L’Action Française et la vérité

L’Action Française et la vérité

En tant qu’école de pensée comme en tant que mouvement politique, l’AF a toujours affirmé que l’étape première de son combat était l’acceptation de la vérité. Notons que ce n’est pas fréquent pour un courant politique. La plupart d’entre eux mettent au premier rang une idée (le progrès, la liberté, la Personne humaine, l’individu ou l’émancipation par exemple) une vertu (l’honneur, le courage, le patriotisme, la Foi) un mythe (l’histoire, la race, la classe prolétarienne ou autre). Maurras, lui, choisit la vérité.

Et cette invocation imprégnait à ce point à tous les niveaux la première Action Française que ce vieux chant des Camelots du roi : « Quand on pendra la Gueuse au réverbère » termine un de ses couplets par ces mots devenus aujourd’hui énigmatiques : « …et la vérité ne couchera plus à la Santé. » De fait, Maurras se réfère sans cesse à cette notion dans des aphorismes qu’il parsème par dizaines dans ses articles. Par exemple dans l’AF du 24 décembre 1932 ; « Un objectif : le Bien public, un moyen de l’atteindre : la vérité (…) La vérité sauve. » Voilà également qui est original : la vérité n’est pas un but, c’est un moyen. Comment expliquer une posture si contraire à notre esprit actuel ? C’est que pour les maîtres fondateurs de l’Action Française, la vérité en question ne s’écrit pas avec un v majuscule. Son domaine n’est pas la destinée surnaturelle ou prométhéenne du genre humain mais la physique sociale qui permet de déterminer les chemins de la vie dans les ensembles formés par nos êtres.

Cette vérité sur laquelle Maurras entend s’appuyer, pour ne pas être fondée sur un « absolu », n’est donc pas pour autant modifiable à volonté comme la ligne du Parti Communiste au gré des choix de ses dirigeants. Maurras écrit en effet : « D’après les sociétés de pensée du XVIII° siècle, la vérité se fabriquait ; d’après la philosophie allemande, et dans un sens à peine différent, elle se fait. Nous avons le regret d’avoir à déclarer, dussions-nous être traité, soit de petit Français, soit d’affreux païen, que la vérité est ce qui est. » (AF, 24 septembre 1912). En bon aristotélicien, le Martégal pose qu’il existe des vérités humaines, mais immuables. Et que c’est le réel qui est le vrai. Cela posé, la notion de vérité induite bute sur des questions qui deviennent plus scabreuses à mesure que les siècles passent. Nous en donnons une petite liste :

D’abord, n’y a-t-il pas des vérités qui s’émoussent avec le temps, voire qui deviennent des erreurs ? D’autre part, chaque société connaît des interdits. Que faire quand ce qui est du domaine de la vérité d’une époque devient un crime à l’époque suivante ? Et comment continuer à s’exprimer si l’on est visé par ces interdits ? Ensuite, les stratégies sont-elles déterminées par la simple analyse de la vérité ou l’intuition, le savoir-faire, l’art politique en un mot ? Enfin, qui, dans un mouvement politique, si vénérable soit-il, a le rôle de dire ce qui est la vérité ?

Il est clair que l’Action Française, le plus ancien mouvement politique français, qui continue sa lutte parce que le succès n’est pas venu la couronner, est particulièrement exposée à ce questionnement. Quand on est solidaire de cinq ou six générations successives, on est amené à s’interroger sur le langage et les préoccupations de nos anciens, séparés de nous par un siècle et plus. Tentons tout de même de répondre à ces quatre questions.

