Communiqué de presse – Yvan Benedetti lynché par les dissidents de l’Action Française

Communiqué de presse – Yvan Benedetti lynché par les dissidents de l’Action Française

COMMUNIQUE DE PRESSE

 

Yvan Benedetti lynché par les dissidents de l’Action Française

 

L’association de Messieurs Bel Ker, Blanchonnet, Hilaire de Cremiers et Henri Bec, (Centre Royaliste d’Action Française – Restauration Nationale) est une dissidence de l’Action Française qui ne reconnait plus l’autorité du Comité Directeur présidé par le docteur André Charles, successeur de Pierre Pujo.

Avec des méthodes d’antifas et une absence manifeste de courage, ils ont tenté d’empêcher Yvan Benedetti (représentant du mouvement Jeune Nation) et Clément Gautier (représentant de l’Action Française) de rendre hommage à la sainte de la Patrie. En s’en prenant à Yvan Benedetti (à vingt contre lui seul), cette association parasitaire démontre sa nocivité.

La notion de compromis nationaliste, inhérente à l’esprit d’AF et d’une urgence absolue dans le contexte actuel, leur est complètement étrangère. Nous regrettons que nombre de jeunes soient au service d’un mouvement dissident qui n’a rien à voir avec la véritable Action Française et qui n’a plus aucune légitimité.

Nous présentons à notre ami Yvan Benedetti et aux nationalistes nos excuses. Nous partageons avec eux le souci de l’intérêt national et la haine de l’infâme démocratie que nous subissons.

 

L’honneur de l’Action Française a été souillé. Justice sera rendue.

 

 

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Pourquoi l’Action Française doit rester aconfessionnelle

Pourquoi l’Action Française doit rester aconfessionnelle

Dès les débuts, notre mouvement s’est fondé sur la nécessité d’une alliance entre libres-penseurs, agnostiques ou athées, persuadés de l’enjeu du combat, et catholiques français pénétrés de leur tradition, et déterminés à la sauver.

La déclaration d’adhésion à l’Action Française est rédigée ainsi : 

« Français de naissance et de cœur, de raison et de volonté, je remplirai tous les devoirs d’un patriote conscient. Je m’engage à combattre tout régime républicain. La république en France est le règne de l’étranger. L’esprit républicain désorganise la Défense nationale et favorise les influences hostiles au catholicisme traditionnel. Il faut rendre à la France un Régime qui soit français. »

Nulle part il n’est précisé que l’AF obéit à la hiérarchie catholique ni que la foi catholique est un préalable à l’engagement dans le mouvement.

Pourquoi Maurras a- t-il choisi de rompre avec le « principe d’inséparatisme » qui imprégnait le légitimisme avant 1890 ? L’inséparatisme était animé par l’idée qu’il y avait une solidarité totale entre l’Eglise et le royalisme et que l’on ne pouvait défendre l’un sans l’autre et réciproquement. Cette vision des choses, à vrai dire, était compatible avec le gallicanisme traditionnel, mais nullement avec l’ultramontanisme qui dominait la pensée contre-révolutionnaire au XIX° siècle.

En effet, pour les ultramontains, la royauté française, et la France elle-même, étaient du domaine du contingent alors que Rome s’affirmait comme la voix de l’Absolu ; de sorte que lorsque Léon XIII, poussé par le Cardinal Rampolla, décida de rallier l’Église à la république, il s’attendait à être obéi sans exception ni murmure. D’ailleurs, après l’échec de cette politique, le pape attribua son fiasco, non au caractère idéologique de la république française, mais à l’indiscipline des catholiques. Maurras, qui resta toujours meurtri par le Ralliement, constata que l’inséparatisme était logiquement impraticable. Cependant, d’autres raisons motivaient son attitude.

N’oublions pas qu’à la fin du XIX° siècle 90% de la population pratiquait la religion catholique. Malgré cette majorité écrasante, la monarchie chrétienne n’avait pu être rétablie, car une grande part des élites s’étaient rangés du côté du libéralisme ou de l’athéisme. Maurras va adopter à leur égard une attitude nouvelle qui consiste à leur montrer combien la tradition ne s’oppose pas au progrès des connaissances. Et il s’appuie sur une partie de la pensée d’Auguste Comte, laissant dans l’ombre le reste.

