Il y a une ressemblance frappante entre la monnaie et le langage, l’une et l’autre sont constitués de signes. Les signes sont là pour se substituer à un objet, une personne, une idée ou un phénomène absents, ils sont là pour autre chose, en remplacement de, mais surtout en représentation de. Le signe figure l’absent. Ce sont des signes émis destinés à l’échange.
Le signe figure, il est donc image de, à la ressemblance de, mais ne partage pas la nature de ce qu’il figure. Pourtant, le signe ne se contente pas de substituer, il veut dire quelque chose, il est une volonté. Il répond à la question : qu’est-ce ça veut dire? Et la réponse est simple, il veut dire ce qu’il remplace, il désigne autre chose que lui-même. En ce sens, il est bijectif, chaque signe, pour valoir quelque chose, pour remplacer utilement ce qu’il désigne, doit correspondre à une réalité et une seule. Chaque chose à son signe et chaque signe ne désigne qu’une chose.
Mais le signe ne se confond pas avec la chose, le mot n’est pas le réel – sauf à être nominaliste – et c’est là que le bât blesse.
En effet, la monnaie comme le langage souffrent de maux propres aux signes et à toutes représentations, agissant pour la chose mais n’étant pas elle, ils risquent tous deux l’écueil de se multiplier, leur nature même étant la reproductibilité puisqu’ils sont là pour être à la place de, pour éviter, précisément, de mobiliser la chose qu’ils évoquent et substituent.
La tentation est grande alors, manquant de la chose elle-même, de vouloir pallier son déficit ou son absence par sa surreprésentation. L’artifice peut bien fonctionner un temps mais, à terme, la supercherie sera dévoilée : le signe ne remplace pas la chose in fine.
Mais la surabondance de signes les dévalue mécaniquement, je ne peux prétendre être à la place de partout et en même temps sauf à falsifier ma propre qualité d’émissaire.
La conséquence est identique pour les deux, l’inflation de signes monétaires, d’argent, et de signes langagiers, de mots, de paroles, conduit à leur dévaluation.
L’inflation monétaire n’est autre que l’enflure de la masse d’argent qui ne correspond plus à la richesse, c’est la fameuse planche à billet ; faute d’or réel, imprimons des billets, mais le billet n’est pas de l’argent, il n’en est que le représentant.
De la même manière, les mots, utilisés à l’excès,sans contrepartie réelle, c’est-à-dire sansréalisation de la promesse qu’ils sous-tendent ne veulent littéralement plus rien dire, ils ne disent plus rien. Alors, on se paie de mots. Nous le constatons tous les jours dans le domaine politico-médiatique qui ne veut plus rien dire, où les mots creux succèdent aux analyses fades, répétées. Les slogans perdent tout sens exactement comme nous répétons un même mot longtemps et que nous ne savons plus ce que nous disons.
Or, la dévaluation est cette perte de valeur, et cette valeur est essentiellement conventionnelle et constitue le fondement de la vie sociale puisque celle-ci consiste principalement en l’échange de signes.
La perte de valeur entraîne une crispation puisque l’ensemble social ne tient plus naturellement par l’échange de signes recevables. Cette crispation se traduit par un forçage de l’acceptabilité des signes par trafic des prix ou des mots – prix forcés, slogans, politiquement correct par exemple. Ce forçage nécessite un appareil, un ensemble de gens intéressées au maintien du système qui les rémunère avec les signes dévalués mais dont ils contraignent l’acceptabilité de la valeur qui, en soi, n’est plus recevable.
C’est la corruption généralisée qui aboutit, in fine, à la rupture du pacte social après sa ruine.
La question se pose alors : qui émet cette fausse monnaie et cette fausse parole qui détruit la cité et pourquoi?
Pourquoi les manifestations de janvier et février 1934, dont celle du 6 février, n’ont pas débouché sur ce changement de régime, pour lequel l’Action française s’était toujours battue ? Maurice Pujo, après avoir conduit toute la campagne de l’Action Française sur l’affaire Stavisky et dirigé l’action des Camelots du Roi, en a donné l’explication en termes simples * : sans une Action Française suffisamment forte et reconnue tant sur le plan de la pensée politique que de la conduite de l’action proprement dite, l’union des patriotes est stérile. Et la leçon vaut pour aujourd’hui.
