la démocratie apparaît lorsque les pauvres, ayant remporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, bannissent les autres, et partagent également avec ceux qui restent le gouvernement et les charges publiques. »
Liberté et démocratie : avis politique de Platon
L’un des caractères de l’État démocratique, c’est la liberté ou plutôt la licence qui y règne, et qui fait que « chacun organise sa vie de la façon qui lui plaît. » Aussi trouve-t-on des hommes de toute sorte dans cet État, et c’est ce qui en fait la beauté si particulière : « comme un vêtement bigarré qui offre toute la variété des couleurs, offrant toute la variété des caractères, il pourra paraître d’une beauté achevée. Et peut-être beaucoup de gens, pareils aux enfants et aux femmes qui admirent les bigarrures, décideront-ils qu’il est le plus beau. » Platon énumère dans des lignes pleines d’ironie les avantages de cette liberté propre à la démocratie. Dans cet État, on est libre de ne pas faire la guerre quand les autres la font, mais aussi de la faire quand les autres ne la font pas. On est libre d’exercer les fonctions de juge, même lorsqu’on n’y est pas appelé par la loi. On peut être condamné à la mort ou à l’exil, et rester néanmoins dans sa patrie et y circuler en public. L’homme politique n’y est pas tenu d’avoir suivi une formation spéciale : il lui suffit d’affirmer sa bienveillance pour le peuple, et de se montrer docile aux volontés de celui-ci. Car dans les États démocratiques « on loue et on honore les gouvernants qui ont l’air de gouvernés et les gouvernés qui prennent l’air de gouvernants. »
La démocratie : une course vers l’anarchie ?
Cette étrange maladie de la démocratie, dont l’origine se trouve dans la haine de toute autorité, s’étend à tout et pénètre dans l’intérieur des familles. L’amour de la liberté se prolonge en amour de l’égalité. « Le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants ; le fils s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour ses parents, parce qu’il veut être libre ; le métèque devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque et l’étranger pareillement. » La même chose arrive dans les écoles : « Le maître craint ses disciples et les flatte, les disciples font peu de cas des maîtres et des pédagogues. » Le même renversement se montre aussi, plus généralement, dans les rapports entre les générations. Tandis que dans une société saine, les jeunes imitent leurs aînés et cherchent à leur ressembler, c’est l’inverse qui se produit dans la société démocratique : « les vieillards s’abaissent aux façons des jeunes gens et se montrent pleins d’enjouement et de bel esprit, imitant la jeunesse de peur de passer pour ennuyeux et despotiques. » Cette égalité et cette liberté, ajoute Platon, se retrouvent également dans les rapports mutuels des hommes et des femmes. N’est-il pas étonnant de lire sous la plume d’un auteur qui écrivait il y a vingt cinq siècles, un portrait si fidèle de ce que nous avons sous les yeux ? Ce « gouvernement agréable, anarchique et bigarré, qui dispense une sorte d’égalité aussi bien à ce qui est inégal qu’à ce qui est égal, » porte en elle-même le mal dont il est condamné à périr. La liberté démocratique est comme un vin qui enivre. À mesure que l’ivresse s’empare des citoyens, ces derniers ne supportent plus aucune forme d’autorité, et « à la moindre apparence de contrainte, s’indignent et se révoltent. » La démocratie est une marche vers l’anarchie : « Ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s’inquiéter des lois écrites ou non écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître. »
Conclusion : la liberté ouvre les portes à la tyrannie
Si l’on ne devait retenir qu’une chose de la philosophie de Platon, c’est que la nature ne permet pas à la société de se dissoudre. De même que le désir insatiable de richesse a causé la perte de l’oligarchie, le désir insatiable de liberté va perdre la démocratie, et donner naissance à la dernière maladie de l’État, qui est la tyrannie. La tyrannie trouve donc son origine dans la démocratie, à laquelle elle ressemble plus qu’on ne croit : le tyran réalise pour lui-même le rêve du démocrate, de faire absolument tout ce qui lui plaît.
Jules Putois
Suggestion: la démocratie, la tyrannie, l’oligarchie, la whatevercratie on the planet great again, sont essentiellement des contenants, des principes à incarner. Ce qu’elles contiennent, la manière dont elles sont déployées, restent plus important qu’elles-mêmes.
Mais que ceux qui ont besoin de se rassurer se rassurent : l’Ordurerie actuelle n’est pas gestionnaire d’une démocratie, et elle croit même en une Aristocratie. Et elle a son roi, l’Ordure.
