« Refaire un peuple, restaurer la France »

« Refaire un peuple, restaurer la France »


Samedi 26 octobre 2024, proche d’Avignon

À quoi bon égrener la liste des maux dont souffre notre nation en décomposition si les solutions apportées sont obscurcies par les erreurs de l’intelligence (les pires de toutes, disait Maurras) ? Cela ne servirait qu’à faire le constat de notre propre déchéance.

L’Action Française, on le sait, a toujours eu à cœur de comprendre pour agir, et elle ne cesse de répéter ce principe essentiel : la formation précède l’action.

Si certains, et ils sont nombreux, pensent que le salut national peut venir de puissances ou de doctrines étrangères, nous autres, nationalistes, savons que les remèdes ne peuvent être que nationaux.

D’autres, encore, considèrent que le jeu démocratique peut sortir le pays du chaos. Nous leur répondons que jamais autant que sous nos yeux ne se sont vérifiées les analyses de l’Action Française : « la démocratie c’est le mal, la démocratie c’est la mort ».

L’étranger, le déracinement, la démocratie, tels sont les maux qui nous tuent.

Retrouvez l’Action Française, le samedi 26 octobre, lors d’une journée organisée en Provence sur le thème :

CONTRE LE DESESPOIR :

REFAIRE UN PEUPLE, RESTAURER LA FRANCE

Programme :

  • 10 heures : messe pour la France célébrée par l’abbé Xavier Beauvais à Maillane, suivie d’un hommage à Frédéric Mistral au cimetière.
  • 12 h 30 :  apéritif et buffet campagnard
  • 14 heures 30 : prises de paroles de Arnaud Jayr (paysan et professeur de philosophie), Pierre Hillard (essayiste, auteur, docteur en science politique, spécialiste du mondialisme), Philippe Champion (philosophe, auteur, membre du Comité directeur de l’Action Française), Jean-Claude Martinez (professeur de droit public et de sciences politiques, auteur, ancien député européen), Monsieur K (journaliste, chef d’entreprise, membre du Comité directeur de l’Action Française)

INSCRIPTION : https://t.co/NUk9fhWIcv

N'hésitez pas à partager nos articles !
Macron : retour à 1962 ?

Macron : retour à 1962 ?

Emmanuel Macron et Michel Barnier (alors négociateur pour la Commission européenne) à l’Élysée le 31 janvier 2021. Ludovic Marin/AFP

Dans le cadre de la Nuit du Droit1 , la fédération française de débat et d’éloquence organisait le 3 octobre dernier, au Sénat,un « procès fictif » portant sur la révision de la constitution de 1962

La question était la suivante : cette révision constitutionnelle voulue et instaurée par le président de la République d’alors, Charles de Gaulle, doit-elle être qualifiée de « forfaiture » comme l’affirma le président du Sénat d’alors, le radical Gaston Monnerville ? De jeunes talents oratoires étaient appelés à plaider sur le sujet. Rappelons rapidement les faits : l’attentat du petit Clamart (22 août 1962) qui le visait offrit au Général une fenêtre de tir pour lancer une réforme qui lui tenait particulièrement à cœur ; celle de l’élection du président au suffrage universel direct. Il demanda au peuple de l’approuver par referendum. Il avait été lui-même élu par un collège de 80.000 grands électeurs et désirait donner au chef de l’État une légitimité populaire. Les oppositions, de l’extrême gauche à l’extrême droite, voyaient dans ce projet une rupture de l’équilibre entre exécutif et législatif, ouvrant la porte au « pouvoir personnel » et à « l’aventure ». Elles jugeaient que la procédure par referendum violait gravement la Constitution – d’où l’emploi du mot « forfaiture ». Dans ses Mémoires d’espoir qu’il faut lire, De Gaulle explique longuement qu’il était bon juge des intentions de la Constitution et que ses opposants lui avaient donné leur aval lors de sa rédaction. Eux développèrent une argumentation juridique copieuse pour démontrer le contraire. Le Conseil d’Etat attaqua De Gaulle pour l’affaiblir. Une motion de censure fut déposée à l’assemblée nationale et largement approuvée. A ce jour, c’est la seule fois où cela s’est produit sous la V e république. Pompidou présenta sa démission. L’assemblée fut dissoute. Il fut renommé. Le referendum eut lieu et la réforme fut approuvée à une majorité de 62 %. Des élections législatives organisées dans la foulée accordèrent une nette majorité aux gaullistes et aux républicains indépendants de Giscard qui avaient fait campagne pour le oui. Monnerville saisit le Conseil, constitutionnel pour faire annuler le referendum, le Conseil se déclara incompétent par sept voix contre deux, celles des deux anciens présidents de la République, Vincent Auriol et René Coty.

