Chaque livre a une histoire insignifiante, baroque ou cocasse. Je pense que celle de mon ouvrage Vraie et fausse laïcité, ressort de cette dernière catégorie comme on pourra en juger.
Ce livre est issu d’une conférence tenue en 2022 au Centre d’études et de prospection sur la science. Après l’avoir retranscrite, j’ai soumis mon texte à la Diffusion de la pensée française (DPF). Les patrons de cette librairie en ligne, réputée auprès des gens de chez nous, me donnèrent leur accord pour une publication. Pour lui donner plus d’impact, ils cherchèrent et trouvèrent un préfacier. Tout ceci en plein accord avec moi. Après avoir pris connaissance du texte non seulement la personne contactée refusa de rédiger une préface, ce qui était son droit le plus absolu, mais elle déconseilla à la DPF de publier un ouvrage en désaccord avec la foi selon son appréciation. Pour en avoir le cœur net, DPF soumit mon livre à un théologien qui confirma ce jugement. La société DPF me fit donc savoir qu’à son grand regret, elle ne pouvait éditer mon ouvrage. Fin du premier acte.
C’est alors que je me suis tourné vers les éditions d’Action française qui me donnèrent rapidement leur accord. Un premier tirage eut lieu. À ma grande surprise, ce fut dans les abbayes et les couvents que le livre se vendit le mieux. Dans un endroit que je ne citerais pas, il fut même lu aux moines durant leur repas pour leur édification personnelle. Je n’en demandais pas tant : vous avouerez que pour un livre qui contredit la foi, c’était quand même assez cocasse. Fin du deuxième acte.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Après une première édition, il y en eut une seconde qui bénéficia d’une splendide préface de monsieur l’abbé de Tanouarn que je remercie ici. Chacun aura pu la lire dans le dernier Echo d’Action française et constater qu’il ne m’adresse aucune critique que ce soit sur le plan historique ou sur le plan théologique, bien au contraire.
Loin de moi de prétendre que ce petit livre est parfait. La preuve en est, c’est que la deuxième édition a été revue et augmentée. Mais s’il y a une leçon à tirer de tout cela c’est que l’on a trop tendance chez nous à confondre les vérités dogmatiques qui sont peu nombreuses mais indiscutables avec nos idées personnelles qui, elles sont contestables. C’est le cas de la laïcité. En effet, à qui fera t-on croire que ce concept n’a pas varié, même dans l’Église ? Que cette notion était entendue de la même façon par saint Augustin et par saint Thomas d’Aquin, par exemple ? Que les idées de Pie IX étaient celles de Grégoire VII ? Et que l’application de ces idées n’a jamais variée à travers ces deux millénaires ? Tout cela est absurde. Il y a donc plusieurs manières d’entendre la laïcité fondée par le Christ.
Le rôle de l’historien n’est pas de juger et de condamner, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui mais d’expliquer autant que faire se peut les raisons de ces différences, ce qui est beaucoup plus difficile que de distribuer des bons et des mauvais points. Cela permet le dialogue. Cela permet aussi d’avancer, alors que l’inverse ne mène à rien de constructif.
Certains pourront m’objecter que je suis mal placé pour me plaindre puisqu’en toute logique je devrais commencer par défendre chez les autres cette liberté de critique que je revendique pour moi-même. C’est vrai, mais, à cela je répondrais : qu’un théologien plus compétent que moi dans son domaine, ait présenté des objections à la lecture de mon texte, me semble parfaitement normal. Ce qui l’est moins, à mon avis, c’est qu’il n’ait pas cru utile de me les faire connaître ni de m’en exposer les raisons. Il ne suffit pas de dire qu’un livre est dangereux pour la foi pour qu’il le soit,même lorsque l’on est théologien. Il faut argumenter. Il ne l’a pas fait. Je n’ai donc rien changé, pour l’essentiel, au premier texte que les éditions d’Action française ont eu la courtoisie d’éditer et qu’elles viennent de rééditer… et je ne m’en repends pas.
Fin du troisième et dernier acte de cette petite histoire qui, pour ma part, je dois l’avouer, m’a plutôt amusée.
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Philippe Prévost