À force de le répéter, les gens du Front populaire ont fini par croire que le Six Février était le résultat d’une terrible conjuration tramée de toutes pièces par d’affreux « fascistes » contre les institutions républicaines.
Rien ne correspond moins à la réalité. Le 6 Février a été, à son origine, le sursaut national le plus spontané, le plus pur d’arrière-pensées. Il a été la révolte de l’honnêteté et de l’honneur français contre un scandale qui était une des hontes naturelles et cachées du régime : le pillage de l’épargne sans défense avec la complicité des gouvernants qui en ont la garde.
Sans doute, ce scandale a été mis en lumière, développé, « exploité », si l’on veut, par des patriotes conscients qui étaient les hommes de l’Action française. Là-dessus, M. Bonnevay, président de la Commission du Six Février, ne s’est pas trompé lorsqu’il nous a désignés comme les responsables de la mobilisation de l’opinion et de la rue.
C’est nous qui avons publié les deux fameuses lettres Dalimier qui avaient été, aux mains de Stavisky, les instruments de l’escroquerie. C’est nous qui, par nos premières manifestations, avons chassé du ministère ce Dalimier qui se cramponnait. C’est nous qui, pendant trois semaines, encadrant tous les patriotes accourus à nos appels, avons fait à dix reprises le siège du Palais-Bourbon. C’est nous qui, par cette pression sur le gouvernement et les parlementaires, avons arraché chaque progrès de l’enquête, empêché chaque tentative d’étouffement. C’est nous aussi qui avons publié la preuve de la corruption d’un autre ministre, Raynaldi, et c’est nous qui, en rassemblant des dizaines de milliers de patriotes, le 27 janvier, au centre de Paris, avons chassé le ministère Chautemps qui cherchait à se maintenir […]
Tenter le coup ?
Dira-t-on que nous envisagions le renversement du régime ? Eh ! nous ne cessons jamais de l’envisager ! Nous avons, dès nos débuts, proclamé que nous formions une conspiration permanente pour la destruction de la République, cause organique de nos maux, et pour la restauration de la monarchie, qui seule pourra les guérir.
Mais, en menant la chasse aux prévaricateurs complices de Stavisky, nous n’avions pas visé, de façon préconçue, cet heureux événement. Il y avait des services immédiats à rendre à la France ; nous les lui rendions. Si, au terme de cette crise, la restauration de la Monarchie pouvait être tentée, nous n’en manquerions certes pas l’occasion. C’est seulement un fait qu’il n’y a pas eu d’occasion parce que les conditions nécessaires ne se sont pas trouvées réunies.
C’est ce que nous devons répondre à ceux qui, nous faisant le reproche inverse de celui de M. Bonnevay, estiment que nous aurions dû « tenter le coup ». Il y avait sans doute – ce qui est important – un malaise incontestable qui, au-delà des hommes au pouvoir, était de nature à faire incriminer le régime. Il y avait même, à quelque degré, dans l’esprit public, un certain état d’acceptation éventuelle d’un changement. Il y avait aussi l’inorganisation relative et le sommeil des éléments actifs chez l’adversaire socialiste et communiste. Mais ces conditions favorables, en quelque sorte négatives, ne pouvaient suppléer à l’absence de conditions positives indispensables pour avoir raison de cette chose solide par elle-même qu’est l’armature d’un régime resté maître de son administration, de sa police et de son armée. Et il faut un simplisme bien naïf pour s’imaginer qu’en dehors des jours de grande catastrophe où les assises de l’État sont ébranlées, comme au lendemain de Sedan, le succès peut dépendre d’un barrage rompu…
Pourquoi Monk n’a pas marché
Ce qui a manqué au Six Février pour aboutir à quelque chose de plus substantiel que des résultats « moraux », c’est – disons-le tout net – l’intervention de ce personnage que Charles Maurras a pris dans l’Histoire pour l’élever à la hauteur d’un type et d’une fonction, l’intervention de Monk. Un Monk civil ou militaire qui, du sein du pays légal, étant en mesure de donner des ordres à la troupe ou à la police, eût tendu la main à la révolte du pays réel et favorisé son effort. Un Monk assez puissant non seulement pour ouvrir les barrages de police, aussi pour assurer immédiatement le fonctionnement des services publics et parer à la grève générale du lendemain.