Cette réforme est fondamentale à plusieurs égards :

  • Appelé en 1958 par des élites républicaines en marmelade, incapables de faire face aux événements, comme le maréchal Pétain l’avait été en 1940, De Gaulle se trouvait menacé, une fois sa besogne accomplie, d’être congédié par les partis requinqués. Il lui fallait les mettre au pas et placer l’exécutif à l’abri des fantaisies des chambres et des partis. Sa réforme fut un peu l’équivalent du renvoi des Parlements par de Maupeou2.
  • La deuxième raison explique le choix du referendum. A l’automne 1962, le général De Gaulle n’avait pas plus de majorité parlementaire que Macron aujourd’hui. Le sénat lui était hostile et l’assemblée nationale ne le suivait plus. Au début de la première mandature de la V e République, au premier janvier 1959, l’UNR (le parti gaulliste) ne comptait que 206 députés sur les 579 élus en Métropole, dans les outremers et en Algérie. Pourtant, tout au long de la guerre d’Algérie, le Général a bénéficié d’une solide majorité de fait. D’abord, sur sa politique Algérie française, avec une grosse
    part des Indépendants et le groupe Unité de la République. Puis, sur sa politique Algérie algérienne,avec une grosse part des indépendants, le MRP, les socialistes, et le centre laïc. Mais une foi l’indépendance algérienne acquise, ne demeuraient fidèles que 205 UNR sur 551 sièges en exercice. Ce qui restait du groupe Unité de la République, renommé extrême droite pour sa fidélité à l’Algérie française, lui était violemment hostile et tout le reste de l’arc républicain, à part un petit groupe d’indépendants groupés autour de Giscard qui pensait à son avenir, attendait tranquillement que le gaullisme tombe comme un fruit mûr. A l’automne 1962, Le Monde titra d’ailleurs sur la « crise de régime », et c’est pour sauver son régime et trouver la majorité qu’il n’avait plus que le général De Gaulle lança sa réforme.

Comme on le voit, Macron n’est pas dans une situation inédite. A cet égard, on peut noter deux différences capitales. Un : De Gaulle a pu trancher en sa faveur parce qu’il disposait d’une grosse majorité populaire qui s’était exprimée lors du referendum. Une écrasante majorité populaire s’est au contraire déterminée contre Macron lors des Européennes, sorte de plébiscite inverse. Deux : De Gaulle était prêt à s’en aller en cas d’échec (ce qu’il allait faire d’ailleurs sept ans plus tard après le referendum manqué de 1969), ce qui n’est pas le cas de Macron qui multiplie les échappatoires pour s’en sortir, le gouvernement Barnier apparaissant comme sa dernière carte. Il apparaît surtout que les objectifs de ces deux présidents sont radicalement opposés. Quels qu’aient été les fautes ou les crimes de De Gaulle, il avait le sens de l’Etat et la volonté de renforcer la souveraineté nationale à travers un Exécutif fort : Emmanuel Macron au contraire agit en promoteur de l’Europe mondialiste et multiplie les excentricités à la limite de l’abus de pouvoir pour discréditer la fonction présidentielle et saper la souveraineté nationale.

Martin PELTIER

Notes de bas de pages

1 La Nuit du Droit existe depuis 6 ans. A l’occasion de cette évènement annuel, les citoyens ont la possibilité de rencontrer les professionnels du droit et de s’entretenir avec eux, en toute liberté (théorique) de leurs pratiques respectives et du fonctionnement de la justice en général.
2 Magistrat et homme politique français sous Louis XV puis Louis XVI (garde des sceaux et Chancelier), il est resté célèbre pour sa réforme de la justice et des parlements, en 1771.

N'hésitez pas à partager nos articles !
Démographie : la France encore bonnet d’âne de la croissance en Europe occidentale

Démographie : la France encore bonnet d’âne de la croissance en Europe occidentale

Comme en 2022, la France s’est classée en 16e position en matière de croissance démographique parmi les 18 pays d’Europe occidentale, hors micro-États. Un manque de dynamisme qui perdure depuis de nombreuses années, de nature à l’affaiblir considérablement, et d’autant plus regrettable que l’Hexagone souffre d’un terrible retard démographique de deux siècles par rapport au reste de l’Europe. 

En 2023, la France n’a réalisé qu’un taux de croissance démographique de 0,34 %. Elle se classe ainsi une énième fois au bas du tableau des pays d’Europe occidentale, hors micro-États (Monaco, Saint-Marin, Liechtenstein et Andorre), selon les dernières données publiées par Eurostat, le 11 juillet dernier (et par les différents organismes publics de la statistique pour le Royaume-Uni, dont l’ONS au niveau national). 

La France encore et toujours en queue de classement

En se plaçant en 16e position, la France arrive très loin derrière Malte, l’Islande et le Luxembourg qui dominent le classement avec des taux de croissance respectifs de 3,87 %, 2,84 % et 1,69 %, soit des progressions 11,4 fois (ou + 1 038 %), 8,3 fois (+ 735 %) et 5 fois (+ 397 %) supérieures à celle de la France. Les deux premiers pays se classent même parmi les champions mondiaux en la matière, dépassant la quasi-totalité des pays d’Afrique subsaharienne, région démographiquement la plus dynamique au monde.  

La France arrive également très loin derrière la Suisse et l’Irlande, qui suivent aux quatrième et cinquième places du classement, avec des taux de croissance respectifs de 1,64 % et 1,36 %, soit 4,8 fois plus (+ 382 %) et 4 fois plus (+ 300 %) que l’Hexagone. De même, celui-ci a été très largement dépassé par l’Espagne et le Royaume-Uni, deux pays voisins de dimension comparable et se classant en huitième et neuvième position, avec une hausse de la population de 1,09 % (soit 3,2 fois plus, ou + 221 %) et 1,01 % (3 fois plus, ou + 196 %). Ce qui correspond à un gain de non moins de 685 000 habitants pour le Royaume-Uni et de 525 000 pour l’Espagne, contre seulement 229 000 pour la France (dont la population totale vient donc, en 2023, d’être dépassée par celle du Royaume-Uni, qui compte désormais 68,8 millions d’habitants, contre 68,4 millions). De son côté, et bien que moins dynamique, l’Allemagne a de nouveau enregistré une progression supérieure à celle de la France, de l’ordre de 0,40 % (soit tout de même + 18 %). Dans ce tableau de 18 pays, cette dernière n’est parvenue à devancer que la Suède et l’Italie, avec leurs évolutions respectives de 0,29 % et – 0,01 %.