Pour l’AF de l’orée du siècle, on peut être fidèle à n’importe quelle religion ou irréligion, juif, protestant, païen, athée ou agnostique, à la condition d’accepter le salut public national et reconnaître au catholicisme la place de religion nationale. Non pas la religion de la majorité des français, comme la Charte révisée de 1830, mais religion de la France. Au moment de la mise à l’index de l’ensemble des publications et du mouvement, c’est ce qui lui fut reproché.

Certes, il y avait bien des manœuvres politiciennes dans cette condamnation, mais, plus profondément, Pie XI n’admettait pas que l’on pût être favorable à l’Eglise sans se soumettre à ses dogmes et à ses injonctions. Dans une lettre à Wladimir d’Ormesson de 1927, le Maréchal Lyautey, qui se tenait pourtant à distance des maurrassiens, s’indigne de « l’anathème jeté par Etienne Borne, abstraction faite de l’A.F., sur tous les  “non-croyants” qui aiment l’Eglise, sont convaincus de son indispensabilité sociale et nationale et sont résolus à marcher pour elle, pour ses œuvres, pour son soutien, sans en être intégralement. C’est le thème du journal la Croix. C’est l’essence même des paroles du Vatican.                                                                                                          Jamais l’AF ne céda sur ce point, malgré la détresse de ceux qui, comme Robert d’Harcourt, lui écrivirent avec leur démission : « Quels que soient les déchirements, un catholique ne peut sortir de l’obéissance, sans risquer de voir s’éteindre en lui la lumière qui est le guide de sa vie. »       

Cette fermeté de Maurras se justifiait aussi, quoiqu’il ait eu la brève, mais forte, satisfaction d’être soutenu par Pie X, par l’appréhension de voir le catholicisme se tourner vers une conciliation avec la démocratie idéologique. Cette tendance n’est pas nouvelle et se retrouve dans toute l’histoire de l’Eglise, comme un courant minoritaire, mais constant, rejeté par le Magistère, mais toujours renaissant. Ce mouvement resurgit au XIX° siècle avec Lamennais, lui aussi condamné, mais continue de manière souterraine son travail de taupe.

En témoigne l’acceptation par Pie XII de la « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ». Or, on constate qu’après de nombreuses conquêtes, comme par exemple le rejet quasi-théologique de la peine de mort, cette vision politique a pris possession du Pontificat avec François, de manière, sinon définitive, au moins très claire. Suspicion répétée à l’égard de l’Europe, injonction répétée d’accueillir inconditionnellement les étrangers, mépris de la souveraineté et de la frontière, partialité tiers-mondiste, déjà présents sous Paul VI, ont pris aujourd’hui la forme d’une admonestation permanente, dans laquelle les évêques de France ne sont pas de reste, à quelques exceptions près. Elle est bien loin, l’Eglise de l’Ordre, et cette papauté qui, selon Maurras, régissait « par-delà tous les espaces », la « seule internationale possible. »

Cela dit, nous aurions beaucoup de mal à tenter de prouver que le pape n’est pas le pape, ni qu’il n’est plus catholique. En revanche nous pouvons, sans faire de concession mais courtoisement, montrer combien les propos de François sont contraires à l’enseignement de l’expérience dans les sciences sociales, selon les leçons de notre école de pensée, et ne peuvent conduire qu’à de catastrophiques issues.

Dans le même ordre d’idées, qu’il nous soit permis, à titre personnel, de formuler quelque critique sur la façon dont les organisations catholiques, même proches de nos idées, ont cru devoir mener le combat contre les « réformes sociétales » en cours. Comme leurs dirigeants savent que les interdits issus du dogme ne suscitent pas l’approbation des Français, ils jugent préférable de ne pas les mentionner, mais enveloppent l’ensemble des techniques et législations discutées dans un discours réprobateur au vocabulaire « humaniste » imprécis, où les mots honnis d’eugénisme, de commercialisation du corps humain, et de transhumanisme sont fustigés sans faire le détail des objets désignés.                                                                                                                                                 Alors qu’une critique sociologique effectuée dans la ligne de Le Play, et attachée seulement à l’utilité sociale, permettrait de distinguer ce qui est intolérable et pourquoi, ce qui reste dans les limites du privé et ce qui peut être utile et à quelle condition. Nous serions sans doute mieux écoutés.

