On s’est déjà interrogé ici même sur la nature du lien social, ce précieux ensemble de solidarités naturelles qui, à travers le temps historique des Cités, unit entre eux les hommes qui y vivent ensemble, dans la déférente mémoire de ceux qui y ont vécu et la pensée attentive de ceux qui y vivront à leur suite.
On sait la dynamique de ces solidarités, moteur irremplaçable de ce que la philosophie classique appelle le « bien commun », principe d’unité fondateur et dispensateur de l’ordre nécessaire à l’épanouissement humain ; et nous avons déjà observé que l’institution républicaine, par l’idéologie égalitariste et libertaire qui la fonde, les principes sociaux qu’elle promeut, les lois qu’elle édicte, les croyances qu’elle diffuse, les contraintes qu’elle impose, les modes de vie qu’elle insinue, a apporté un bouleversement radical, une véritable subversion de cet ordre où, désormais, dans un État sans sociétés intermédiaires, les relations de base les plus communes sont passées de la concorde à la confrontation ; aussi n’est-ce pas d’hier qu’on a pu commencer à se demander si la société française n’en était pas arrivée à un point de rupture annonciateur de son imminente désagrégation.
Ainsi, substitution à l’identité vécue des nations historiques, de mythes abstraits sans prise sur la réalité, désocialisation forcée, c’est-à-dire atomisation des individus, expliquent en totalité la généralisation de la violence et, plus grave encore, sa banalisation, au point qu’elle semble être devenue le mode de communication le plus courant entre les personnes ; qu’on en soit arrivé au fait, extrême mais non point isolé, que deux automobilistes attaquent à coups de couteau, l’un un piéton, l’autre un cycliste qui avaient simplement manifesté leur réprobation contre une conduite dangereuse ayant menacé leur sécurité, est révélateur de « l’ordre républicain » et fait comprendre la permanente nécessité du recours aux interventions policières et judiciaires.
Face à une si cataclysmique déliquescence, ne laissons jamais diluer ni nos identités, ni nos solidarités naturelles ; réveillons-les ou suscitons-les là où nous sommes en capacité d’agir. Il ne s’agit pas de survivre, mais de donner son sens véritable à la vie.
En tant qu’animal social, l’homme a besoin des autres, et donc de la société pour vivre. Son comportement social n’est pas inscrit dans son patrimoine génétique, comme c’est le cas pour les abeilles. Il n’a que des facultés, des potentialités, que l’éducation reçue lui permettra d’exploiter au mieux. L’homme ne naît pas avec des chaussures, des vêtements et une formation professionnelle. Tout cela s’acquiert en société. L’état social de l’homme est un état naturel, contrairement à ce que déclarent les penseurs modernes, et les hommes n’ont pas fait une belle assemblée générale un jour pour voir si la société n’était pas une bonne idée à tenter. Charles Maurras a fort bien illustré cela :
“Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir. Peu de chose lui manque pour crier : ‘Je suis libre’… Mais le petit homme ? Au petit homme, il manque tout. Bien avant de courir, il a besoin d’être tiré de sa mère, lavé, couvert, nourri. Avant que d’être instruit des premiers pas, des premiers mots, il doit être gardé de risques mortels. Le peu qu’il a d’instinct est impuissant à lui procurer les soins nécessaires, il faut qu’il les reçoive, tout ordonnés, d’autrui. Il est né. Sa volonté n’est pas née, ni son action proprement dite. Il n’a pas dit Je ni Moi, et il en est fort loin, qu’un cercle de rapides actions prévenantes s’est dessiné autour de lui. Le petit homme presque inerte, qui périrait s’il affrontait la nature brute, est reçu dans l’enceinte d’une autre nature, empressée, clémente et humaine : il ne vit que parce qu’il en est le petit citoyen. Son existence a commencé par cet afflux de services extérieurs gratuits. Son compte s’ouvre par des libéralités dont il a le profit sans avoir pu les mériter, ni même y aider par une prière : il n’en a rien pu demander ni désirer (…). Cependant, à la première minute du premier jour, quand toute vie personnelle est fort étrangère à son corps, qui ressemble à celui d’une petite bête, il attire et concentre les fatigues d’un groupe dont il dépend autant que de sa mère lorsqu’il était enfermé dans son sein.”