Loin d’être récent, ce retard de la France ne fait que confirmer une tendance déjà observée depuis de nombreuses années, et en particulier sur la dernière décennie. En effet, et sur la période décennale 2014-2023, la France ne se classe qu’à la 14e place parmi ces 18 pays d’Europe occidentale, avec une croissance démographique annuelle de seulement de 0,33 %, très loin derrière le trio de tête également constitué, et dans le même ordre, par Malte, l’Islande et le Luxembourg (respectivement 2,75 %, 2,05 % et 2,03 %). Mais aussi très loin derrière l’Irlande et le Suisse, qui occupent les quatrième et cinquième places (1,43 % et 0,97 %), et surtout loin derrière le Royaume-Uni, qui se classe également en neuvième position avec une croissance annuelle de 0,67 %. Un dynamisme britannique qui a donc été 2,1 fois supérieur à celui de la France (+ 106 %), ce qui correspond à un gain total de 4,5 millions d’habitants, soit 2,2 millions de plus que l’Hexagone. Quant à l’Espagne, qui a mis un certain temps à se remettre de la crise financière mondiale de 2008, celle-ci a également connu une croissance annuelle significativement supérieure à celle de la France, s’établissant à 0,44 %, soit un tiers plus élevée (+ 33 %).  

Maigre consolation, la France est tout de même parvenue à réaliser une progression annuelle identique à celle de l’Allemagne sur la décennie écoulée (0,33 %). Toutefois, il convient là de noter que la position légèrement meilleure de la France sur cette période est en bonne partie due à la pandémie de Covid-19, qui permit à l’Hexagone d’atteindre une exceptionnelle huitième place en 2020, grâce à la réduction drastique des flux migratoires internationaux à destination de l’Europe.

En effet, la croissance démographique européenne résulte désormais essentiellement ou exclusivement, selon les pays, de l’immigration internationale. Si cette immigration était principalement d’origine européenne pour la grande majorité des pays d’Europe occidentale jusqu’au milieu des années 2010, et jusqu’en 2020 pour le Royaume-Uni (à l’exception notamment de la France, qui fut le seul pays à entraver et décourager celle en provenance d’Europe de l’Est, qui avait fourni plusieurs millions de travailleurs en seulement deux décennies), les flux migratoires sont désormais majoritairement d’origine asiatique, au sens large du terme (Moyen-Orient, sous-continent indien, Chine, Philippines…), pour de nombreux pays d’Europe occidentale. Parmi les pays n’en faisant pas partie, il est possible de citer les cas intéressants de la Suisse et de l’Espagne, la première recevant une immigration toujours essentiellement européenne (77 % hors Turquie en 2022, selon les dernières données disponibles), et la seconde bénéficiant désormais de flux migratoires très majoritairement latino-américains, essentiellement en provenance d’Amérique hispanique, qui a fourni non moins de 83 % du solde migratoire international en 2023 (soit un gain d’environ 480 000 hispaniques).

La montée en puissance du Royaume-Uni et de l’Espagne

Grâce aux politiques d’attractivité mises en place, la plupart des pays d’Europe occidentale devraient donc connaître une progression significative de leur population au cours des prochaines années, et même des quelques prochaines décennies pour certains d’entre eux. Et ce, contrairement à toutes les projections démographiques précédemment établies, y compris celles venant d’être publiées par l’ONU, en juillet dernier, et comportant de nombreuses et surprenantes anomalies, en tenant insuffisamment compte, dans leur scénario central, des flux migratoires enregistrés ces dernières années par les pays d’Europe occidentale (et même parfois pratiquement pas…). 

Ainsi, et à titre d’exemple, l’ONU prévoit pour les dix prochaines années un niveau d’immigration annuel près de deux fois inférieur à la moyenne observée au cours des cinq dernières années pour la France, 4,1 fois inférieur pour l’Allemagne, et même 5,5 fois inférieur pour l’Espagne (soit seulement 81 000, au lieu de 448 000 sur la période 2019-2023). Ce qui ne peut naturellement qu’aboutir à des écarts colossaux avec la réalité observée, année après année, comme par exemple en prévoyant une baisse de 11 000 habitants pour l’Espagne et de 287 000 habitants pour l’Allemagne en 2024, alors que qu’il est désormais acquis que ces deux pays gagneront de nouveau quelques centaines de milliers d’habitants cette année (après des gains de 525 000 et 330 000 habitants en 2023, respectivement).