Pierre de Meuse 

Article issu du site : Je suis Français 

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Éloge funèbre de Marielle Pujo

Éloge funèbre de Marielle Pujo

Marie-Gabrielle Pujo, fille de Maurice Pujo, membre du Comité Directeur de l’AF nous a quitté le 22 décembre. Voici l’éloge funèbre prononcé par Clément Gautier lors de la messe de funérailles célébrée le 4 Janvier à Ferrières-en-Gâtinais, par l’abbé Vella, aumônier de l’AF. 

 

Monsieur l’abbé, bien chers amis,

Marie-Gabrielle Pujo nous a quittés le 22 décembre dans sa 89ème année, après avoir consacré une grande partie de sa vie à l’Action Française. Marielle n’était pas une femme politique, mieux que cela, elle a transmis les idées du salut national, les idées de l’espérance politique. Elle a, à la suite de son père Maurice Pujo et de son frère Pierre Pujo, sacrifié sa carrière pour le royaume des Lys et pour ce trésor de l’intelligence politique qu’est l’Action Française. Marielle fut une militante énergique et dès son plus jeune âge, elle participa à l’organisation des camps Maxime Real del Sarte et des grandes manifestations de l’AF. Son instinct lui permettait de déterminer le caractère des gens qu’elle observait scrupuleusement en analysant leurs faits et gestes, mais aussi leurs expressions. Elle avait également le don de découvrir les grands traits de la personnalité, à partir de l’écriture. Elle mettait ainsi ce don et cette expérience au service de son frère Pierre, en le mettant en garde contre certaines personnes. 

Comme Pierre, Marielle s’est employée à travailler pour le bien commun : l’expression « Préserver l’héritage en l’absence de l’Héritier » prend alors tout son sens. 

Marie-Gabrielle Pujo et son frère Pierre

Après le décès de Pierre Pujo, elle dépassa son caractère discret et effacé pour continuer cette œuvre. Elle maintint le journal de l’Action Française non sans difficultés, et mena une lutte acharnée contre ceux qui infiltrèrent l’Action Française. Elle fut présidente de la société éditrice de l’Action française 2000 (PRIEP) de 2007 à 2018. 

Membre du Comité Directeur, elle assista avec une grande tristesse à une dédiabolisation du mouvement impulsée par certains, les principes étaient oubliés au nom de l’efficacité. Marielle soutint donc, avec l’ensemble du Comité Directeur, l’association “Amitié et Action Française” et participa à nombre de ses manifestations. Nous avions eu la joie de l’accueillir le 29 février 2019 lors du grand banquet organisé pour fêter les 120 ans de l’Enquête sur la Monarchie, elle avait expliqué s’y être rendue avec avec la cane de son père, Maurice Pujo, qui avait servi à administrer quelques corrections à de célèbres républicains célèbres du siècle dernier !

Dans un texte de conférence qu’il avait intitulé « Être d’Action Française », Pierre Pujo citait dès la première ligne une formule de Charles Maurras et à laquelle, manifestement, il identifiait sa démarche d’héritier : « Je me vois accusé de mettre en avant la politique mais dans cette passion de la politique, il y a, tout en haut, la passion de la vérité. La vérité ! Quelque chose de sacré dont ma vie a été fascinée, tout entière ». Cette passion pour la vérité politique avait poussé Marielle à réagir avec force alors qu’on nous accusait d’être un repère de nostalgiques de l’Algérie Française et de pétainistes. À un ancien rédacteur du journal qui avait évoqué “Pétain”, Marielle avait répondu: « Monsieur, à l’AF, on l’appelle le Maréchal » !

Marielle comme Pierre se sont souvenus toute leur vie de la manière dont Maurice Pujo avait rejeté le libéralisme qu’il avait fait sien pourtant au cours de sa propre jeunesse.

« Le libéral, écrivait Pierre Pujo, capitule sur toutes les valeurs tout en se présentant comme partisan de la famille, de la patrie, et de la religion ». 

La grandeur de Marielle, ne l’oublions pas, c’est qu’elle n’a jamais voulu être une libérale. Et que libérale, elle l’a été en un autre sens, dans sa générosité, sa passion pour nos idées, dans sa volonté de montrer aux Français la voie royale du salut national.

