La république bégaie et elle aime ça. Le dix-sept novembre 2008 à Palaiseau devant des élèves, Nicolas Sarkozy entonnait un véritable chant d’amour au « miracle de la République » et donnait à celle-ci pour première mission de « relever le défi du métissage », le « défi de la diversité », exigeant à cette fin une « mobilisation totale de l’appareil d’État ». Depuis son élection en 2007 il avait, conseillé par Patrick Buisson, nommé un ministre de l’immigration, transfuge du parti socialiste, Eric Besson, pour lancer un grand débat sur l’identité nationale. Aujourd’hui, après avoir parlé de « sentiment de submersion » migratoire, le premier ministre François Bayrou souhaite lui aussi, comme son garde des sceaux Gérald Darmanin, un débat national sur « ce que c’est que d’être français ».

L’actualité a un goût de réchauffé et l’action politique s’apparente à l’art d’accommoder les restes, mais les circonstances ont fortement évolué depuis 2007, l’équilibre démographique et civilisationnel de la France s’est dégradé. La comédie républicaine joue la montre en attendant que ce changement devienne irréversible. Il est aujourd’hui communément admis que Renaud Camus aurait lancé en 2008 une théorie complotiste, celle du grand remplacement, et qu’Eric Zemmour l’aurait reprise pour la vulgariser, puis tenter d’en contrecarrer les effets depuis qu’il s’est lancé en politique. C’est une fable : le Front national et Jean-Marie Le Pen avaient observé et analysé la chose entre la fin des années 70 et les années 90 du siècle dernier. Quand les carabiniers d’Offenbach Camus et Zemmour ont été mis en scène pour en parler, le phénomène était déjà bien avancé. On a fait mine d’y voir une nouveauté, alors que, manifestement, les élites politiques, économiques et idéologiques savaient à quoi s’en tenir, puisque l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing, avait déclaré dès 1991 que l’on était passé de « l’immigration » à « l’invasion ». Voilà plus qu’un sentiment, un bon début de submersion, il y a trente trois ans, dix-sept ans avant Camus.

Aussi une question se pose-t-elle, toute simple : pourquoi la république fait-elle mine à intervalles régulier de découvrir le mal, sans rien faire pour le guérir ? La réponse est tout aussi simple : parce qu’elle ne veut pas le guérir, et elle ne veut pas le guérir parce qu’elle le souhaite et l’a programmé. Elle promeut le phénomène que quelques-uns font mine de combattre quand les autres l’organisent. Relisons Sarkozy, c’était sans ambiguïté : il ne s’agissait pas de s’opposer à l’invasion mais d’y adapter la république. De même, quand Bruneau Retailleau dit tout bas ce que Le Pen disait tout haut voilà quarante ans, il tient sa partition dans cet orchestre : pendant huit lustres, pas plus que son mentor Villiers, il n’a entrepris d’entraver une invasion qui était encore aisément jugulable. La différence entre la droite et la gauche tient dans ce que l’une s’efforce de rassurer en parole son électorat quant à la sécurité et au coût de l’intégration. Elle avoue aujourd’hui pour gagner des électeurs ce qu’elle a longtemps nié, pour garder des postes ou par conviction.

C’est donc une erreur de se focaliser sur les foucades d’un Mélenchon à l’extrême gauche. Lui aussi fait partie du groupe. Il y tient la grosse caisse, attaché à faire le plus de bruit possible. Sans souci de cohérence. Un jour il condamne ceux qui attirent l’immigration en France, le lendemain il jette « Je ne peux pas survivre quand il n’y a que des blonds aux yeux bleus ». Cette fois, il vient de faire scandale en disant à la tribune : « Il y a une nouvelle France, c’est la nôtre. La ruralité n’est plus peuplée de paysans comme autrefois, de 7 millions en 1945 ils sont passés à 400.000 aujourd’hui (…) La nouvelle ruralité n’est pas non plus composée de Français de souche restés là comme sur une île. La ruralité est brassée. Arrivent dans la ruralité pour acheter, des gens des quartiers populaires ». Et de tweeter : « Dites-le à vos enfants, vos petits-enfants : nous sommes la Nouvelle France ». Ce qu’il dit est en gros vrai. Il confirme le grand remplacement en cours dans le cœur de la France historique, la paysannerie, sous le double effet de l’exode rural et de l’invasion. 

Il faut néanmoins rappeler deux faits. D’abord, ce thème n’est pas neuf dans le discours de Mélenchon. En 2018 à Epinay-sur-Seine lors de la rentrée nationale des « quartiers populaires » (euphémisme obligatoire pour désigner une banlieue d’immigration), il avait chanté la « nouvelle France », les « nouvelles populations », celle qui « continue le pays », celle « sur qui nous nous appuierons pour tout changer ». En somme, dès le début, il a conçu la « créolisation » du pays comme une révolution démographique, sociologique et politique. Ce faisant, il ne dit pas autre chose que Nicolas Sarkozy, il faut adapter la France aux nouvelles populations, il met à jour le projet transpartisan que mènent subrepticement les élites républicaines depuis cinquante ans. S’il avoue ainsi, c’est pour la même raison qu’une part de la droite vient d’être autorisée à « parler comme l’extrême droite », c’est que le processus est abouti, qu’il est trop tard pour l’enrayer. Même si l’immigration cessait d’un coup, le simple poids de la démographie achèverait le grand remplacement.

Et puis ce phénomène n’est pas neuf. Dans les années quatre-vingt-dix, j’avais dénoncé dans National Hebdo ce processus en train d’aboutir : le pays légal, à force d’encourager l’invasion d’une main et de brimer la famille de l’autre (un exemple clef, la concomitance de la loi Veil et du regroupement familial) était en train d’imposer, petit à petit mais de plus en plus vite, le pays virtuel dont il rêvait – si bien qu’au bout du compte le pays réel se trouve en grande partie remplacé par le pays virtuel, ce que constate sur un ton triomphal Jean-Luc Mélenchon, trente ans après. Or la nation est le groupe des gens nés d’une même souche accouchée par l’histoire, même langue, civilisation, religion chrétienne, mais aussi peuples cousins de génétique voisine : elle ne peut s’étendre à d’autres que dans une certaine mesure, De Gaulle l’avait parfaitement exprimé. La politique que mène la république est une rupture de masse, criminelle, nappée d’hypocrisie. Pour ce crime de haute trahison la république doit payer. Et d’autre part, seule une forte remigration peut guérir la nation blessée.                                                                                                                                                                        

Martin Petier

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