La question de ce qu’on a appelé à tort l’échec du Six Février se ramène à celle-ci : pourquoi Monk n’a-t-il pas marché ?
Répondra-t-on qu’il n’a pas marché parce qu’aucun Monk n’existait ? Il est certain que personne ne s’était désigné pour ce rôle. Mais c’est essentiellement un domaine où le besoin et la fonction créent l’organe. Il y aurait eu un Monk et même plusieurs si les circonstances avaient été telles qu’elles pussent lui donner confiance.
Certains s’imaginent qu’ils décideront Monk par la seule vertu de leurs bonnes relations avec lui et dans quelques conciliabules de salon. Singulière chimère ! Monk éprouve très vivement le sentiment de sa responsabilité. Ce n’est qu’à bon escient qu’il acceptera les risques à courir pour lui-même et pour le pays et il a besoin de voir clairement les suites de son entreprise. Devant apporter une force matérielle qui est tout de même composée d’hommes, il a besoin de pouvoir compter, pour le soutenir, sur une force morale assez puissante. Il ne réclame pas de civils armés – c’est là l’erreur de la Cagoule – qui doubleraient inutilement et gêneraient plutôt les soldats, mais il veut trouver autour de lui, lorsqu’il descendra dans la rue, une « opinion » claire, forte et unie.
Et cela n’existait pas au Six Février. Si les manifestants étaient unis par le sentiment patriotique et le mépris de la pourriture politicienne, ils n’avaient pas d’idée commune sur le régime qui conviendrait à la France pour la faire vivre « dans l’honneur et la propreté ». De plus, les rivalités de groupes et les compétitions des chefs empêchaient même que, séparés dans la doctrine, ils pussent s’unir dans l’action.
Depuis le début de l’affaire Stavisky jusqu’au 27 janvier où notre manifestation des grands boulevards renversa le ministère Chautemps, il y avait eu, dans l’action, une direction unique : celle de l’Action française. C’est à ses mobilisations que l’on répondait ; c’est à ses consignes que l’on obéissait. (On lui obéit même le jour où, en raison de la pluie et pour épargner un service plus pénible à la police, nous renonçâmes à la manifestation) Mais, à partir du 27 janvier, devant les résultats politiques obtenus et ceux qui s’annonçaient, les ambitions s’éveillèrent, et les groupements nationaux préparèrent jalousement, chacun de son côté, leur participation à une action dont ils comptaient se réserver le bénéfice. Cette agitation et cette division ne firent que croître, après la démission de M. Chiappe, préfet de police, survenue le 3 février.
Aucune entente
La Commission d’enquête a cherché un complot du Six Février. Mais il n’y avait pas un complot pour la bonne raison qu’il y en avait cinq ou six qui s’excluaient, se contrariaient et se cachaient les uns des autres. Il y en avait dans tous les coins et sur les canapés de tous les salons. On peut se rendre compte qu’il n’y avait aucune entente entre les groupes divers en examinant les rendez-vous qu’ils avaient donné pour la soirée historique, et les dispositions qu’ils avaient prises, sans parler des manœuvres qu’ils firent et dont à peu près aucune n’était d’ailleurs préméditée.
Si, par impossible, les patriotes l’avaient emporté dans de telles conditions, s’ils avaient chassé le gouvernement et le parlement, le désaccord entre eux n’aurait pas manqué d’apparaître presque aussitôt et les gauches vaincues n’auraient pas tardé à reprendre le pouvoir.