Voici l’illustration de la base de la réflexion politique. Tout homme est, dès sa naissance et jusqu’à sa mort, endetté sans possibilité de rembourser la société dans laquelle il vit. De quoi mettre à mal les chantres du libéralisme, pour qui il n’y a qu’opportunités à saisir et voisins à écraser.
Il n’est pas possible pour l’homme de vivre seul. Cependant, les penseurs modernes nous ont inventé le mythe individualiste, comme si l’homme, au plan politique, était avant tout un individu. La pensée antilibérale affirme au contraire la priorité de la nature politique de l’homme sur sa réalisation personnelle et individuelle. Nous l’avons vu, l’homme a une nature sociale et politique, et ce ne sont pas les imprécations individualistes qui vont la supprimer. Mais sans supprimer cette nature, ils peuvent la défigurer, en faisant en sorte que chacun agisse comme s’il était seul. Ce qu’il reste d’organisation politique est alors confisqué au profit de quelques individus, qui font croire à l’individu noyé dans la masse d’égoïstes qu’il est libre, alors qu’il est dans une nouvelle forme d’esclavage.
En inventant le concept d’état de nature et d’état social, des théoriciens, dès le XVIᵉ siècle, ont tenté de renforcer ces chaînes, en nous laissant croire que sans le fameux contrat social, tout le monde s’entretuerait, et qu’il était normal d’abdiquer des droits au nom d’un tout qui nous dépasse. Le problème n’est pas dans l’intégration des individus dans une communauté, ni dans le fait qu’ils fassent primer le bien commun sur leur bien propre, cela est une évidence. Le drame, la rupture politique, est d’avoir fondé ce bien commun dans le contrat, dans la majorité, dans le subjectivisme des gouvernants. Le drame, c’est que ce bien commun et cette communauté n’ont plus de transcendance, mais sont autocentrés. Quel que soit le mode de désignation des dirigeants, mettre leur légitimité dans la majorité et non dans un ordre qui s’impose à nous est la source de tous nos maux. S’il n’y a plus de Bien, de Vrai, de Bon qui transcende nos existences, chaque nouvelle majorité peut réécrire l’histoire et la morale.
Il est donc important de se souvenir que l’état de nature est nécessairement social, comme le petit poussin nous le rappelle. Il est par ailleurs difficile d’imaginer cette fameuse réunion des Mowglis décidant, d’un commun accord et selon une procédure inventée pour l’occasion, de se ranger sous l’ordre social et de créer une société ex nihilo, quittant l’état de nature pour le contrat social. Ce doux rêve libéral, qui ramène toutes les interactions humaines à des contrats et des intérêts, doit être oublié pour construire une politique sur une base anthropologiquement saine.
@Dr- Dextra, sans être une organisation de l’AF était une organisation. d’AF.
Il est vrai que nous connaissons la capacité de la République à faire le mal et que plus rien ne peut nous étonner.
Mais si nous sommes convaincus que rien de bon ne peut sortir de pareilles institutions, force est de constater que le personnel politique ne manque pas d’imagination et excelle dans l’infamie.
En effet, au florilège des méfaits républicains de ces derniers temps, on retiendra surtout l’unanimité avec laquelle les députés ont voté le 2 juin dernier, la proposition de loi de Gabriel Attal : élever Dreyfus au grade de général ! (Et pourquoi pas au grade de maréchal de France puisqu’on y est ?) Véritable union parlementaire dans la trahison, cet acte, quoique n’ayant rencontré que très peu d’écho, en dit long sur l’état de putréfaction avancé du régime.
D’abord (cela saute aux yeux de tout patriote de bon sens) : par cette législation, les misérables laquais de Tel-Aviv qui prétendent représenter les Français nous donnent raison : il n’y a pas en République de séparation entre l’État et la Synagogue. Cette élévation de Dreyfus au grade de général de brigade montre que « l’Affaire » est loin d’être terminée.
« Le capitaine Dreyfus est bien plus grand que le capitaine Bonaparte. Il a conquis la France et il l’a gardée », écrivait Louis-Ferdinand Céline (1).
