Couverture du livre : Salazar. Le consul Impavide

Salazar. Le consul impavide de Jean-Paul Besse aux éditions Via Romana.

« Depuis Clairvaux, Maurras écrit à Salazar le 31 mars 1951 pour lui dire l’admiration enthousiaste que lui inspirent ses travaux, leur succès, leur triomphe et, l’année suivante, lorsqu’Henri Massis part à Lisbonne pour le rencontrer, il lui transmet un exemplaire dédicacé de la Balance intérieure accompagné de ces mots recueillis à l’occasion d’une visite tourangelle : Vous lui redirez ma vieille admiration, je dirais presque ma tendresse, car il a donné, ou plutôt il a rendu à l’autorité le plus humain des visages.(Olivier Dard, Charles Maurras, le nationaliste intégral, Paris, Dunod, 2023, p. 292)

Notre mouvement entretint longtemps des relations nourries avec celui qui incarna pendant de longues années la politique portugaise de l’Estado novo, à savoir António de Oliveira Salazar, dont une nouvelle biographie vient de sortir aux éditions Via Romana. Cette dernière émane d’un historien dont les nombreuses biographies de qualité nous sont déjà bien connues ; nous ne citerons que celles consacrées à Ménélik II l’Unificateur, soleil de l’Ethiopie, à Niégoch, un Dante slave, ou encore à Elisabeth Féodorovna, princesse martyre, toutes parues aux éditions Via Romana. Nous aimerions aussi évoquer la belle biographie qui nous fit découvrir cet auteur ; celle consacrée à cette magnifique figure que fut Dom Besse : Dom Besse, un bénédictin monarchiste, parue aux éditions de Paris.

A coup sûr, cette biographie de Salazar, tout à fait accessible, servira longtemps de référence. Elle n’est ni trop succincte, ni trop volumineuse : l’essentiel y figure et l’homme, en ses dimensions constitutives, y est justement exposé. Certains éléments, qui mériteraient d’être à nouveau pensés, sont judicieusement mis en avant. Ainsi en est-il, par exemple, du troisième chapitre qui a pour titre « Chrétien social et non démocrate-chrétien » (p. 33). La démocratie chrétienne, qui fleurit après 1945 dans la plupart des pays de l’Ouest, manifesta de fortes différentes au Portugal où elle fut particulièrement conservatrice, c’est-à-dire anti-démocrate, anti-libérale, anti-individualiste et anti-moderniste. Très tôt, en effet, la ligne politique de Salazar fut celle d’un catholicisme intégral qui suivait l’enseignement pontifical et ce, notamment, sur la question sociale : « A vrai dire, à côté de l’influence partiellement maurrassienne que subit la doctrine de Salazar, il faut mentionner le rôle que joua la pensée du remarquable jésuite Louis Taparelli d’Azeglio (1793 – 1862) […], il avait d’abord incliné au traditionalisme philosophique de Joseph de Maistre, Bonald et Lamennais ; cependant il rompit avec ce courant au Collège romain de la Compagnie en devenant thomiste […] Hostile aux faux dogmes de 1789 et au libéralisme que Victor-Emmanuel II acclimatait dans son royaume sous l’influence maçonnique de Cavour, il rejoignait Taine et surtout Le Play, qui influença durablement le catholicisme social » (p. 37).

Nous suivons ainsi Salazar au fil de son histoire ; celle d’un professeur devenu le responsable d’un État allant à contre-courant de tous les autres. Nous y revoyons la mort du roi et l’établissement de ce qui fut appelé l’Estado Novo… Nous sommes plongés dans la manière toute singulière qu’avait Salazar de gouverner, loin du faste et des mondanités. Le chapitre VIII est également fort intéressant où il est question de la vision qu’avait Salazar des relations devant exister entre l’Etat et l’Eglise : « L’âpre et longue négociation d’un concordat entre l’Estado Novo et la papauté montra que Salazar n’était nullement favorable à la soumission du temporel au spirituel. Certes, catholique convaincu, il voulait corriger les abus et les injustices infligés à l’Eglise par la Ire République, violemment anti-cléricale. Il désirait aussi respecter la dignité institutionnelle du christianisme lusitanien » (p. 87). Voulait-il ainsi instaurer une sorte de gallicanisme lusitanien ?

Tout aussi intéressant est le chapitre IX « Louvoyer et maintenir » qui remet en perspective certaines critiques apportées aux décisions prises par Salazar durant les temps extrêmement troublés qui séparent les deux Guerres mondiales : « Que peut faire un pays de taille modeste, à l’écart dans un recoin de l’Europe, mais contrôlant de nombreux territoires outremer, face aux grandes puissances carnassières ? » (p. 93). Toute la question est là ! Que pouvait donc faire Salazar pour servir un pays pris en tenailles entre les grandes puissances montantes ? Quelle attitude ? Quelle alliance ? Comment se maintenir ? Comment assurer les territoires portugais si loin d’Europe ? L’auteur expose clairement la ligne qui fut suivie, faite de fermeté et d’intelligence pratique.

Bref, le nouvel Etat qu’instaura Salazar, fait de grandeurs et de carences, fut tout à fait original, tout à fait singulier, à l’image du personnage. Comment pouvait-il en être autrement ? Ne fut-il pas aussi le fruit de tous les courants qui agitaient le monde ? Certes, sous sa férule le Portugal restât dans un certain archaïsme, l’économie étant encore traditionnelle et l’illettrisme répandu. Mais, le gain ne fut-il pas plus important ? Avec l’absence de grandes crises économiques et loin de la boucherie de la Deuxième guerre mondiale, le peuple ne fut-il pas épargné ? Grâce à lui, le pays ne put-il pas échapper au communisme et aux guerres civiles ? « Pour Salazar, la forte maxime de Donoso Cortès (1809 – 1853),  gouverner, c’est résister, n’était pas périmée. Sans doute avait-il lu ces lignes du philosophe espagnol de l’Histoire : Quand la légalité suffit pour sauver la société, la légalité ; quand elle ne suffit pas, la dictature […] Je choisis la dictature qui vient d’en haut, celle du sabre, plutôt que celle du poignard parce que plus noble » (p. 165).

Voilà donc une très belle biographie qui nous replonge dans cette passionnante page de l’histoire Portugaise : Deus, Pátria e Familia ! Salazar ? Présent !

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Staub Guillaume

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