C’est à quoi le Monk inconnu, le Monk en puissance, devait songer. C’est pourquoi il s’est abstenu d’une intervention qui aurait été stérile. C’est pourquoi la journée du Six Février n’a pas donné de plus grands résultats.
Il a beaucoup plu en France ces derniers mois. Les nappes sont saturées sauf dans les Pyrénées Orientales. L’an dernier les Hauts de France ont été inondés plusieurs fois. Cette année, c’est la Bretagne. Normal, avec les tempêtes qu’il y a eu. Et cela continue. Chez moi, il y a de ces vagues, je ne vous dis pas! Dans le nord des Etats-Unis, il a fait un froid polaire, du jamais vu depuis des décennies. Même Trump a dû prêter serment à l’intérieur du Capitole, et non sur les escaliers comme la tradition le veut. A Los Angeles au contraire, il a fait plutôt doux, mais surtout très sec, et hyper-venté. C’est la Californie qui veut ça.
Quand les marchands de peur, au tournant des années soixante-dix, ont choisi de se renouveler un peu, levant le pied sur la bombe atomique et la surpopulation pour forcer sur le climat (U Thant, secrétaire général de l’ONU déclarait à New York en 1969 : « il nous reste dix ans pour sauver la terre »), ils ont fait preuve d’un profond sens psychologique. Qu’on soit surfeur, SDF, agriculteur ou concierge, on aime parler du temps qu’il fait. Cela apaise des angoisses profondément ancrées. Nostradamus, dans ses almanachs et pronostications, n’oubliait jamais, parmi ses prédictions effroyables, à côté des pestes, incendies, guerres, révolutions, de nommer les pluies, grêles, sécheresses et vents épouvantables. L’historien Denis Crouzet, qui a étudié ce qu’il nomme le réenchantement du monde, montre comment les humains de notre XVIe siècle décelaient, dans les catastrophes qu’ils étaient prompts à exagérer, autant de signes de la colère du ciel, autant de punitions pour les méfaits de l’humanité : c’est exactement ce que font aujourd’hui, avec les militants écologistes, les institutions internationales et les Etats signataires de l’accord de Paris, leur transition énergétique et leur Net Zéro.
Dans un monde réenchanté, on ne met jamais en doute ce que disent les sorciers. On craint la fonte des glaciers des Alpes, même si l’on sait qu’ils s’étendent aujourd’hui sur des hameaux jadis habités. On a oublié que Dunkerque était sous la mer du temps de Charlemagne. Que le Groenland que convoite Trump signifie pays vert. On assure que les optima climatiques signalés par l’histoire ne concerneraient que l’hémisphère nord – sans prendre garde que ledit hémisphère comprend les deux tiers des terres émergées et neuf humains sur dix. On tremble devant la température moyenne de la planète, même si l’on ne sait pas comment la définir ni la mesurer. On est sûr que le changement climatique fait de main d’homme provoque toujours plus de phénomènes météo extrêmes, sécheresses, cyclones, pluies diluviennes, alors même qu’un rapport scientifique déposé par un collectif de grands physiciens sous la direction de Richard Lindzen, cofondateur du GIEC, climatologue auteur de découvertes importantes, établit que ces phénomènes ne sont ni plus nombreux ni plus intenses que par le passé. En somme, on rêve et on se plonge volontairement dans un cauchemar.
Les terribles incendies de Los Angeles illustrent cet état d’esprit. La Californie est un laboratoire de l’arc-en-ciel. Le vert y est particulièrement militant. Le maire de L.A. a coupé les crédits des pompiers, le gouverneur interdit le débroussaillage. Or il a beaucoup plu en 2023 et 2024, ce qui a fortement accru la végétation, puis les précipitations se sont arrêtées, ce qui l’a fait sécher sur pied, puis il a venté, et, quelques mégots par-ci par là, sans doute pas tous accidentels, ont fait le reste. Ce que la malignité de quelques-uns et la sottise psittacisante de beaucoup ont provoqué, on le met ensuite sur le dos du changement climatique.