Chaque nouvelle revanche de Dreyfus doit renforcer encore davantage notre volonté de libérer la France de cette immonde République, règne de l’étranger. Il fallait voir d’ailleurs quel était l’enthousiasme des élus de la droite casher de Marine Le Pen, si prompts à se présenter continuellement comme les derniers remparts de l’honneur français… Rien n’est plus insupportable que de voir ce parti de renégats acheter aux bourreaux de Gaza un électorat au prix d’un silence complice, celui du sang de l’innocent.
Jamais nous ne répéterons assez le danger que constituent les fausses oppositions républicaines, qui entretiennent l’espoir d’une renaissance française par les urnes et qui gaspillent l’argent, les énergies et le peu de temps qu’il reste aux Français pour sauver ce qui peut encore l’être. Ces fausses oppositions font en réalité partie du problème. Notre travail doit aussi et surtout consister à casser ce rêve démocratique des Français et à dénoncer l’imposture des partis, quels qu’ils soient.
« La Maçonnerie, (…), a peu à peu accaparé, confisqué la République qui est devenue sa chose, sa vache à lait, sa métairie. Et c’est ce qui explique que les ——, maîtres de la Maçonnerie, soient par là même maîtres de la France », écrivait Édouard Drumont (2).
Les États confédérés que l’Action Française dénonce et combat ne sont pas un mythe : la réalité saute aux yeux. La France est occupée et Dreyfus est plus présent que jamais. La seule manière de le combattre efficacement est d’en finir avec la République, ce cancer qui ne cesse de métastaser.
Voici un enseignement de Maurras capital et d’actualité à l’heure où un nouveau pontificat affronte les questions que pose à l’Église la crise actuelle des intelligences. Dès le début du XXᵉ siècle, Charles Maurras, pourtant « catholique du porche », mais dont l’âme restait déchirée de ne pas encore comprendre que le catholicisme est le vrai, savait en tout cas qu’il était le bien pour sa patrie comme pour toute la civilisation. Aussi s’étonnait-il, et plus encore souffrait-il, de voir la démocratie – ce principe de rébellion contre tout ordre naturel et surnaturel – professée par des intellectuels catholiques allant jusqu’à voir en elle l’avenir du christianisme et à exalter les droits de la conscience individuelle. Cette démocratie religieuse lui apparut tout de suite comme la transcription politique d’une erreur religieuse.
S’abstenant d’empiéter dans le domaine religieux, il résolut de dénoncer ce péché de l’intelligence dont les conséquences pour la cité politique pouvaient être désastreuses. D’où les trois livres écrits entre 1906 et 1913 et qu’il devait rassembler en 1921 sous le titre La Démocratie religieuse. Le premier, Le dilemme de Marc Sangnier (1906), le deuxième, La politique religieuse (1912), et le troisième L’Action française et la religion catholique (1913), montrent que le devoir des Français conscients de leur formation est de défendre l’Église contre la République, car celle-ci ne peut que répandre les idées et les comportements les plus hostiles au catholicisme traditionnel. Plus d’un siècle plus tard, nous mesurons la justesse des prévisions de Maurras : un moment contenu grâce à saint Pie X, le venin s’est infiltré dans l’Église à la faveur de la « condamnation » de l’Action française en 1926, puis des débats suscités dans les années 1960 autour du concile Vatican II.
L’ÉGLISE DE L’ORDRE
Nous nous en tiendrons ici à l’introduction du premier livre, car, magnifique hommage « À l’Église romaine, à l’Église de l’Ordre », elle reflète toute l’admiration de Maurras pour l’Église, non seulement parce que celle-ci est utile à l’ordre dans la cité, mais, surtout, parce qu’étant l’Ordre même, elle est la force qui ordonne, qui oblige à une discipline des puissances de la raison et du cœur et qui apporte à l’intelligence des certitudes.