Ainsi, et si les niveaux de natalité et de mortalité retenus par l’ONU paraissent raisonnables pour un scénario central, il est plus qu’évident que d’importantes corrections s’imposent pour les niveaux des flux migratoires ayant servi à l’élaboration des projections manifestement irréalistes de l’ONU. Par conséquent, et en retenant, dans le scénario central, un solde migratoire international annuel égal à la moyenne observée au cours des cinq dernières années (soit, et bien que cette période ait été impactée par la crise liée au Covid-19, un niveau souvent très largement supérieur à celui retenu par l’ONU, mais qui demeure tout de même souvent bien inférieur à celui observé au cours des deux dernières années, par exemple de près de 40 % pour le Royaume-Uni et l’Espagne), l’évolution démographique projetée des pays d’Europe occidentale se révèle alors bien différente qu’indiqué, avec notamment des hausses particulièrement remarquables en valeur absolue, compte tenu de leur niveau actuel de population, pour le Royaume-Uni et l’Espagne. En effet, ces deux pays compteront dès lors 85,2 millions et 63,5 millions d’habitants en 2060, respectivement, soit des gains de 16,4 millions (+ 23,8 %) et 14,8 millions (+ 30,5 %), alors que les projections centrales de l’ONU ne tablaient que sur des niveaux de 76,0 et 42,4 millions d’habitants, respectivement (soit une différence de 9,2 millions pour le Royaume-Uni, et un écart record de 21,1 millions pour l’Espagne).

De son côté, la France comptera 72,2 millions d’habitants à cette date, en hausse de seulement 5,6 % (contre 70,7 millions selon l’ONU, départements d’outre-mer compris, soit un écart de 1,6 million). Elle sera ainsi largement distancée par le Royaume-Uni, qui vient de la dépasser en 2023 grâce à une progression deux fois supérieure au cours de la dernière décennie, et verra son avance sur l’Espagne réduite de plus de moitié. De plus, elle demeurera loin derrière l’Allemagne, qui trônera encore avec une population de 86,9 millions d’habitants (contre seulement 75,7 annoncés par l’ONU), et ce, sans même tenir compte, dans l’élaboration de ce scénario central, de 80 % des réfugiés ukrainiens arrivés dans le pays en 2022 et 2023 (en raison du caractère exceptionnel et massif de ce mouvement migratoire). Ainsi, la France ne parviendrait même pas à réduire significativement son retard par rapport à l’Allemagne, tout comme elle n’a d’ailleurs pu le faire au cours de la dernière décennie, alors même que bon nombre d’études annonçaient qu’elle redeviendrait bientôt la première puissance démographique européenne, après la Russie. Occasion de rappeler, au passage, qu’il est donc désormais possible de constater à quel point de très nombreux organismes, publics ou privées, ayant réalisé des projections démographiques dans le passé pour les pays occidentaux, se sont lourdement trompés…

Par ailleurs, il est à noter que la montée en puissance de l’Espagne résulte d’une immigration massive en provenance des pays d’Amérique hispanique, qui lui ont déjà fourni non moins de trois millions d’habitants depuis le début des années 2000 (solde migratoire, auquel s’ajoute la descendance). Un niveau d’immigration élevé, de manière plus ou moins légale (avec notamment près de 150 000 demandeurs d’asile hispaniques arrivés par avion en 2023, soit 92 % du nombre total de demandeurs d’asile), et clairement encouragé par les autorités du pays, qui facilitent grandement l’insertion professionnelle des immigrants, même illégaux. Mais ces flux migratoires atteignent désormais de telles proportions, bien supérieures aux besoins réels du marché du travail et de la pénurie de main-d’œuvre découlant de l’effondrement de la natalité, que l’on peut désormais parler d’une véritable politique de peuplement du territoire – non officiellement reconnue, par transfert massif de populations latino-américaines (et s’inscrivant possiblement dans le cadre d’une stratégie ayant pour ambition secrète de faire de l’Espagne la première puissance démographique et économique européenne d’ici la fin du siècle…). 

Le terrible retard démographique de la France

Le manque de dynamisme démographique de la France, qui souffre d’ailleurs d’un déficit en naissances quasi continu depuis 49 ans (avec notamment un indice conjoncturel de fécondité inférieur au seuil de renouvellement des générations depuis 1975 !), est d’autant plus regrettable et dramatique que celle-ci est déjà fortement affaiblie par un retard démographique de deux siècles par rapport aux autres grandes puissances européennes, et que le bref et léger baby-boom de l’après-guerre ne permit guère de rattraper (avec un indicateur conjoncturel de fécondité n’ayant jamais dépassé les 3,04 enfants par femme). 

D’ailleurs, si la France était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, elle compterait, pour sa seule partie métropolitaine, non moins de 154, 128 et 107 millions d’habitants, respectivement. Et si l’on devait étendre cette comparaison au Japon, à la verdoyante Corée du Sud – aux deux tiers recouverte de forêts – ou à la partie uniquement non désertique et habitable de l’Égypte (dont les 106 millions d’habitants se concentrent sur seulement 6 % du territoire), la France métropolitaine abriterait respectivement 181, 281 et… 972 millions d’habitants !

Ce retard considérable puise ses origines dans la très lente progression de la population française entre 1750 à 1945. Au terme de ces deux siècles perdus, celle-ci n’a ainsi été multipliée que par 1,6, alors que dans le même temps, et également dans leurs frontières actuelles, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne multipliaient la leur par trois, les Pays-Bas par quatre, et le Royaume-Uni par six !

Pourtant, l’essor démographique des autres pays européens se fit en dépit de lourdes pertes humaines, dues aux nombreux conflits et, surtout, à l’importante hémorragie migratoire qu’a connue le continent… à la seule et unique exception de la France. Sur cette période de deux siècles, guerres et émigration confondues, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie ont ainsi perdu entre 20 et 25 millions de nationaux, chacun au total, tandis que l’Hexagone ne subissait qu’une « modeste » saignée d’environ 4 millions de personnes.