Donald Trump n’est pas le messie. En beaucoup d’occurrences, il décevra sûrement ceux qui l’adulent. Mais sortir de l’accord de Paris, exiger que les ayatollahs verts nous disent sur quoi ils se fondent pour condamner le CO2, tordre le cou au canular du réchauffement du climat par l’homme, c’est bien, important et fort. Sur cette imposture, comme sur l’imposture des genres, il est donc possible de faire quelque chose. Ploutocrate épaulé par l’autre ploutocrate, Elon Musk, Trump se comporte en l’affaire en monarque absolu, c’est-à-dire, comme l’enseignait Maurras, indépendant. Louis XIV était indépendant des féodaux qu’il avait matés et des puissances d’argent qui allaient bientôt peser sur tous les dirigeants. Le tandem Trump-Musk est de même indépendant, pour un temps (combien d’heures ou de mois ?) de ce composé philanthropique d’argent et d’idéologie qui décide de tout depuis que les démocraties se sont établies en Europe et en Amérique.
Le jury du Prix Hugues Capet, présidé par le prince Charles-Philippe d’Orléans, s’est rassemblé le 9 janvier pour délibérer sur le lauréat 2024 du Prix Hugues Capet.
Après une longue séance de délibération empreinte de débats passionnés et d’analyses approfondies, le Jury s’est prononcé : Sully, Bâtisseur de la France moderne de Laurent Avezou, aux éditions TALLANDIER a été couronné PRIX HUGUES CAPET 2024.
Cet ouvrage est une inspiration pour le présent. Il retrace avec une rigueur remarquable et un style captivant la vie et l’œuvre de Maximilien de Béthune, duc de Sully, principal ministre et proche du roi Henri IV. Laurent Avezou y explore le rôle déterminant de ce visionnaire dans la modernisation de la France, en mettant en lumière ses réformes économiques, son sens aigu de l’administration et son engagement pour la paix et la prospérité du royaume. Ce livre est une œuvre magistrale qui conjugue profondeur historique, finesse d’analyse et plaisir de lecture. A la fois accessible et rigoureux, il offre un éclairage indispensable sur un homme dont l’héritage continue de résonner dans les fondements de l’État français.
UN SULLY POUR RÉINVENTER LA FRANCE D’AUJOURD’HUI
Sully est plus que jamais d’actualité : il symbolise la capacité d’une nation à se réinventer après des crises, en s’appuyant sur des valeurs solides et un projet collectif ambitieux.
Serviteur visionnaire du Royaume, Sully a fondé son action politique sur la stabilité, la prospérité et la réconciliation nationale, des principes qui résonnent puissamment face aux défis et divisions de la France contemporaine.
La « méthode Sully », alliant rigueur budgétaire, planification à long terme et priorité à l’unité nationale, reste une source d’inspiration. Sully a su rebâtir une France en ruine grâce à une politique stable de réduction de la dette nationale, de réforme fiscale en profondeur et de promotion de l’industrie.
Cette reconstruction de la France rappelle qu’un avenir prospère repose sur des choix audacieux et structurants.
Sa célèbre devise, « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », pourrait aujourd’hui être revisitée pour promouvoir des politiques modernes, durables et inclusives, essentielles à l’unité et à la prospérité nationale.
LE LAURÉAT
Spécialiste de l’histoire moderne et des grandes figures qui ont façonné la France, Laurent Avezou s’est imposé comme l’un des historiens les plus talentueux de sa génération. Passionné par l’étude des gouvernances éclairées et des stratégies politiques, il consacre ses recherches aux grands serviteurs de l’État et aux bâtisseurs d’institutions.
Docteur en histoire, Laurent Avezou est enseignant et conférencier, reconnu pour sa capacité à rendre l’histoire accessible à un large public. Il contribue régulièrement à des revues spécialisées et collabore à des émissions consacrées au patrimoine historique et culturel français.
Laurent Avezou incarne une génération d’historiens soucieux de faire vivre les leçons du passé dans les débats contemporains. Sa victoire au Prix Hugues Capet souligne l’importance de ses travaux pour mieux comprendre les racines de l’État moderne et l’héritage capétien. Une distinction prestigieuse qui consacre une œuvre vouée à l’excellence et à la transmission des savoirs.