Citons : « Tout ce que pense l’homme reçoit, du jugement et du sentiment de l’Église, place proportionnelle au degré d’importance, d’utilité ou de bonté […] Rien au monde n’est comparable à ce corps de principes si généraux, de coutumes si souples, soumis à la même pensée, et tel enfin que ceux qui consentirent à l’admettre n’ont jamais pu se plaindre sérieusement d’avoir erré par ignorance et faute de savoir au juste ce qu’ils devaient. La conscience humaine, dont le plus grand malheur est peut-être l’incertitude, salue ici le temple des définitions du devoir. »
De tels bienfaits ont à jamais marqué un peuple. « Quiconque se prévaut de l’origine catholique en a gardé un corps ondoyé et trempé d’habitudes profondes qui sont symbolisées par l’action de l’encens, du sel ou du chrême sacrés mais qui déterminent des influences et des modifications radicales. De là est née cette sensibilité catholique, la plus étendue et la plus vibrante du monde moderne, parce qu’elle provient de l’idée d’un ordre imposé à tout. »
Un exemple : la prédication de l’amour. Aux antipodes de la « fraternité » révolutionnaire, l’Église a « préservé la philanthropie de ses propres vertiges et défendu l’amour contre la logique de son excès. » D’où ces « nobles freins » qui n’altèrent pas le sentiment, mais font que, de ce que « Dieu est Amour », l’on ne puisse pas déduire que « tout amour est Dieu » !
Il en est de même de l’individualisme : « En rappelant le membre à la notion du corps, la partie à l’idée et à l’observance du tout, les avis de l’Église éloignèrent l’individu de l’autel qu’un fol amour-propre lui proposait tout bas de s’édifier à lui-même […] La meilleure amie de chaque homme, la bienfaitrice commune du genre humain sans cesse inclinée sur les âmes pour les cultiver, les polir et les perfectionner, pouvait leur interdire de se choisir pour centre. » On est bien loin des Droits de l’Homme !
Quant aux droits des humbles, la charité et le réalisme catholiques ne les érigent pas en révolte. Leur sort est lié à celui des grands. « S’il y a des puissants féroces, [l’Église] les adoucit pour que le bien de la puissance qui est en eux donne tous ses fruits ; s’ils sont bons, elle fortifie leur autorité en l’utilisant pour ses vues, loin d’en relâcher la précieuse consistance. » C’est ainsi qu’elle a civilisé les Francs…
JE SUIS ROMAIN
Tant de qualités que l’Église tient de la sagesse avec laquelle elle a intégré les leçons de Rome. Et c’est alors la page sublime où Maurras dit son amour pour la Rome des consuls, des bâtisseurs, des empereurs et des papes : « Je suis Romain dès que j’abonde en mon être historique, intellectuel et moral. Je suis Romain parce que si je ne l’étais pas je n’aurais plus rien de français […] Je suis Romain par tout le positif de mon être […] Par ce trésor dont elle a reçu d’Athènes et transmis le dépôt à notre Paris, Rome signifie sans conteste la civilisation et l’humanité. Je suis Romain, je suis humain : deux propositions identiques. »
Bien sûr, toute immixtion de la démocratie dans ce corps si achevé de doctrine et de pratiques ne peut que l’altérer et en diminuer les possibilités de bienfaisance. Quand le croyant n’est pas catholique ou cesse de l’être pleinement, il « dissimule dans les replis inaccessibles du for intérieur un monde obscur et vague de pensées ou de volontés que la moindre ébullition, morale ou immorale, peut lui présenter aisément comme la voix, l’inspiration et l’opération de Dieu même. » Chacun peut alors se prétendre en ligne directe avec Dieu, avant de se mettre tout simplement à Sa place. Alors la société s’émiette, car « il faut définir les lois de la conscience pour poser la question des rapports de l’homme et de la société. » Là est bien le drame de la France quand l’épiscopat adopte un profil bas face à la République, mère porteuse du désastre que nous subissons.
Les féministes férues d’études de genre condamnent avec la plus grande fermeté ce qu’elles nomment en leur jargon « masculinité toxique », c’est-à-dire les aspects et normes de comportement masculins qu’elles affirment néfastes pour la société et pour les hommes eux-mêmes. En particulier tout ce qui a trait à la domination, entraine la violence familiale, conjugale, sexuelle, l’homophobie, la mysogynie, le fait de prendre trop de place dans le métro en écartant les jambes, de boire des bières en faisant griller des entrecôtes ou de hausser les sourcils au ciel devant une lesbienne aux cheveux roses porteuse d’un anneau dans le nez.