La France a donc longtemps été, démographiquement, l’homme malade de l’Europe et du monde. Elle, qui était trois fois plus peuplée que le futur Royaume-Uni, en 1750, et aussi peuplée que le Japon vers 1800. Une situation qui résultait d’une déchristianisation précoce, ainsi que d’une propagation bien plus importante que partout ailleurs des simplistes idées malthusiennes, qui ne cessent pourtant d’être infirmées génération après génération. Ce qui n’empêche pas pour autant certains responsables politiques français, cherchant à dissimuler leur incompétence, à évoquer parfois l’existence d’un lien entre chômage et natalité plus élevés qu’ailleurs, comme l’avait encore fait François Hollande au cours de son mandat. Pourtant, dans l’année qui précédait la fin de celui-ci, en 2016, douze des quatorze pays de l’Union européenne ayant connu une croissance démographique totale supérieure à celle de la France, avaient terminé l’année avec, à la fois, une croissance économique supérieure et un taux de chômage inférieur….

Le déclin démographique de l’Hexagone ne fut naturellement pas sans conséquences sur son influence, et contribua même dans une large mesure au déclenchement des deux grandes guerres mondiales. En effet, si les équilibres démographiques étaient restés inchangés, l’Allemagne, moins sûre d’elle, n’aurait probablement jamais été aussi belliqueuse en 1914. Et la France, non effrayée par son écrasante infériorité numérique, n’aurait sans doute jamais cherché à mettre à genoux l’Allemagne après 1918, favorisant ainsi l’émergence du nazisme…et la mise en œuvre de l’Holocauste. Ainsi, si certains pensaient bien faire en faisant moins d’enfants, ils ont en réalité, et involontairement, provoqué la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes.

Déjà lourdement affaiblie par les inepties malthusiennes, la France ne doit plus continuer à se laisser piéger par les prophètes de l’apocalypse et les théoriciens de la surpopulation humaine, auxquels l’Histoire a toujours fini par donner tort, faute d’avoir correctement apprécié le potentiel de la Terre et le génie humain (exploitation jusqu’à présent d’une infime partie des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables de la planète, progrès constants de la science… sans parler des perspectives infinies qu’offre l’univers). En s’affranchissant de leur fanatisme et de leurs idées simplistes, elle pourrait alors rattraper progressivement son terrible retard démographique sur ses grands voisins, redynamiser son économie, augmenter considérablement la taille de son marché intérieur et de son PIB, et gagner grandement en influence économique et géopolitique en Europe et dans le reste du monde.

Ilyes Zouari

Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)

N'hésitez pas à partager nos articles !
Joseph de Maistre et la philosophie de Bacon.

Joseph de Maistre et la philosophie de Bacon.

Première partie. Le but des sciences physiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes de lectures sur le Tome I de l’Examen de la philosophie de Bacon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rien de plus instructif, au sujet de ce qu’on appelle la philosophie moderne, que l’Examen de la philosophie de Bacon.

Cet ouvrage posthume de Joseph de Maistre est un commentaire du fameux Novum Organum ainsi que de plusieurs autres œuvres anglaises et latines de Francis Bacon. Maistre y discute également la traduction française et ses notes, de sorte que le traducteur français est aussi l’un des personnages du livre.

Ce qui rend cette lecture intéressante, c’est qu’à mesure qu’on découvre la philosophie de Bacon, on y reconnaît une certaine philosophie qui a encore cours de nos jours. La philosophie de Bacon, dit Maistre, est « l’énumération des erreurs humaines ».

Maistre examine, d’une part, la méthode proposée par Bacon pour chercher la vérité dans les sciences ; et d’autre part, ce que Bacon a écrit sur des questions particulières touchant au système du monde, à l’histoire naturelle, à l’optique ou encore à la météorologie.

Il apparaît que ni cette méthode ni ces écrits n’ont de valeur. Le traducteur français en est impatienté et ne peut s’empêcher d’insérer dans ses notes des remarques mordantes contre l’auteur.

À quoi Bacon doit sa réputation.

La contribution réelle de Bacon aux sciences physiques est inexistante et sa méthode tant et si ridiculement exaltée n’a jamais été suivie par aucun physicien. En réalité, le fameux Novum Organum « n’est dans son objet et dans sa totalité qu’un long accès de délire ».

Si le XVIIIe siècle a tant fait (et si on continue de tant faire) l’éloge de Bacon, c’est pour son athéisme déguisé. « La gloire factice accordée à Bacon n’est que le loyer de sa métaphysique pestilentielle ».

La science réduite à la physique.

Car il y a bien une métaphysique de Bacon. Étrange métaphysique en vérité, qui affirme qu’il n’y a de science que dans la physique. En effet : « pour Bacon, il n’y a qu’une science, la physique expérimentale ; les autres ne sont pas proprement des sciences, vu qu’elles ne résident que dans l’opinion ».  Autrement dit, « la certitude n’appartient qu’aux sciences physiques ». On reconnaît là l’idée principale d’un autre livre célèbre (d’ailleurs dédié à Bacon), à savoir la Critique de la raison pure.  Ce qui fait dire à Maistre que « tout le venin de Kant appartient à Bacon ».