Marielle était la filleule de Charles Maurras et elle évoquait avec passion ses souvenirs d’enfance : les visites à Maurras, Bainville, Daudet… le bouquet de fleurs qu’elle avait offert au Maréchal, la visite en famille à la sœur de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus au Carmel de Lisieux. Elle a comme son frère Pierre, baigné dans cette grande famille de l’Action Française depuis sa plus tendre enfance et fut donc un témoin des multiples crises que connut notre mouvement. Ainsi, malgré les difficultés rencontrées, les trahisons de beaucoup, les erreurs parfois, et les brimades dont elle a fait l’objet, Marielle gardait, avec son caractère bien trempé, des principes clairs et une grande espérance.

L’exemple de Marielle nous enseigne la piété filiale : elle se savait « débitrice insolvable », elle avait à l’esprit que le patrimoine reçu était là pour être transmis et non uniquement pour qu’on en jouisse de manière égoïste.

Ses actions pour les fêtes historiques de Ferrières témoignent de cette piété à l’égard de la Patrie charnelle. Aussi, c’est parce que cette impiété à l’égard de la Patrie n’a jamais été aussi grande que nous continuons à honorer ceux qui ont fait la France : nos rois certes, mais aussi l’immense cortège de tous nos saints, de nos héros et de nos soldats, célèbres ou silencieux, qui ont foulé le sol de notre beau pays et contribué à transmettre et à enrichir le patrimoine de notre civilisation.

A la suite de Marielle et de tous ceux qui ont marché avant nous sur le sillon du nationalisme intégral, continuons fidèlement le combat, montrons aux Français la voie royale du salut national et sachons courageusement garder l’Espérance. Demeurons fermes. 

 Marielle a rejoint son frère et son père et nous pouvons dire des Pujo, qu’ils furent de grands serviteurs de la France. « Défendre l’Héritage en l’absence de l’Héritier » dans le souci de l’intérêt national, telle fut la passion des Pujo et telle est aussi notre devoir de militants. Aujourd’hui, avec sa famille et ses amis nous pleurons Marielle. Mais comme le dit l’apôtre Saint-Paul « ne soyons pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance ». Car maintenant nous espérons, nous croyons, que Marielle peut dire, comme Paul l’écrivait il y a près de vingt siècles en attendant la mort du fond de sa prison : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi ».

« Seigneur, endormez-moi dans votre paix certaine entre les bras de l’Espérance et de l’Amour. »

 

Adieu Marielle, merci, à bas la Gueuse et Vive le Roi !

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Vœux de l’Action Française

Vœux de l’Action Française

 

“Pour des idées confuses, pour des nuées, pour des mots, on ne risque rien. Pour une idée vraie, pour une pensée issue du réel, on affronte facilement les coups et la prison.”

Maurice Pujo

A l’aube de cette nouvelle année, alors que 2020 fut une année globalement mauvaise pour la France, l’Action Française souhaite à tous ses militants et amis une belle et heureuse année 2021. Aux jeunes qui étudient, à ceux qui travaillent, aux anciens qui nous encouragent coûte que coûte, TOUS, vous avez œuvré cette année encore pour la diffusion de nos idées qui seules, sont en mesure de remettre de l’ordre dans la Maison France. Soyez-en fier, vous êtes les derniers remparts de la Cité et sans vous l’Espérance est perdue.

L’Action Française s’adresse à tous les Français de bonne volonté pour leur souhaiter le courage et la lucidité nécessaire en vue d’affronter cette nouvelle année qui, soyons réalistes, ne s’annonce pas meilleure que 2020. Nous formons le vœu que les patriotes désertent enfin les partis politiques qui les bercent d’illusions ainsi que les mouvements qui confondent politique et morale.

L’Action Française s’adresse enfin aux Français qui croient définitivement fermées les portes de l’Espérance. La France n’est pas condamnée à disparaître, il n’y a pas de fatalité, “tout désespoir en politique est une sottise absolue”. 

Du combat, seuls les lâches s’écartent

Homère

Bonne et sainte année à tous, et pour que vive la France, Vive le Roi !

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Pourquoi l’Action Française doit rester aconfessionnelle

Des hommes face au néant

L’esprit confronté à sa propre immanence se découvre promis à un néant dont plus rien ne semble dorénavant le séparer”

                                                                                                                                                                                Victor Nguyen

Ces quelques mots de Victor Nguyen résument l’effroyable position intellectuelle dans laquelle se trouvait enfermée une fraction considérable des hommes de lettres de la fin du dix-neuvième siècle, la fraction la plus visible, la plus célèbre et indubitablement la plus talentueuse.