 

Que devient la vérité politique avec le temps ? Il y a des choses qui changent rapidement, d’autres lentement et d’autres pas du tout. Par exemple, les alliances évoluent sans cesse au gré des rapports de force, ou des projets collectifs. Sommes-nous les alliés de l’Ukraine ou de la Croatie ? Faut-il favoriser l’importation de machines-outils chinois ? et ainsi de suite. En revanche, qu’en est-il de la définition des constantes de la politique française que l’AF a mises en lumière ? Ainsi la théorie des quatre états confédérés est-elle toujours pertinente aujourd’hui ? Leur modèle a en effet été suivi par d’autres groupes sociaux hostiles, ou devenus tels, à la tradition française, tandis que la voie séparée de certains, décidant de ne pas faire cause commune avec la tradition française, perdait de sa netteté. Plus grave encore, l’idée que l’Église catholique est « La seule internationale qui tienne » correspond-elle toujours à la réalité ? Ou est-elle devenue comme les autres ? Ou même pire que les autres ? Une réalité qui a changé de nature, et sur laquelle la Foi et la raison ne perçoivent pas la même chose. L’AF, alliance des catholiques fervents et des athées patriotes, toujours ? D’autre part, c’est une chose que de dire qu’une réalité a changé, et une autre que de reconnaître qu’elle n’a jamais existé et que notre mouvement s’est fourvoyé gravement sur des points essentiels. Dans ce cas on se demande pourquoi il aurait mérité de survivre jusqu’à aujourd’hui. À l’opposé, est-il légitime de se demander si Maurras ou l’AF ont fait le bon choix historique en considération de leur but, en certaines occurrences cruciales ? Citons le ralliement inconditionnel à Vichy ou l’Union sacrée, qui sont d’ailleurs l’effet du même principe. Il semble que oui : il est permis de se poser ce type de question à la condition expresse de n’apprécier les événements que replacés dans leur contexte, et en restant indifférent aux anathèmes du présent.

Ce sujet nous rapproche de la deuxième question : Que devient la vérité quand certaines formulations sont criminalisées ?

Ne nous cachons pas une réalité qui est une flagrante évidence : Notre société a construit depuis 70 ans une nouvelle échelle de valeurs dotée de marqueurs extrêmement puissants. Des marqueurs qui se traduisent par des sanctions très efficaces pour celui qui ne s’y soumet pas ; en bref, la mort civile pour les individus, la marginalisation ou l’interdiction pour les mouvements ou groupes récalcitrants. Les lois mémorielles et l’énorme corpus législatif anti-discrimination ont accumulé les entraves à la liberté d’expression et de pensée, avec une domination sur les médias sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’ici. De plus, les concepts criminalisés sont extensifs. Chaque année on voit que l’interprétation des idées « nauséabondes » dont il faut extirper les promoteurs devient plus large et les peines plus lourdes. Dès lors, quelle doit être l’attitude d’un mouvement de pensée soucieux de sa survie et de son expansion ? Faut-il risquer l’interdiction et la ruine en s’opposant de front à ces lois scélérates ? Ou bien faut-il s’y soumettre en s’efforçant de mettre en lumière que nous ne tombons pas sous le coup de ses dispositions ? N’y a t-il pas une certaine naïveté dans cette dernière attitude, qui suppose la sincérité chez les nouveaux inquisiteurs ? Ne faudrait-il pas plutôt se demander si, avec ses avatars successifs, passant de l’antiracisme classique à l’indifférencialisme, puis au wokisme, cette idéologie n’a pas pour but avéré de détruire tous nos héritages, y compris culturels ? De plus déclarer n’être pas visé par cette machine de guerre en désignant implicitement d’autres mouvements nationaux qui n’ont pas fait le même choix conduit à se désolidariser de tout un pan de la résistance nationale à la décadence. Une attitude que l’AF n’a jamais eue, et qui reste paradoxale à un moment où notre mouvement de pensée est loin d’avoir l’influence qu’elle eut pendant son âge d’or.

 

Ne serait-il donc pas plutôt souhaitable de combattre ces idées en profondeur, sans pour autant s’exposer aux rigueurs des lois idéologiques ? En effet, si une loi peut criminaliser certaines attitudes, elle ne peut formellement interdire les réflexions ayant pour but son abrogation. Ce serait conforme à la vocation de l’école de pensée maurrassienne de tester et rejeter les idées fausses. Bien sûr cela demande un gros effort dans le dialogue. C’est plus difficile que de fermer la bouche aux opposants au nom d’une « stratégie » qui ne définit jamais ses lignes. Car les idées ne sont pas un élément de stratégie. Une stratégie qui conduit à changer les fondamentaux de la doctrine ne peut pas être acceptable car elle échoue d’avance avant même d’avoir tenté de réussir.