– Nul besoin de croire en la possibilité illusoire, histoire de ne pas perdre espoir, et en l’utilité de foire, et nul besoin d’envie, de voir arriver au pouvoir la Leupe, pour dénoncer, à l’aide d’un minimum d’honnêteté intellectuelle, la supercherie escroquant qui consiste à louer la one-man-one-voice “démocratie”, tout en déclarant que 0,5*0,42 = 0,21 (tout de même) de la population est indigne d’expression publique, ou en tous cas indigne d’être écoutée avec un intérêt autre que celui porté à une pathologie sociale.
– De plus, jusqu’à certaines célébrités du monde démocratique du spectacle se réjouissent, d’un calme impérial dans un pouf de studio d’interview intimiste, de la particularité, tant au niveau des grands électeurs que du rythme du renouvellement, du fonctionnement du Sénat. Mais un vrai démocrate (voulant un contenu dans le contenant) devrait remarquer que cette particularité ne serait valable, à la limite, que si le Sénat ne s’occupait exclusivement que des affaires dont s’occupent la plupart des grands électeurs: celles qui concerneraient exclusivement les collectivités territoriales en tant que personnes morales. Or, comme l’actualité de son activité, si passionnante et si peu neuromasturbatoire – sans doute comme d’habitude – le prouve, il s’occupe bien de tous les aspects de la vie du citoyen. Sans compter bien sûr qu’il est à égalité de pouvoir dans la validation de textes, avec l’Assemblée des députés.
– Jusqu’à maintenant, un employeur se voyait déléguer le pouvoir de blanchir (que les philologues élèves de feu Malcolm X me passent l’expression) un travailleur sans papier, si utile dans un pays où le français coûtant un pognon de dingue préfère – c’est sûr- toucher des minimas sociaux, plutôt qu’un SMIC, afin d’éviter de s’abaisser à des tâches qu’il trouverait trop inconfortables (même si d’immondes néonazis prétendent que certains employeurs préfèrent chez le sans-papier la déférence contrainte ou taqiyesque, et avec un peu de chance l’ignorance relative de certains droits ou du droit à une certaine dignité, ainsi qu’une dépendance bénie à l’égard de salopiauds (dixit un néonazi) de délégués syndicaux (“de merde” – le néo nazi perd parfois son sens de la diplomatie, le même qui a permis d’absorber les Sudètes).
– Le propriétaire immobilier a le droit de demander à recevoir directement l’allocation logement de son locataire, mais nullement l’obligation de veiller à déterminer le montant du reste du loyer correspondant, quand bien même cette allocation est susceptible potentiellement de varier au moins tous les trois mois. Et quand bien même cette allocation sert autant les intérêts des propriétaires et des locataires. Et quand bien même la législation démocratique empêche de transformer durablement à l’année des locataires en propriétaires de mobil-homes et éventuellement terrains associés on the Planet Great Again. Bons baisers de Louisiane, ton goût n’est pas le même.
– L’Ordure peut se payer un garde du corps à la maturité d’adulescent, déclarer ensuite en caïd de la cour des grands “Qu’ils viennent me chercher”, mettre la France aux mains de puissances étrangères à travers des cabinets privés et en-humusser l’opinion publique, démolir le corps diplomatique, jouer au talkie-walkie dans un sous-marin, avilir la fonction présidentielle à coup de provocations à l’emporte-pièce touitouiX-esques, etc…
– Gabi peut nous faire croire qu’il pense sérieusement que Zézé a droit moral à ses signatures parce que c’est son droit. Comme un autre a pu militer pour le droit, démocratique, de la Leupe, d’avoir ses signatures. But weirdly, aucun candidat frexitopartisan n’a eu ses signatures, quand bien même quelques centaines de milliers, voire quelques millions, d’électeurs étaient, potentiellement avant tout débat, soutiens de l’idée singularisant tel candidat.
L’Ordurerie est bel et bien aristocrate, de son aristocratie. Et l’Ordure est souvent tyran.
Pour revenir à la Démocratie, une fois de plus: ce n’est qu’un contenant, dont l’étymologie remplit trop vite d’espoir. Elle est souvent comprise comme promesse d’absence de contrainte et promesse du droit de s’asseoir sur le principe selon lequel
* la liberté des uns s’arrête là où commencent celles des Autres,
ou du moins, un peu plus certainement en évitant les difficultés philosophiques du terme de liberté, sur le principe selon lequel
*si chacun fait ses règles, tout se dérègle.