Pourquoi parler de venin ? Parce que cette réduction de la science à la physique conduit nécessairement au matérialisme. Si « la certitude n’appartient qu’aux sciences physiques », il n’y a de vérité certaine ni dans la métaphysique, ni dans la morale, ni dans la théologie naturelle…

Quoi qu’il en soit, cette affirmation est absurde, car la question de savoir ce qui est science et ce qui ne l’est pas, n’est pas une question à laquelle on puisse répondre par les moyens de la physique expérimentale. C’est, qu’on le veuille ou non, une question métaphysique. A travers cette affirmation, Bacon se condamne donc lui-même ; il tombe dans la même contradiction que ceux qui disent que la vérité n’existe pas tout en prétendant dire quelque chose de vrai.

De plus, nous fait savoir de Maistre, cette affirmation est dangereuse. « Il faut bien se garder de croire que ce système ne soit que ridicule ; il est éminemment dangereux et tend directement à l’avilissement de l’homme. Les sciences naturelles ont leur prix sans doute ; mais elles ne doivent point être exclusivement cultivées, ni jamais mises à la première place. Toute nation qui commettra cette faute tombera bientôt au-dessous d’elle-même. »

Le but de la physique.

Autre point remarquable de la métaphysique de Bacon, le but que ce dernier assigne aux sciences naturelles, à ces sciences en dehors desquelles il n’y aurait pas, selon lui, de certitude.

C’est l’objet d’un chapitre dont nous reproduisons, ci-dessous, un passage intéressant et représentatif du style enjoué de Joseph de Maistre. On découvre dans cet extrait que la philosophie de Bacon a pour but de conférer à l’homme des pouvoirs surnaturels et chimériques. Cette physique expérimentale qui, si l’on en croit Bacon, mérite exclusivement le nom de science, a pour but, comme l’alchimie, de conférer à une puissance infinie sur les choses matérielles. Voici :

Bacon « a pris la peine lui-même de nous dire ce qu’il attendait des sciences naturelles. Sous le titre burlesque de magnificence de la nature pour l’usage de l’homme il a réuni les différents objets de recherche que devait se proposer tout sage physicien et ce qu’il devait tenter « pour l’usage de l’homme ». Voici quelques échantillons de ces petits essais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Faire vivre un homme trois ou quatre siècles ; ramener un octogénaire à l’âge de quarante ou cinquante ans ; faire qu’un homme n’ait que vingt ans pendant soixante ans ; guérir l’apoplexie, la goutte, la paralysie, en un mot, toutes les maladies réputées incurables ; inventer des purgations qui aient le goût de la pêche et de l’ananas ; rendre un homme capable de porter une pièce de trente-six ; faire qu’on puisse le tenailler ou lui briser les os sans qu’il en perde contenance ; engraisser un homme maigre ; amaigrir un homme gras, ou changer ses traits ; changer un géant en nain, un nain en géant ; ou, ce qui revient au même, un sot en un homme d’esprit ; changer de la boue en coulis de gélinottes, et un crapaud en rossignol ; créer de nouvelles espèces d’animaux ; transplanter celle des loups dans celle des moutons, inventer de nouveaux instruments de mort et de nouveaux poisons (toujours QUOAD usus humanos) ; transporter son corps ou celui d’un autre par la seule force de l’imagination ; mûrir des nèfles en vingt-quatre heures ; tirer d’une cuve en fermentation du vin parfaitement clair ; putréfier un éléphant en dix minutes ; produire une belle moisson de froment au mois de mars ; changer l’eau des fontaines ou le jus des fruits en huile et en saindoux ; faire avec des feuilles d’arbre une salade qui le dispute à la laitue romaine, et d’une racine d’arbre un rôti succulent , inventer de nouveaux fils pour les tailleurs et les couturières, et des moyens physiques de lire dans l’avenir ; inventer enfin de plus grands plaisirs des sens, des minéraux artificiels et des ciments.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En traduisant très fidèlement ces extravagances, je ne fais pas d’autre malice à Bacon que celle de développer ses idées, de réduire ses généralités à la pratique et à l’individualité, de changer pour ainsi dire son algèbre en arithmétique ; ce qui est de toute justice, puisque toute algèbre doit être traduite sous peine d’être inutile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tel est cependant le but général de cette fameuse philosophie de Bacon et tel est nommément le but particulier du Novum Organum tant et si ridiculement exalté. « Le but du chancelier Bacon dans cet ouvrage, nous dit son traducteur lui-même, est extrêmement élevé ; car il n’aspire à rien moins qu’à produire nouvelles espèces de corps et à transformer les espèces déjà existantes. »

 

 

 

 

 

 

 

En effet, l’entreprise est fort belle, et je ne crois pas qu’il soit possible de lui comparer rien dans l’histoire de l’esprit humain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour sentir le caractère enjoué de cette page et la malice de l’auteur, il faut la comparer la version française aux expressions anglaises originales, que Maistre a reproduites dans la note suivante :

« Magnalia naturæ QUOAD USUS HUMANOS. Quand je n’aurais appris le latin que pour sentir la force et la sagesse de ce QUOAD, je ne pourrais regretter ma peine. — Je cite l’original de ces magnificences.