On doit à ce chercheur tragiquement disparu un ouvrage monumental (tant du point de vue des éléments nouveaux qu’il apporte aux historiens qu’à sa qualité littéraire). Aux Origines de l’Action française (1), ouvrage au début duquel on trouve une centaine de pages denses et lumineuses où Nguyen traite d’un thème récurrent à l’époque étudiée, La décadence. Véritable cancer moral touchant en premier lieu le microcosme des Lettres et des intellectuels. Et parmi ceux-là, tout particulièrement, ceux qui paradoxalement se relèveront plus tard avec le plus de ferveur au crépuscule de leur vie.

Nous savons que la notion de nihilisme fut empruntée par Nietzsche à Paul Bourget (qui fut très proche de Maurras à la fin de son existence), créateur de celle-ci alors qu’il débutait son immense oeuvre de reconstruction morale, initialement toute personnelle, via l’étude psychologique de ses contemporains (2). On comprend à quel point ce terme est étroitement lié au concept, certes équivoque, de décadence. Cependant, et c’est là un point commun qui unit un grand nombre d’écrivains de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, Bourget lui-même souffre davantage du reflux brutal de la vigueur romantique qui aurait jeté dans la plus noire déréliction la «populace» contemporaine, composée d’individus vaniteux et incroyants, véritables heimatlos étiquetés «français et catholiques» mais, en réalité, imperméables à toute transcendance. Pourtant, Bourget lui-même a longtemps espéré que la Révolution pourrait procéder encore en son temps à une régénération morale élitiste comme populaire.

« Républicain, Paul Bourget l’a été et l’est encore à l’heure où il procède à ce bilan. Aux derniers jours de l’Empire, jeune bourgeois du Quartier latin, il a détesté le régime de Napoléon III, il a applaudi à sa chute. Puis il a rêvé d’un grand rôle littéraire dans la régénération française qui s’annonçait : Rétablir la République par le drame, évoquer Saint-Just, porter la Révolution sur la scène, quel trait de génie. » (3)

Mais son désenchantement est à la mesure de cette exaltation.

«Paradoxalement, l’attitude de Bourget se modifiera, dans la mesure où il était éminemment un moderne, un artiste particulièrement sensible aux courants qui traversent son époque.» (4)

Observant peut-être l’absence de dynamique révolutionnaire, l’inertie politique des forces républicaines soucieuses de se maintenir au pouvoir via le conservatisme, Bourget rejette ces épuisantes ardeurs qui lui donnaient l’impression de vivre, de participer personnellement à la construction d’un «Tout» en se surpassant et pour se surpasser.

«Bourget qui vit de sa plume, a conscience de n’avoir pas donné encore sa mesure. Il ne pénètre aussi intensément l’inquiétude de ses contemporains qu’en analysant la sienne et, en la portant au grand jour, il saisit (ou croit saisir) quasi expérimentalement sur sa propre personne les progrès du mal.» (5)

Ce mal serait le pessimisme universel, le sentiment de l’impuissance finale de l’homme face à son destin.

«Et en 1880, l’analyse gagne en précision : par le mot décadence, on désigne volontiers l’état d’une société qui produit un trop petit nombre d’individus propres aux travaux de la vie commune.» (6)

Le mal est situé. Et il prolifère. La cause de cette désaffection résiderait dans la généralisation de l’individualisme faisant disparaître paradoxalement les fortes individualités au profit des unités «atomiques» interchangeables.

«La vie moderne, impuissante à les créer, conduit au nihilisme, parce que l’homme contemporain découvre avec angoisse que rien en lui, ni hors de lui, ne l’a préparé à affronter virilement son destin.» (7)

Ce sentiment diffus contaminant un Renan, un Taine, un Huysmans, un Villiers de l’Iles Adam, un Baudelaire s’en délectant, et une multitude, ne découle pas d’une source définie que l’on pourrait facilement dégagée mais d’un ennui, lourd et pesant succédant à une euphorie collective provoquée par les «folies» de la Révolution et de ses prolongations, de la grande épopée napoléonienne, sujet romantique par excellence, des soubresauts de 1830 et de 1848. Après trop d’excitations, n’est-il pas naturel de subir douloureusement ou mélancoliquement une phase dépressive qui ne serait que l’antithèse obligée des excès passés ? Lorsque l’Histoire ne semble plus se dérouler suffisamment rapidement pour les âmes s’étant habituées à la «célérité», et à l’audace de leurs dirigeants, celles-ci n’apprécient plus dans toute sa mesure la «grave» sagesse (véritable ou prétendue) de cette République qui souhaite renouer avec ses «bases», d’un Thiers pour qui «la science de gouverner est toute dans l’art de dorer les pilules» (sic).