LE PRIX HUGUES CAPET
Le prix littéraire Hugues Capet a été créé il y a 30 ans par Madame la Comtesse de Paris et Jacques-Henri Auclair. En 2024, après dix ans d’absence et pour fêter son trentième anniversaire, le Prince Charles-Philippe et la Princesse Naomi d’Orléans ravivent le prestigieux Prix Hugues Capet et en prennent la Présidence pour lui donner un nouveau souffle et de nouvelles ambitions, en collaboration avec les Archives nationales.
À une époque où l’identité culturelle et la transmission du patrimoine sont au cœur des débats sociétaux, le Prix Hugues Capet offre une plateforme précieuse pour célébrer et préserver la richesse de notre héritage historique, jouant ainsi un rôle essentiel dans le contexte actuel. En valorisant des œuvres littéraires qui éclairent le passé tout en nourrissant la réflexion sur le présent, il contribue à renforcer le lien entre les générations et à stimuler un dialogue autour de l’histoire nationale. Aujourd’hui plus que jamais, face aux défis de la mondialisation et des bouleversements identitaires, le Prix Hugues Capet s’affirme comme un gardien de la mémoire collective, rappelant que l’avenir se construit en s’appuyant sur les leçons du passé.
Ces lignes sont parmi les dernières écrites par le grand historien d’Action Française Jacques Bainville, de l’Académie Française.
Louis XIV avait de l’intelligence et du caractère. Louis XV avait de l’intelligence et manquait de caractère. Louis XVI, avec toutes les vertus, avait une intelligence médiocre et il était indolent. On ne peut pas s’étonner que, malgré les meilleures intentions du monde, il ait perdu la monarchie.
Un hasard malheureux fit encore qu’il avait perdu son père, si bien qu’à Louis XV déjà vieilli succéda un jeune homme de vingt ans, très confit en dévotion, à qui l’on avait surtout appris que le grand-père menait une vie scandaleuse. On imagine bien que les filles du défunt roi avaient Madame du Barry en horreur. Elles avaient endoctriné leur neveu qui ne se contenta pas d’exiler la favorite mais qui se mit à défaire systématiquement tout ce que son prédécesseur avait fait.
Un de ses premiers actes fut de rappeler les Parlements orgueilleux qui tenaient tête à la couronne. Comprit-il très bien ce qu’il faisait ? c’est douteux. Il obéit surtout aux influences qui s’exercèrent sur lui. Mais, dès ses débuts, il s’enfonçait dans une contradiction insoluble et destinée à devenir mortelle. En effet il appelait au ministère un réformateur qui s’appelait Turgot, et les Parlements, défenseurs des droits acquis, s’opposaient à toutes les réformes. Pour réformer le royaume et supprimer les abus, il eût fallu que le roi agît par voie d’autorité. Il avait, d’emblée, entamé la sienne en rétablissant celle de ces magistrats qui s’étaient arrogé le pouvoir de repousser les lois qiu étaient contraires à leurs idées ou à leurs intérêts, bien que la puissance législative fût censée appartenir au souverain.
Combattu et paralysé par les Parlements, ne pouvant faire aboutir ses projets, Turgot dut se retirer. Entre son ministre et les magistrats, le malheureux Louis XVI avait dû choisir et ne pouvant plus revenir sur le mal qu’il s’était fait, ce fut le ministre qu’il sacrifia. Par une contradiction non moins absurde le public lui en fit le reproche, tandis qu’il applaudissait ces parlementaires privilégiés et défenseurs des privilèges qui parlaient un langage insolent et factieux et se présentaient comme les défenseurs de la liberté.
Dès lors Louis XVI s’épuisa dans la vaine recherche d’une amélioration impossible. Il y perdit peu à peu sa popularité. A la fin, impuissant devant les parlementaires unis à la noblesse et au clergé, il se résolut à sauter le grand pas et à convoquer les États Généraux, espérant trouver dans le Tiers État l’appui qui lui était refusé ailleurs.