The prolongation of life : the restitution of youth is some degreee : the retardation of age : the curing of diseases counted incurable : the mitigation of pain : more easy and less loathsome purging : the increasing of abiity for suffer torture or pain : the alterings of complexions and fatness and leanness : the alterings of statures : the altering of features : the increasing and exalting of intellectual parts : versions of bodies into other bodies : making new species : transplanting of one species into another : instruments of destruction, of war and poison :… force of the imagination, either upon another body, or upon the body itself : acceleration of time in maturation : acceleration of time in clarifications : acceleration of putrefaction :…  acceleration of germination :… turning crude and watry substances into oily and unctuous substances : drawing of new foods out of substances not now in use :… greater pleasures of the senses (Ah ! monsieur le chancelier, à quoi pensez-vous ?) : artificial minerals and cements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Magnalia naturæ à la tête de l’ouvrage intitulé : Sylva sylvarum, ou Histoire naturelle. Op. tom. I, p. 237, partie anglaise.) Je ne trouve point ce morceau dans la traduction de M. Lasalle. Il lui a paru sans doute passer toutes les bornes du ridicule. Ces sortes de suppressions sont un service qu’il rend de temps en temps à son auteur, et lui-même nous en avertit franchement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qu’il faut attendre de la science — réduite à la physique expérimentale —, ce n’est donc pas seulement qu’elle nous rende comme maîtres et possesseurs de la nature, selon la formule célèbre de Descartes. Cette science vise, comme l’alchimie, à nous conférer une toute-puissance chimérique sur la matière et sur les êtres vivants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jules Putois

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N'hésitez pas à partager nos articles !
HÉRÉDITÉ ET CIVILISATION

HÉRÉDITÉ ET CIVILISATION

C’est l’hérédité collective d’une aristocratie recueillant la succession du Sénat de Rome qui donna la durée et la force à l’Empire romain. Des trois races de nos Rois, celle qui fit la France fut précisément celle qui évolua dans les meilleures conditions d’hérédité monarchique, lesquelles ont permis la régulière transmission, la continuité rigoureuse de leurs desseins.

La valeur de tout effort personnel est dominée par l’immense principe historique en vertu duquel les vivants sont « de plus en plus, et nécessairement, gouvernés par les morts », et chaque vivant par ses morts particuliers. Cette nécessité bienfaisante est la source de la civilisation. Mais il y a longtemps que la démocratie s’est insurgée contre cette condition d’un ordre civilisé ; elle a choisi la barbarie, elle veut se recommencer tout entière à chaque individu qui vient au monde, sauvage et nu. C’est à l’humanité des cavernes que la démocratie veut nous ramener.

Charles Maurras, Sans la muraille des cyprès (J. Gibert, 1941)

Le Sénat romain n’était pas élu, ses membres étaient, en quelque sorte, cooptés parmi les magistrats issus des grandes familles aristocratiques, et du sang neuf, les « hommes nouveaux », s’y introduisait au compte-goutte. Un ambassadeur reçu par le Sénat dit qu’il avait cru être introduit devant une assemblée de rois !

L’Empire romain semble, à première vue, ne pas avoir connu l’hérédité. Il l’a connue, en réalité, mais de manière cachée : la plupart des empereurs n’ont pu avoir de successeurs directs parce qu’ils n’eurent pas de fils ou que ces derniers moururent en bas âge ; mais une étude généalogique prouve que, dans l’ensemble, l’empire fut transmis par les femmes. Si les féministes apprenaient cela, le latin reviendrait à la mode !

Carolingiens, Mérovingiens, Capétiens, des trois races de nos Rois la dernière connut une hérédité heureuse qui fit la France. Après cette constatation, Maurras cite Auguste Comte qui n’a cessé de répéter : « les morts gouvernent les vivants ». Culte des ancêtres, coutumes des ancêtres, mos majorum, tous les peuples civilisés, et même la plupart des autres, ont vécu sur ces principes, et plus l’aventure humaine avance, plus, « nécessairement » l’expérience du passé a enrichi la civilisation.

image2.jpeg

Mais Rousseau vint. Alors que toutes les sociétés, des primitives aux plus élaborées, avaient postulé que la civilisation était un capital transmis et augmenté, le citoyen de Genève piétina la plus belle réalisation du génie humain, la France d’Ancien Régime, et les privilégiés s’enthousiasmèrent pour ce faune, comme les bourgeois d’aujourd’hui, gavés et repus, accompagnent leur digestion d’un militantisme en faveur de la faim dans le monde. Rousseau chantait déjà la chanson impie : « du passé faisons table rase. »

La démocratie a choisi la barbarie. Rousseau ne disait-il-pas dans son Discours sur l’inégalité que l’homme qui médite est un animal dépravé ? Oui, la démocratie est une barbarie : le citoyen électeur ne cesse de dire, ouvertement ou in petto « moi, je pense que… », sans expérience ni compétence. Dès la prime jeunesse, le malheureux enfant de démocrate, futur électeur et futur fossoyeur de la civilisation, apprend à l’école rousseauiste à étaler, à exhiber, son petit moi barbare et inorganique : son barbouillage de gouache ou d’aquarellepassera pour une œuvre digne de Michel-Ange, et les premiers mots qu’il jettera sur un papier relègueront Homère au musée des vieilleries. Ne connaissons-nous pas, quand nous visitons certains musées subventionnés, « l’humanité des cavernes » ?

Né de parents inconnus et mort célibataire, l’homme dénoncé par Renan restait encore un malheureux instruit. L’école moderne a fait de son successeur un sauvage. Saluons une fois de plus la qualité d’analyse d’un Maurras. Il est tellement intelligent, son esprit de déduction est tellement puissant qu’il nous semble un prophète.