C’est qu’en effet, dans un mouvement de pensée, une stratégie n’est pas l’affaire d’une personne, mais un travail collectif et cohérent de recensement et d’évaluation des faits, et par là nous revenons à la notion de vérité. Une personne peut feindre, mentir, jouer avec les mots et les gestes, mais un mouvement de pensée ne peut pas le faire car il s’expose au discrédit du discours imposteur. C’est ainsi que le Parti Communiste, rallié à tout ce qu’il méprisait, est considéré comme une survivance insignifiante par tous ceux qui connaissent encore son existence.

Il en est de même pour le choix des maîtres à penser de l’Action Française. Une tendance constante depuis quelques années est de mettre en avant Pierre Boutang ou Pierre Debray en regard de Maurras. C’est que ces deux penseurs sont moins l’objet de la haine des médias et de l’intelligentsia que l’auteur de « l’Enquête », tel Finkielkraut, qui déclara péremptoirement : « Décidément Maurras ne peut pas être pardonné ». Certes, Debray et Boutang sont de grands esprits, mais l’un comme l’autre a varié. Boutang fut à la fois un gaulliste enthousiaste et un antigaulliste fanatique, dont la pensée écrite, c’est le moins que l’on puisse dire, demanderait une clef pour être décodée. Quant à Debray, après avoir consacré l’essentiel de ses écrits à faire une critique sociale, il se fourvoya dans un militantisme religieux dans lequel il ne recueillit que des avanies, et son royalisme resta le plus souvent de principe.

Reste à répondre à la dernière question : qui doit être écouté pour proposer la vérité politique ? Pour cela, il faut formuler deux évidences : d’abord que l’Action Française n’a pas de propriétaire. Une Société commerciale peut décider de ses produits, de ses choix, en fonction des préférences de ses actionnaires. Il n’en est pas de même pour l’AF qui n’en a pas, puisqu’elle appartient aux Français par le sang et le cœur. Si des aggiornamentos doivent être effectués, ce ne peut être qu’à la suite d’un débat ouvert, non à la suite de décisions unilatérales de ses organes directeurs, même s’ils se pensent conduits par une inspiration divine. D’autre part, et c’est une conséquence de ce qui précède, le légalisme doit rester secondaire. Il ne sert à rien d’entasser les arguments juridiques sur la légitimité de ces organes et de leur composition si leurs décisions restent sans prise sur le réel. Même si une excellente gestion des hommes et des moyens est avancée pour justifier leur légitimité.

Il découle de ce qui précède que l’AF doit rester ouverte à tous les Français, quelle que soit leur religion, leur philosophie et les préférences auxquelles ils adhèrent à la condition qu’ils n’envisagent que le salut national et soient convaincus de la nécessité de la monarchie. Ceci implique une diversité raisonnable d’options, tout en respectant la discipline du Mouvement. Nous en manquons pour l’instant. Pourtant ce débat ne serait pas un facteur de division, à la condition de mettre une sourdine aux questions personnelles, aux querelles de boutique, aux violences et aux ragots qui nous discréditent. Il est indispensable de remettre sur le métier la trame de salut collectif que voulut tisser Maurras il y a 130 ans.

Robert Divoz
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L’antidémocratisme intégral

L’antidémocratisme intégral

À l‘Action Française, nous eûmes et avons sans cesse à cœur de combattre cette lèpre contagieuse qu’est la démocratie et plus encore son enfant bâtard qu’est le démocratisme. Pour deux raisons nous y revenons encore une fois.

Premièrement, comme nous le rappelle Jean Haupt : “tant qu’il y aura des parents conscients de leur mission, ils ne cesseront de répéter à leurs enfants : “faites bien attention ; couvrez-vous, n’attrapez pas froid”, même s’ils sont traités de vieilles badernes et de “croulants”. De même, ne devons-nous jamais nous lasser de crier aux peuples “casse-cou !” et, à la propagande intensive, sans scrupule, de la démocratie, qui, sous le couvert de slogans idéalistes, exploite en fait les passions des hommes, leurs faiblesses, leur tendance naturelle à la facilité, nous devons opposer les arguments de la Contre-Révolution” (Jean Haupt, Le procès de la démocratie).