Ce décadentisme, souvent perçu d’une manière hyperbolique, n’est pourtant pas né ex nihilo. Il est en effet aisé d’appréhender la crise d’identité rongeant jusqu’à la névrose (notion déjà éminemment moderne) les individus, engagés peu ou prou, ayant vécu les grands drames historiques comme des épreuves toutes personnelles. Même si ce phénomène s’est aussi transmuté en une mode littéraire à travers laquelle la dénonciation du mal n’était pas toujours évidente, ou pis où l’on pouvait y découvrir une certaine complaisance ou une morne désinvolture devant l’objet étudié, force est d’admettre que ce sentiment d’agonie interminable s’enracinait à travers toutes les franges de la population. Argument expérimentalement vérifié en 1870 quand le corps même du pays et non plus seulement son «esprit» semblait désormais affecté par le mal.

«Sans surgir, loin de là, de la défaite de 1870, la décadence en a reçu un surcroît de postulation. Jusque-là image ou idée, elle s’est cristallisée alors au plan collectif.» (8)

Sur ce point Nguyen cite la mise en garde d’Alexandre Dumas fils :

En mars 1873, dans la préface de La Femme de Claude, qu’il dédie au vieil Orléaniste Cuvillier-Fleury, Alexandre Dumas fils s’adresse au pays tout entier.

« Prends garde ! Tu traverses des temps difficiles; tu viens de payer cher, elles ne sont même pas encore payées, les fautes d’autrefois; il ne s’agit plus d’être spirituel, léger, libertin, railleur, sceptique et folâtre; en voilà assez pour quelques temps au moins. Dieu, la patrie, le travail, le mariage, l’amour, la femme, l’enfant, tout cela est sérieux, très sérieux. » (9)

Représentent-ils les postulats premiers à partir desquels la science politique devrait bâtir toute «idéologie», toute action et toute représentation de notre société ?

La traumatisante défaite de 1870 est ainsi considérée non comme la cause essentielle de la décadence mais, pis, comme son effet.

«Elle signifie une angoisse que le relèvement rapide ne suffira pas à calmer : une possible Finis Franciae. » (10)

Emile Montégut pense saisir les racines profondes du mal qui seraient principalement politiques, les plus douloureux malheurs de la Nation pouvant être expliqués par l’hypertrophie étatique, l’ultra centralisation jacobine faisant de la Patrie un colosse aux pieds d’argile.

Tous les éléments sociaux, c’est-à-dire ce qui donne à un pays fixité et continuité, ont été tour à tour déracinés : il n’y a plus qu’un amas de poussière désagrégée et impuissante. Dans un tel milieu social, l’Etat seul a volonté, faculté de commander, et chance d’être obéi; malheureusement, dès que le ressort de l’Etat se brise, toute direction disparaît, et les destinées de la nation « sont soumises à l’intelligence du hasard». (11)

Derrière le constat de ces «décombres», on relève l’alternative politique de l’auteur, implicitement dévoilée, mais présentée sans ambiguïtés. Au refus des particularismes, il oppose l’idée de décentralisation, à l’idée d’universalisme, il oppose et chérit le patriotisme et les pays charnels.

Montégut qui dresse ce bilan tout renanien, politiquement s’entend, remarque que révolution et patrie sont deux notions contradictoires : Le jour même où la France sacrifia l’idée de patrie à l’idée d’humanité, l’ancienne maison royale tomba.

La thèse de Victor Nguyen à travers sa monumentale introduction consiste à tenter de montrer, nous le savons, que la synthèse maurrassienne a été esquissée d’une manière plus ou moins nette «avant Maurras». Mais cette synthèse qui cependant n’équivaut pas en qualité à celle construite par le Martégal, a été conçue par des auteurs qui ne sortiront jamais de l’anonymat, et qui la font «tout naturellement», en dehors de toute doctrine, en la noyant en définitive dans un magma d’appréciations, de propositions et d’observations ne permettant pas sa mise en exergue franche.