Rangés derrière son autorité, formons-nous à sa méthode.

Gérard Baudin

N'hésitez pas à partager nos articles !
Doctrine : science politique et morale

Doctrine : science politique et morale

image0.jpeg

Certains catholiques ont reproché à Maurras de substituer aux lois de la morale les lois purement physiques de la politique.

Le grief ne résiste pas à une étude impartiale de la philosophie de Maurras qui, loin de supprimer les valeurs orales, les remet à leur juste place.« L’infaillible moyen d’égarer quiconque s’aventure dans l’activité politique, c’est d’évoquer inopinément le concept de la pure morale, au moment où il doit étudier les rapports des faits et leurs combinaisons. Telle est, du reste, la raison pour laquelle l’insidieux esprit révolutionnaire ne manque jamais d’introduire le concept moral à ce point précis où l’on a que faire de la morale. Il a toujours vécu de ce mélange et de cette confusion qui nuisent à la vraie morale autant qu’à la vraie politique. La morale se superpose aux volontés ; or, la société ne sort pas d’un contrat de volontés, mais d’un fait de nature ». (Démocratie religieuse, p. 246)

Maurras précise encore cette idée dans un texte moins connu : « Pour savoir ce que le sujet doit faire, il faut savoir ce que sa nature le rend capable de faire, comment il est constitué. Avant d’aborder le devoir social, discipline des volontés sociales, il fait connaître la structure de la société… L’étude de la structure politique des États ou des Sociétés ne peut se confondre avec celle de l’action politique, l’action est un fait volontaire, donc sujet à la morale, la structure sociale participe de la nature des choses. Ceci subit des lois, objet de pure connaissance, cela reconnaît des règles qui, une fois définies, sont objet de confiance et d’obéissance ». (Préface du livre de J.L. Lagor, La Philosophie politique de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1948)

Politique et Morale sont donc choses distinctes. La confusion est cependant régulièrement faite par les démocrates-chrétiens et les progressistes, qui en profitent pour recouvrir du manteau d’une morale abstraite leurs partis pris idéologiques. Un des plus grandes thomistes de notre temps, le R.P. de Tonquédec S.J. a rétabli les distinctions nécessaires :

Toute sociologie correctement bâtie et complète enferme plusieurs parties bien distinctes, irréductibles les unes aux autres. D’abord une partie purement spéculative, toute d’observation et d’expérience, où la morale n’a encore rien à voir, qui fournit au sociologue les matériaux, l’objet même de son étude ; les phénomènes sociaux, tels qu’ils se déroulent en faits ; « c’est ainsi que les choses se passent ». Puis, une seconde partie, où le sociologue, s’il est chrétien, ou simplementhonnête homme, appréciera et jugera lesdites phénomènes selon le bien et le mal qu’ils comportent ; et alors il dira le droit, formulera les principes qui doivent régler la conduite humaine dans le domaine social comme dans tous les autres : « il faut faire le bien évitele mal ». Cette intuition, est d’un tout autre ordre que ce qui la précède. Ce n’est pas la perception sensible, la collection des renseignementsextérieurs qui la fournit, mais une lumière intérieure ; celle qui luit dans une conscience droite. Avec elle se dessine une frontière qu’on ne peut absolument pas effacer. Prenons un exemple vulgaire. Un homme en frappe un autre. C’est là un fait patent qui s’impose à tous les spectateurs et sur lequel aucun dissentiment n’est possible. Mais celui qui frappe a-t-il raison ? a-t-il tort ? Est-il dans son droit ? Cela ne se voit pas avec les yeux, ne se décide point par la description de l’incident. Et là-dessus es avis pourront se partager (bien qu’un seul d’entre eux soit juste). En tout cas, il s’agit maintenant d’un jugement de valeur, d’une qualification morale du fait qui n’a rien de commun avec sa simple constatation.

Quant à la cause d’où proviennent en suprême ressortla bonté, la justice des actions humaines, quant à la Fin vers laquelle toute vie morale se trouve, de ce chef, orientée, ce n’est plus l’observation pure ni même cette intuition du bien et du mal, commune à toutes les consciences droites, qui peuvent la découvrir, mais le raisonnement métaphysique ou la foi religieuse. Si, dans sa partie préceptive, une sociologie complète doit tenir compte de ces vérités transcendantes, cela ne suffit pas à les assimiler à son objet propre. Elles lui sontextérieures et supérieures. Subordination n’est pas identité. À partir de l’idée du bien et du mal humains, on peut s’élever jusqu’à l’idée d’un Bien absolu, et d’un Législateur suprême, déduire l’une de l’autre, mais toute déduction suppose des termes divers et le passage de l’un à l’autre. 

De ces trois parties, la second e seule appartient à la morale. C’est là son domaine propre, située entre les deux autres. Elle reçoit de plus bas qu’elle, de l’observation des faits sociaux, la matière à quoi elle devra s’appliquer. Elle ne la crée pas : une autre l’a préparée pour elle et la lui offre. A l’inverse, c’est au-dessus d’elle qu’elle trouverasa source, son fondement et les titres de sa légitimité.

La morale ne recouvre donc pas le champ entier des sciences sociales. Affirmer une identité absolue, une coïncidence rigoureuse entre elles, c’est brouiller les espèces.

N'hésitez pas à partager nos articles !