Deuxièmement, parce que nous nous inquiétons des populismes. Expliquons-nous. Derrière ce mot de démocratie peuvent se cacher quatre réalités politiques, quatre acceptions du terme. La première cache derrière le mot de démocratie le système politique issu de la Révolution française et de son corpus idéologique – philosophie dite des Lumières, Droits de l‘Homme, vision rousseauiste du Contrat social, etc. La deuxième acception désigne simplement le système politique pur, c’est-à-dire une organisation de la cité fondée sur le pouvoir d’un peuple donné. La troisième consiste à reconnaître la seconde à un échelon donné – démocratie communale tempérée par un pouvoir national royal par exemple, id est une forme mixte de gouvernement politique. Enfin, la quatrième acception peut être apparentée à la démophilie, c’est-à-dire l‘amour du peuple.

Que les nationalistes aiment le peuple, qu’ils soient démophiles, est un sain sentiment car nous ne nous battons jamais que pour le peuple à travers la nation – celle-ci n’étant jamais une déesse à laquelle nous devons tout sacrifier – ; nous combattons pour le bien commun qui est le moyen nécessaire pour que chaque personne puisse réaliser ce pour quoi elle est faite. C’est ainsi que nous avons pu avoir quelques tendresses pour les Gilets jaunes qui ont tenté, vainement, de se dresser contre l‘ennemi oligarchique. Mais entre la démophilie et le démocratisme, il n’y a qu’un pas que nous ne devons jamais franchir. Voir dans le soulèvement des peuples, dans les révolutions populaires un bien en soi qui permettrait une restauration nationale ou l‘instauration d’une France enfin libérée du joug des Etats confédérés est d’une naïveté coupable ! D’aucuns nous diraient qu’il ne s’agit nullement d’une fin en soi, mais d’une occasion pour les nationalistes de renverser le pouvoir, un instrument aux mains des antidémocrates que nous sommes !  Impossible. Pensez-vous qu’un peuple ayant conscience de sa force pourrait tolérer qu’on lui ôte son pouvoir

Croire au peuple, c’est croire au pouvoir que celui-ci a de se guider lui-même, or le peuple n’est jamais qu’une masse errante, proie de toutes les puissances organisées !
Car enfin, croire que le peuple souverain puisse se soulever souverainement, c’est croire au principe démocratique même, c’est croire qu’une multitude parvienne à structurer consciemment un projet politique qui sache séparer le bon grain de l‘ivraie, c’est-à-dire qui connaisse sa finalité, les moyens d’y parvenir et même les embûches ! Le peuple en est incapable et ce n’est nullement sa vocation. Et si encore notre peuple était sain ! Mais regardons-le : en pleine dégénérescence, victime d’un viol démocratique depuis plus de deux cents ans et d’un antichristianisme qui le fait se rouler dans la fange des plus répugnantes idées et se complaire dans l‘assouvissement de ses plus bas instincts ! Pensez-vous qu’un peuple asservi et perverti par la pornographie, le métissage, la bestialisation, la dévirilisation, le consumérisme, l‘esprit bourgeois et le matérialisme puisse connaître le bon, le beau et le vrai ? Comme le disait Lucien Rebatet, “il n’y a pas une seule fissure dans l‘énorme bloc de sa bêtise” (Les Décombres).
Notre peuple, s’il devient souverain, creusera non pas sa tombe, mais sa fosse commune.
Regardez la dernière votation suisse qui autorise le mariage des invertis, regardez les préoccupations des français et osez espérer en notre peuple. Le peuple n’est pas fait pour guider, il est fait pour être guidé. Quelle solution ? Quelle issue ? Un roi pour nous guider, une aristocratie pour préparer sa venue. Que les jeunes générations et les plus anciennes n’aient aucun espoir de restauration par le nombre, mais qu’elles s’efforcent de devenir cette nouvelle aristocratie qui guidera le peuple et préparera la venue du Roi qui sauvera le nombre de lui-même.
 