C’est pourquoi il voulut que la représentation du Tiers État fût doublée. Mais le troisième ordre, ayant autant de députés que les deux premiers, demanda et devait demander à voter par tête. De plus le roi, pour faire entendre la voix de la bourgeoisie, avait invité tous ceux qui avaient des idées à les exposer librement. Ce fut une pluie d’écrits de toutes sortes parmi lesquels figura la célèbre brochure de Sieyès : « Qu’est-ce que le Tiers État ? Rien. Que doit-il être ? Tout. ».
Louis XVI avait semé le vent. Il récolta la tempête et de plus, faisant ce qu’il avait déjà fait avec Turgot et avec le Parlement, au lieu de suivre la voie qu’il avait lui-même tracée, il vint se mettre en travers. Lorsque les députés du Tiers, forts de leur nombre et de l’autorité qu’il leur avait donné, voulurent transformer les États Généraux en assemblée, il prétendit de son côté maintenir la distinction des trois ordres, conformément aux traditions, aux usages et à l’ancienne constitution du royaume. C’est ainsi que de ses propres mains, Louis XVI fit la Révolution. Pouvait-elle être évitée ? Nous répondrons « Oui, certainement ».
La France avait besoin de réformes. Il fallait y procéder d’autorité et brisant les coalitions d’intérêt qui s’y opposaient. C’est ce que les rois de France avaient toujours fait, ce qu’avait fait encore Richelieu puis Louis XIV. Sans cela la monarchie n’eût pas duré aussi longtemps. Pour être un roi réformateur, il fallait être un roi autoritaire.
N’était-ce pas ce que la France attendait ? Le XVIIIe siècle, dans la personne du plus illustre de ses interprètes c’est à dire Voltaire, avait exalté des souverains qui étaient de purs despotes, comme Frédéric II et Catherine, mais qui imposaient le progrès par le despotisme.
Au fond les Français, en 1789, n’aspiraient pas à la liberté mais à l’égalité, qui en est d’ailleurs exactement le contraire. C’est si vrai que, dix ans plus tard, dix ans seulement, la dictature de Bonaparte était acclamée. Il était vraiment inutile pour en venir là, de mettre la France sens dessus dessous et de faire couler des torrents de sang. Avec des intentions excellentes, l’infortuné Louis XVI avait fait un mal immense. Il l’a expié si durement qu’on ne peut pas avoir la dureté de lui en vouloir. Mais il serait faux de voir en lui une victime de la fatalité.
Supposons un roi qui eût continué la politique commencée par Louis XV dans les derniers jours de son règne. On fût arrivé, sans bouleverser le pays et sans tout détruire, à un état des choses fort semblable à celui que créa le premier consul, lequel, du reste, rétablit et restaura une partie de ce qui avait été détruit dans l’anarchie révolutionnaire.
Finalement, Louis XVIII, qui était fort intelligent, prit la France telle que Napoléon l’avait laissée. Pour en venir là, il était bien inutile d’avoir fait couper la tête d’un roi, d’une reine et d’une quantité de braves gens sans compter tous ceux que vingt ans de guerre avaient tués.
D’une seule voix, orthodoxes du marxisme et leurs frères jumeaux, les sectateurs du capitalisme s’emploient à nous convaincre que la politique n’est qu’une simple superstructure transitoire et amovible, et lui substituent l’économie en tant que moteur déterminant de l’Histoire ; de sorte que les activités humaines se voient ainsi essentiellement limitées à des échanges entre producteurs et consommateurs, où chacun est supposé trouver son meilleur compte. Peu importe qu’ensuite les groupes humains soient organisés selon les règles contraignantes d’un socialisme totalitaire, ou gérés par la tyrannie des grands intérêts de la finance sans frontières. Ainsi corrompue dans son essence même, la Cité sort inévitablement des voies par lesquelles seules elle peut se faire, conformément à la nature de l’homme, pourvoyeuse du bien commun nécessaire à son épanouissement.
