Les réflexions de deux anciens dissidents soviétiques peuvent nous être une aide précieuse pour comprendre le sens des forces contradictoires actuellement à l’oeuvre au sein de l’Union européenne, tandis que sur l’échelle de la menace des séismes politiques, ces forces-là ne font d’un côté que mieux ressortir ce qu’il y a de mythique dans les espérances de la mondialisation, et de l’autre mieux rendre compte des tensions, également contraires, qui règnent au sein du corps politique français. 

Lorsque Vladimir Boukovski nous avertit : « J’ai déjà vécu dans votre avenir, et ça n’a pas marché ! », qu’Alexandre Zinoviev propose une analyse sans concession de la matrice idéologique qui a présidé à la constitution de l’UE, ils veulent souligner que la voie choisie par la démocratie libérale triomphante ne fait que reprendre, la teinture seule ayant changé, les abstractions qui fondèrent la défunte Union soviétique. 

Identique primat de l’économie, c’est-à-dire matérialisation totale de l’homme, même unilatéralisme de l’histoire menant irréversiblement au bonheur de l’humanité globalisée et sans mémoire, action motrice nécessairement conduite par une élite, sont autant de fondements idéologiques induisant automatiquement des institutions similaires ; le parallèle entre les institutions soviétiques et celles de l’UE laisse effectivement rêveur. 

Au niveau international, dont la France de Macron et l’UE sont comme une maquette annonciatrice, l’objectif est une nouvelle organisation qui soumette absolument les peuples déracinés aux contraintes de l’économie capitaliste, assurant la domination d’une caste ploutocratique.

Dans son ouvrage La Fourmilière globale, Zinoviev décrit le nouveau système hiérarchique qui se met en place en Occident : sous un gouvernement très autoritaire, couvert par un discours démocratique mystificateur, « 20 % de la population (…) vivra dans un luxe inimaginable », 40 % tant bien que mal, et 40 % « en enfer ». Discours mystificateur, parce que derrière l’argument sidérant, interdit de discussion, de la modernité et du « progrès », est institué une sorte d’esclavage mental invisible, dont le « goulag » s’appelle le « politiquement correct » !

Ne retenons aujourd’hui qu’une seule chose. Comme nous savons que l’homme est un animal politique, nous savons en conséquence que tout projet d’éviction du politique, c’est-à-dire d’altération de la Cité des hommes, et in fine, de mutation de la nature humaine elle-même est inexorablement voué à l’échec.

Nos deux dissidents nous l’annoncent : l’UE est condamnée à la même mort que l’URSS ; c’est pourquoi la mondialisation, même si elle arrive à établir un temps ce qui ne peut être que le pire des âges de fer, ne sera pas plus solide que la statue de Nabuchodonosor.

Alors, oui ! « Politique d’abord » ! 

Philippe Champion 

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