Guillaume Staub
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Charles Maurras : « Une patrie, ce sont des champs, des murs, des tours et des maisons … »

Charles Maurras : « Une patrie, ce sont des champs, des murs, des tours et des maisons … »

Ce texte de Maurras  date de la fin de sa vie. Il est extrait d’un livre – Votre bel aujourd’hui – publié après sa mort. C’est le temps de la captivité de Maurras où il songe à l’avenir du Pays. Ce texte tombe au moment où le Système s’emploie à nous imposer les dogmes mondialistes, européistes, immigrationnistes, consuméristes, afin de construire une France hors-sol, multiculturelle et  noyée dans le grand marché mondial. Mais c’est aussi un temps où monte et s’affirme cette réaction de l’Intelligence française et ce retour à un certain patriotisme populaire. Maurras oppose à la « politique » qu’impose la doxa la France réelle, faite d’histoire et d’héritage. 

« Une patrie, ce sont des champs, des murs, des tours et des maisons ; ce sont des autels et des tombeaux ; ce sont des hommes vivants, père, mère et frères, des enfants qui jouent au jardin, des paysans qui font du blé, des jardiniers qui font des roses, des marchands, des artisans, des ouvriers, des soldats, il n’y a rien au monde de plus concret.

Le patriotisme n’est pas seulement un devoir. C’est un plaisir. « Pour ma part, disait Ulysse aux bons Phéniciens, je ne sais rien de plus agréable à l’homme que sa patrie. » Il le disait d’un pauvre rocher sur la mer. Comment parlerons-nous de la nôtre ? En est-il de plus belle, plus digne d’être défendue ? Qui, un jour se penchant dans l’embrasure d’une haute colline ou vers quelque vallon ouvrant sur le fleuve et la mer, ne s’est pas arrêté, suspendu, presque sidéré par un chœur imprévu de couleurs et de formes demi-divines ?…

La patrie est une société naturelle ou, ce qui revient absolument au même, historique. Son caractère décisif est la naissance. On ne choisit pas plus sa patrie – la terre de ses pères – que l’on ne choisit son père et sa mère. On naît Français par le hasard de la naissance. C’est avant tout un phénomène d’hérédité.

Les Français nous sont amis parce qu’ils sont Français ; ils ne sont pas Français parce que nous les avons élus pour nos amis. Ces amis sont reçus de nous ; ils nous sont donnés par la nature… Rien ne serait plus précieux que d’avoir des Français unis par des liens d’amitié. Mais, pour les avoir tels, il faut en prendre le moyen et ne pas se borner à des déclarations et à des inscriptions sur les murs.

Certes, il faut que la patrie se conduise justement. Mais ce n’est pas le problème de sa conduite, de son mouvement, de son action qui se pose quand il s’agit d’envisager ou de pratiquer le patriotisme ; c’est la question de son être même, c’est le problème de sa vie ou de sa mort… Vous remercierez et vous honorerez vos père et mère parce qu’ils sont vos père et mère, indépendamment de leur titre personnel à votre sympathie. Vous respecterez et vous honorerez la patrie parce qu’elle est elle, et que vous êtes vous, indépendamment des satisfactions qu’elle peut donner à votre esprit de justice ou à votre amour de la gloire. Votre père peut être envoyé au bagne : vous l’honorerez. Votre patrie peut commettre de grandes fautes : vous commencerez par la défendre, par la tenir en sécurité et en liberté.

Le patriotisme n’a pas besoin d’un idéal, socialiste ou royaliste, pour s’enflammer ; car il naît de lui-même, du sang et du sol paternels. Ce qu’il faut saluer, c’est le suprême sacrifice de la vie fait sur le sol qu’il s’est agi de défendre. Ce sol sacré serait moins grand, moins cher, moins glorieux, moins noble et moins beau si les Français de toute origine et de toute obédience n’y payaient pas en toute occasion nécessaire la juste dette de leur sang. Plus haut que l’armée et que le drapeau, plus haut que la plus fière conscience de la patrie, vit la patrie même, avec les saintes lois du salut public. Ce sont elles qui font consentir à de durs sacrifices pour défendre l’intégrité du reste et préserver son avenir. Qu’elle vive d’abord ! »

Charles Maurras, Votre bel aujourd’hui, 1953

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