Notre auteur évoque ainsi la pensée de François Lorrain, illustre inconnu, dont l’ouvrage maître, le Problème de la France contemporaine (13), est à beaucoup d’égards, caractéristique d’une méthode qui, au tournant du siècle, aura le succès que l’on sait.

«Nous croyons que la Révolution française a fait fausse route, que l’heure de sa liquidation définitive n’est pas éloignée; que la tonne de démocratie qu’elle a introduite dans le monde n’est pas un progrès, que ni la nature humaine, ni la nature sociale ne s’accommodent de cette forme, et que l’histoire entière dépose contre elle.» (14)

La décadence apparaissant désormais comme une réalité incontestable, c’est la Révolution en bloc qui est dans la ligne de mire d’une certaine élite littéraire considérant ses principes comme funestes ou, au moins, basés sur une douteuse métaphysique détachée de toute scientificité dont les conséquences seraient de provoquer l’instabilité permanente dans le Pays.

«Peut-être va-t-on percevoir que depuis cette date (1789) notre existence n’a été qu’une suite de hauts et de bas, une suite de raccommodages de l’ordre social, forcé de demander à chaque génération un nouveau sauveur. Au fond, la Révolution française a tué l’abnégation de l’individu, entretenue par la religion et par quelques autres sentiments idéaux.» (15)

Devant ce spectacle mythifié, deux solutions d’importance s’offrent à ceux qui en souffrent. La première convient aux intellectuels restés fidèles aux principes individualistes et libéraux, et qui, par ailleurs, ne sont pas des nostalgiques : la conversion au protestantisme.

Puisque l’Eglise se repliait sur elle-même dans une anxiété obsidionale, le protestantisme parut pouvoir se muer en religion de remplacement. Ne paraissait-il pas, partout dans le monde, facteur de progrès et de liberté autant que d’ordre et de stabilité ? N’y avait-il pas une essence commune à la Réforme et à la Révolution, également protestation de la conscience individuelle ? De plus le protestantisme semblait mieux se concilier avec la science et la raison modernes qu’un catholicisme apparemment suranné et attaché aux valeurs d’obéissances et d’autorités.

Mais (…)

«Défaite militaire, soucis politiques et sociaux, inquiétudes intellectuelles et religieuses convergent alors pour faire du protestantisme dans la République cet Etat dans l’Etat que la polémique de droite (elle n’est pas seule) se plaît à généraliser et à dénoncer

La deuxième solution connue pour sortir de cet état de déréliction est, au contraire, l’acceptation des «lois» sociales régissant d’une manière organique la société entière, et par conséquent le rejet de l’individualisme et du libre examen protestant. On comprend en outre que les multiples conversions au protestantisme d’individus représentant l’élite intellectuelle de la Nation exaspèrent ceux qui ont fait un choix «spirituel» diamétralement opposé et alimentent de fait la somme argumentaire des antilibéraux. La France imaginée des «organicistes», nourrie des réflexions des grands auteurs contre-révolutionnaires, représente en effet une «totalité» à laquelle on ne peut rien retrancher.

«Maistre et Bonald eurent évidemment tort de penser que l’ordre social était frappé à mort. C’était un ordre social plus simplement, mais ils éprouvèrent le sentiment de la totalité de la destruction et celui d’une totalité à reconstruire.» (17)

La société bourgeoise ayant échoué à se transfigurer, l’individu surpris dans sa déréliction, l’alternative bonaldienne gagne alors en crédibilité pour les patriotes de droite fatigués et privés d’être par l’effacement de toute transcendance.

Louis Perruchot

(1)Victor Nguyen, Aux Origines de l’Action française, Intelligence et politique à l’aube du Vingtième siècle, Fayard, 1991.

(2)Paul Bourget, Essais de psychologie contemporaine, Lemerre, 1886.

(3)Ibid. P. 36.

(4)Ibid. P. 36.

(5)Ibid. P. 37.

(6)Ibid. P. 39.

(7)Ibid. P. 39.

(8)Ibid. P. 40.

(9)Ibid. P. 40.

(10)Ibid. P. 42.

(11)Cité par Victor Nguyen P. 57.

(12)Ibid. P. 57.

(13)François Lorrain, Problème de la France contemporaine, Plon, 1879.

(14)Ibid. P. 52

(15)Texte des Goncourt cité par Nguyen (P. 72) qui ne précise pas ses références.

(16)Ibid, P. 89

(17)Ibid. P. 85

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