Esteban, Pierre et Clément
Il n’y a rien à dire. Pierre Palmade est un meurtrier, pas un assassin. Il a tué sans l’avoir prémédité ni même voulu, faute d’avoir prévu que sa façon de vivre et ses actes pouvaient provoquer mort d’homme. Il a honte, comme Adam et Eve chassés du paradis terrestre eurent honte, comme nous aurions tous honte si la part mauvaise et cachée de notre vie était révélée et qu’elle engendrait une horrible catastrophe, comme nous aurons honte en nous présentant devant notre Souverain Juge. La justice humaine va demander réparation, il s’y soumettra, c’est dans l’ordre des choses. Nous n’avons qu’à prier pour ses victimes et pour lui.
Le bruit mené autour de cette affaire, outre sa fonction de diversion (et de distraction, hélas), indique aussi pourtant, du point de vue politique, une tendance regrettable de l’appareil judiciaire et médiatique français à propager une morale à deux vitesses. Voyons pour mettre cela en lumière un autre homicide involontaire, survenu lors de la rixe le 5 juin 2013 rue Caumartin dans le neuvième arrondissement de Paris. Cet après-midi là des antifascistes et des JNR se sont rencontrés fortuitement à une vente de vêtements Fred Perry. Les antifas provoquent verbalement les fachos, moins nombreux, puis les attendent quarante minutes à la sortie. Chaque groupe rameute du renfort par téléphone, puis, à la sortie des fachos, c’est la castagne, durant laquelle l’un des antifas venus en renfort, Clément Méric, meurt, frappé d’au moins deux coups de poing à la face par Esteban Morillo, venu à la rescousse de l’autre côté. A dix-huit ans, Méric est un militant « connu des services spécialisés comme appartenant à un groupe de militants d’extrême gauche qui recherchaient la confrontation avec les militants d’extrême droite ». C’est pour cela que ses copains l’ont appelé, bien qu’il soit physiquement une crevette, sous dialyse pour corser la chose. Il rattrape sa faiblesse par la ruse et l’agressivité. Il a été filmé en d’autres occasions, le foulard sur le visage afin de masquer son identité, donnant des coups de poing armé d’une chevalière pour blesser ses adversaires, puis ôtant son foulard et retournant le chaton vers la paume pour passer, avec sa gueule d’ange, devant les policiers. Une vidéo fixe de surveillance montre ses pieds, le 5 juin 2013, tournant autour de Morillo avant de se faire sécher. La bagarre a duré sept secondes. Trop heureux d’avoir enfoncé des gauchistes plus nombreux, les fachos filent sans demander leur reste. Ils ne savent pas que Méric est « en état de mort cérébrale ». Il décèdera le lendemain.
Là-dessus les médias et la justice française vont monter toute une fantasmagoriepour dénoncer la « violence de l’extrême-droite » (selon un procédé classique d’inversion), et le procureur de Paris, Démolins, va même un moment, retenant des témoignages fantaisistes manifestement orientés, qualifier l’affaire en « homicide volontaire ». La chose servira un dessein politique immédiat, la dissolution de Troisième Voie, mouvement auquel étaient rattachés les fachos incriminés. Puis elle sera abandonnée, trop évidemment ridicule. Mais le parti pris continuera. Le procès n’aura lieu qu’en 2018, devant une cours d’assise de Paris grossièrement partisane, après que Morillo aura fait dix-huit mois de prison préventive. Dix-huit mois pour Esteban, à comparer au bracelet électronique de Pierre, et aux louanges tressées à Clément.
Pierre savait que conduire sous cocaïne pouvait provoquer un accident mortel. Esteban savait-il que se battre dans la rue pouvait provoquer un accident mortel ? Oui, aussi. La différence tient dans les victimes. La famille kurde n’a commis d’autre faute que d’être là. Clément a commis la faute d’avoir choisi d’être là, parce qu’il voulait casser du facho, interdire la rue aux fachos, ces gens qui, pour reprendre ses mots en ce 5 juin, « ne devraient même pas exister ». Son intolérance et sa haine, sa totale inconscience des risques encourus (il relevait de leucémie) ont mis Clément au contact du poing mortel. La famille kurde, elle, roulait tranquillement sur une route. Pourtant, le système a poursuivi Esteban avec une rigueur proche de l’hystérie, réservant sa complaisance à Pierre.
Nous souffrons ainsi d’une justice de classe ou plus exactement d’une justice de caste. Des juges bobos, solidaires du bobo Méric (fils de profs de gauche), ont plombé le prolo natio Morillo avec l’approbation des médias bobos. Des juges et des médias bobos tentent d’épargner le bobo Palmade. Précisons que dans bobo, le bourgeois compte moins que la bohème, ce qui excite la préférence du système c’est toujours la chienlit intellectuelle et morale, l’inversion, la drogue, la haine de l’ordre. Le narcissisme arc-en-ciel se complaît dans sa propre image.
Martin Peltier