Mais cette déviation mortelle n’est pas la seule à atteindre la Cité dans son existence même. Si Aristote et St Thomas d’Aquin ont raison, la politique étant connaturelle à l’homme, le « politique d’abord » de Maurras ne fait qu’indiquer l’ordre des moyens dans lequel doivent être posés les actes salvateurs : sans une certaine qualité du temporel, ni l’homme ne peut être heureux ici-bas, ni il ne peut accéder normalement à la perfection ultime à laquelle il est appelé en tant qu’être spirituel. Et Péguy de parler du « grand mystèrede cette ligature du temporel et du spirituel », de cette « incapacité absolue du spirituel de se passer du temporel » !
C’est pourquoi ils sont tout autant les ennemis de l’homme réel et de la Cité ceux qui, niant implicitement la distinction entre l’ordre de la nature et celui de la grâce, croient pouvoir sauter par-dessus les nécessités absolues du politique, pour établir, on se demande bien comment, un esprit juste et de bonnes mœurs, d’où découleraient de bonnes institutions. C’est bien l’ordre social qui prévaut, mais cet ordre ne peut naître ex nihilo ; ce sont les bonnes institutions, et elles seules, qui sont capables de fournir le socle sur lequel fleurissent naturellement les idées droites et permettent l’épanouissement de cette vertu moyenne qu’Aristote fixe comme objectif à l’ordre politique conforme à la raison. Inverser cet ordre est une dangereuse chimère, pour ne pas dire une ineptie, et renvoie aux calendes grecques l’accession au bien commun.
On peut toujours, bien sûr, et on le doit, s’employer au changement des mœurs pour faciliter l’instauration à terme de bonnes institutions ; mais, en vue de celles-ci, la voie la plus conforme à la nature et à la raison est l’action proprement politique, visant le régime en place.
Nous utilisons des cookies sur notre site Web pour vous offrir l'expérience la plus pertinente en mémorisant vos préférences lors de vos visites. En cliquant sur « Accepter l'ensemble », vous consentez à l'utilisation de TOUS les cookies. Cependant, vous pouvez visiter les « Réglage des cookies » pour fournir un consentement contrôlé.
Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience lorsque vous naviguez sur le site Web. Parmi ceux-ci, les cookies classés comme nécessaires sont stockés sur votre navigateur car ils sont essentiels au fonctionnement des fonctionnalités de base du site Web. Nous utilisons également des cookies tiers qui nous aident à analyser et à comprendre comment vous utilisez ce site Web. Ces cookies ne seront stockés dans votre navigateur qu'avec votre consentement. Vous avez également la possibilité de désactiver ces cookies. Mais la désactivation de certains de ces cookies peut affecter votre expérience de navigation.
Necessary cookies are absolutely essential for the website to function properly. These cookies ensure basic functionalities and security features of the website, anonymously.
Cookie
Durée
Description
cookielawinfo-checkbox-analytics
11 months
This cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Analytics".
cookielawinfo-checkbox-functional
11 months
The cookie is set by GDPR cookie consent to record the user consent for the cookies in the category "Functional".
cookielawinfo-checkbox-necessary
11 months
This cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookies is used to store the user consent for the cookies in the category "Necessary".
cookielawinfo-checkbox-others
11 months
This cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Other.
cookielawinfo-checkbox-performance
11 months
This cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Performance".
viewed_cookie_policy
11 months
The cookie is set by the GDPR Cookie Consent plugin and is used to store whether or not user has consented to the use of cookies. It does not store any personal data.
Functional cookies help to perform certain functionalities like sharing the content of the website on social media platforms, collect feedbacks, and other third-party features.
Performance cookies are used to understand and analyze the key performance indexes of the website which helps in delivering a better user experience for the visitors.
Analytical cookies are used to understand how visitors interact with the website. These cookies help provide information on metrics the number of visitors, bounce rate, traffic source, etc.
Advertisement cookies are used to provide visitors with relevant ads and marketing campaigns. These cookies track visitors across websites and collect information to provide customized ads.