En fait elles ont presque raison. S’il n’existe pas de masculinité toxique (naître et être mâle, comme être et naître femelle, n’est ni bien ni mal, c’est une des deux façons pour un être humain d’exister), il existe bien un masculinisme toxique, c’est-à-dire une façon empoisonnée et empoisonnante de considérer le sexe masculin. Et la forme pire de ce travers a un nom : transgenrisme. En voici la preuve. Le transgenrisme est la manifestation la plus éclatante de la division de l’humanité en deux sexes. En effet, de deux choses l’une : soit un transgenre naît homme et entend devenir autre chose (le plus souvent femme, quelque fois lapin ou bégonia), soit un transgenre naît femme, et il entend aussi devenir autre chose, par exemple femme.
Prenons le premier cas, celui d’un individu né homme. Qu’il prenne des hormones, qu’il subisse l’ablation du pénis et des gonades, une mammoplastie et une vaginoplastie, ou non, il a la prétention d’être femme. Or, les TERF (trans-exclusionary radical feminists) l’ont fort bien remarqué, non seulement il se fourre le doigt dans l’oeil jusqu’à l’omoplate, mais il perpètre une grave agression contre les femmes. Né homme, il n’a rien connu de la réalité physique des femmes, ni de leur réalité mentale et sentimentale, ni de leurs contraintes sociales : il prétend seulement incarner, avec la plus grande naïveté, le fantasme qu’il s’est fait de la femme, un fantasme masculin. D’ailleurs, dans certains cas limites, cela s’est vu dans une prison anglaise pour un trans qui n’avait pas subi de chirurgie, cela se concrétise par des viols de ses prétendues « congénères ».
Voyons maintenant le cas des femmes qui veulent devenir hommes. Pourquoi ce choix ? Pour se conformer aux préjugés dominants, pour devenir le mâle alpha qui les excitait en tant que femmes. Pour échapper à la condition de femme telle que le décrit le féminisme. En somme, pour devenir un mâle toxique. CQFD : de quelque manière qu’on prenne la question, le transgenre est un masculiniste toxique. C’est d’ailleurs assez naturel puisque la dysphorie de genre est une folie.
La langue française, fruit d’une histoire millénaire, est bien plus qu’un outil de communication : elle est un héritage, un trésor, un acte de civilisation. Elle est le fil conducteur de notre histoire, le miroir de notre culture et le pont vivant entre les peuples qui partagent notre mémoire, nos valeurs et notre vision du monde. Pourtant, ce trésor est aujourd’hui en péril. Son influence décline, sa présence s’efface, et son avenir est menacé par l’indifférence, l’oubli, et parfois même la honte.
Ce que révèle, entre les lignes, le rapport au Parlement sur la langue française remis en mars 2025 par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, c’est une forme de résignation officielle. On y constate les reculs, mais on les accompagne avec des mots prudents. Or, c’est d’un sursaut dont nous avons besoin. Ce rapport illustre que la République ne défend plus activement sa langue ; elle la laisse vivre… ou mourir. L’anglicisation croissante des institutions, des entreprises et de l’enseignement supérieur est le symptôme le plus visible de ce déclin. Dans les instances européennes, la proportion de textes rédigés en français est passée de 40 % à moins de 5 % en deux décennies. Dans nos universités, il n’est plus rare que les masters s’intitulent en anglais, que les cours se donnent en anglais, et que l’on exige des étudiants français qu’ils rédigent leur mémoire dans une langue qui n’est pas la leur. Ce phénomène n’est pas un progrès : c’est une abdication.
On invoque l’international, on invoque la modernité, mais au fond, c’est le symptôme d’un effacement. Le monde du travail lui aussi s’aligne. Il ne suffit plus de parler un français impeccable : il faut aujourd’hui « pitcher », « manager », « networker ». Ces glissements ne sont pas anecdotiques. Ils nous habituent à penser que le français serait incapable d’exprimer la complexité du monde contemporain, comme si notre langue — celle de Pascal, de Montesquieu, de Hugo, de Senghor ou d’Albert Camus — était devenue obsolète.
La science, la technologie, la recherche : tous ces champs d’excellence cèdent à l’uniformisation anglophone. Un chercheur qui publie en français, aujourd’hui, limite sa carrière ; un étudiant qui ose s’exprimer dans sa langue à l’oral est perçu comme provincial. Et dans ce contexte, comment s’étonner que le niveau général de maîtrise du français recule chez les jeunes générations ? À force de le reléguer, nous le perdons. À force de croire qu’il se défendra seul, nous le laissons s’effacer.
Il est tentant de se tourner vers l’Afrique, continent francophone d’avenir, pour se rassurer. Mais même là, les signaux sont fragiles. L’enseignement du français y subit la concurrence croissante de l’anglais, du mandarin, ou de langues vernaculaires réhabilitées à juste titre. Dans de nombreux pays africains, le français reste langue d’élite, langue d’examen, mais perd en ancrage populaire. Et dans les pays francophones du Nord, les signes sont tout aussi inquiétants. Au Québec, le recul du français est désormais chiffrable. Sur l’île de Montréal, le français n’est plus que la langue maternelle d’un habitant sur deux. La loi ne suffit plus : c’est une culture du respect de la langue qu’il faut rétablir.
Ce que nous vivons n’est pas un simple phénomène d’évolution linguistique. C’est un effacement organisé, encouragé par une forme d’impérialisme linguistique globalisé. On présente l’anglais comme une langue neutre, universelle, naturelle. Mais elle est d’abord la langue d’un empire économique et culturel qui ne dit pas son nom. Accepter sa domination sans condition, c’est consentir à la disparition progressive de notre propre imaginaire, de nos subtilités, de nos nuances, de notre manière de dire le monde.
Et comment ne pas s’indigner des propos de Jean-Luc Mélenchon, pour qui “le français n’est pas la langue de la République” ? Cette déclaration, indigne d’un ancien élu de la Nation, trahit non seulement une méconnaissance flagrante de notre histoire, mais surtout un renoncement coupable à ce qui fait le socle même de notre contrat social. La République française s’est construite par la langue, autour de la langue, grâce à la langue. C’est elle qui a unifié les provinces, transmis les lois, structuré l’école et façonné l’imaginaire républicain. La réduire à un simple “instrument colonial”, comme il l’a laissé entendre, c’est confondre héritage et oppression, c’est jeter l’opprobre sur ce qui a permis l’émancipation de millions d’hommes et de femmes. La francophonie n’est pas une forme de néo-impérialisme : elle est une communauté de destin, un espace de pensée, de création et de liberté. Quand un responsable politique attaque sa propre langue, c’est sa propre nation qu’il mine. Et c’est le peuple qu’il trahit.
La langue française n’est pas une survivance du passé. Elle est un levier pour penser l’avenir. Elle offre une alternative à la brutalité de certaines logiques économiques, à l’utilitarisme pur qui domine aujourd’hui les échanges internationaux. Elle porte une vision du monde faite de mesure, de clarté, de rigueur et de beauté. Refuser sa marginalisation, c’est refuser une vision appauvrie de la mondialisation.
Mais il ne suffit pas de déplorer. Il faut agir. Il faut investir massivement dans l’enseignement du français en France comme à l’étranger. Il faut faire du français une langue de travail dans tous les secteurs, y compris les plus innovants. Il faut exiger des institutions européennes et internationales qu’elles respectent la diversité linguistique. Il faut cesser de penser que la technologie impose l’anglais : les outils numériques doivent être francophones aussi, et même d’avant-garde. Il faut aussi que l’État lui-même cesse de se contredire : on ne peut pas promouvoir la francophonie à l’UNESCO et imposer des intitulés en anglais dans les ministères.
La langue française est un trésor que nous devons chérir et protéger. Elle n’est ni dépassée, ni ringarde, ni repliée : elle est moderne, vivante, précise, inventive. Elle est une clef de lecture du monde, une manière de vivre ensemble, un héritage universel. Elle est un projet collectif.
Je suis, par ma naissance, l’héritier d’une tradition millénaire. Mais je crois que l’héritage n’est pas une nostalgie : c’est une responsabilité. Avec mon épouse, la Princesse Naomi, nous avons voulu faire du Prix Hugues Capet un lieu où l’on célèbre non seulement les figures de l’histoire, mais aussi ceux qui, aujourd’hui, défendent la langue, la littérature et la culture françaises. Car c’est dans la langue que se tient le cœur vivant d’un peuple. La France sans sa langue ne serait plus tout à fait la France. Et sans la France, le monde perdrait une voix singulière, une conscience vigilante, une promesse de liberté.
Cette tribune est une invitation à réfléchir sur l’importance de la langue française, et à agir, enfin, pour sa préservation et son rayonnement. Il est encore temps. Mais il ne faut plus attendre.
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