Mes idées politiques

Mes idées politiques

« Ce livre est double : une très importante préface de moi, écrite en 1937, à la Santé de Paris, et l’Anthologie de P. Chardon qui, il m’en souvient, est bien faite. » 

PRÉFACE
La Politique naturelle

 

I L’inégalité protectrice

Maurras commence par répondre à Rousseau qui avait nié le caractère naturel des sociétés humaines et fondé sa philosophie politique sur le contrat social. La page est célèbre :
Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir. Peu de chose lui manque pour crier : « Je suis libre »… Mais le petit homme ?
Au petit homme, il manque tout…Le petit homme presque inerte, qui périrait s’il affrontait la nature brute, est reçu dans l’enceinte d’une autre nature empressée, clémente et humaine : il ne vit que parce qu’il est le petit citoyen.

Il grandira par la vertu des inégalités nécessaires : ainsi, loin d’être écrite avec le fer comme le chante le poète romantique, la lettre sociale représente un bienfait vital.

II Liberté « plus » Nécessité

Maurras rappelle la complexité de la nature humaine en faisant allusion au Menon de Platon. La croissance achevée, voici la seconde naissance. Du petit homme sort l’adulte…son moi est en mesure de rendre à d’autres moi tout ou partie, ou le plus ou le moins, de ce qui lui fut adjugé sans aucune enchère.

Il faut s’associer pour vivre. Pour bien vivre, il faut contracter…. L’Association contractuelle a été précédée et fondée – et peut donc être soutenue – par tout ce qui a part à « la constitution essentielle de l’humanité » : il faut lui souhaiter de poser avec force sur les conglomérats préexistants, mi-naturels, mi-volontaires, que lui offre l’héritage gratuit de millénaires d’histoire heureuse – foyers, villes, provinces, corporations, nations, religion…
Le moyen-âge a vécu du contrat d’association étendu à l’édifice entier de la vie… Depuis, l’on s’efforce de faire croire à l’homme qu’il n’est vraiment tributaire ou bénéficier que d’engagements personnels : ainsi prétend-il tout régler d’un je veux ou je ne veux pas.

III Hérédité et volonté

A côté de menaces concrètes comme le froid, la faim ou l’ignorance, l’être humain peut être la proie de dérèglements de sa conduite et la Barbarie est prête à détruire les sociétés qui se défendent par les lois civiles et militaires. Tout doit s’accomplir dans l’ordre, ce qu’illustre la parabole du charpentier d’Emerson.
Il n’est pas de bien social qui ne soit récolté dans le champ presque illimité des différences humaines. Mettons-y le niveau, et tout dépérit. On déshonore la Justice et on trahit ses intérêts en imposant son nom à la fumée qui sort de ces ruines.

IV De la volonté politique pure

En partant d’une parabole du grand écrivain américain Edgar Poe, Maurras montre que la démocratie mène les peuples au désastre.

V La question ouvrière et la démocratie sociale

Maurras expose comment la démocratie dresse les uns contre les autres salariés et employeurs. Elle provoque la lutte des classes dont profite la Révolution et empêche de résoudre la question sociale.

VI Où vont les Français ?

Maurras expose les variations de l’opinion publique à son époque. Cette partie n’est plus adaptée littéralement à notre temps mais reste un modèle d’analyse.

Conclusion

La Nature de l’homme
L’auteur revient sur le volontaire et le naturel.
En se trompant et en se laissant tromper, en remplaçant la connaissance par une « foi », démocratique ou libérale, que rien n’autorise et que tout dément, on fait plus que de s’exposer à des épreuves sanguinaires : on se précipite au-devant d’elles ; dans certains cas on aide à les précipiter.
Il faut connaître les vérités de la nature ou il faut périr sous leurs coups.


La conclusion pourrait dépasser la Physique. Elle fait entrevoir que l’Etre brut ne peut pas ne pas renfermer une essence formelle et certaine de Bien.
Les lois de la Physique sociale vont-elles s’opposer à la Morale ?
Distinguer n’est point mettre en conflit ; n’est même point diviser, ni séparer. La Morale est la règle de l’action volontaire. La Politique naturelle a pour objet d’approfondir un ordre impersonnel.

Cette importante préface présente et éclaire les extraits qui viennent ensuite et concernent les grands centres d’intérêt de la politique : L’homme, les Principes, la Civilisation, la science politique, la Démocratie, les Questions sociales, le Nationalisme, la Monarchie qui est le « Nationalisme intégral ».
On démontre la nécessité de la Monarchie comme un théorème. La volonté de conserver notre patrie française une fois posée comme postulat, tout s’enchaîne, tout se déduit d’un mouvement inéluctable. La fantaisie, le choix lui-même n’y ont aucune part ; si vous avez résolu d’être patriote, vous serez obligatoirement royaliste. Mais si vous êtes ainsi conduit à la Monarchie, vous n’êtes pas libre d’obliquer vers le libéralisme, vers le démocratisme ou leurs succédanés. La raison le veut. Il faut la suivre et aller où elle conduit.

Mais attention. Négliger la Préface pourrait induire à penser que les principes politiques de Maurras ne constituent qu’une pratique, alors qu’ils s’inscrivent dans ce qu’on appelle aujourd’hui une anthropologie. C’est pourquoi je conseille, pour compléter Mes Idées politiques, de lire La Dentelle du Rempart, Choix de pages civiques en prose et en vers, préface de Bernard Grasset. Ce livre donne accès aux divers aspects du génie d’un Maître chez qui le Politique ne saurait être dissocié de l’Esthétique et de la quête philosophique.

Après les morceaux choisis, nous essaierons, dans un second temps, d’aborder, au-delà des anthologies, les grandes œuvres de Charles Maurras.

Gérard Bedel

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Vaincre le relativisme

Vaincre le relativisme

DE TOUTES les pathologies dont souffre notre société, le relativisme “philosophique” est certainement l’une des plus dangereuses, son caractère diffus, sa fausse logique empreinte de scientificité et son adéquation trop parfaite avec la notion de tolérance (suprême valeur du monde post-moderne) lui procurant d’inestimables avantages sur les courants philosophiques concurrents.

Si, depuis Montaigne, le relativisme a attiré de nombreux penseurs refusant l’idée selon laquelle une civilisation ou une religion ne peuvent se déclarer supérieures à toutes les autres, il est indéniable que depuis une soixantaine d’années le paradigme relativiste a étendu son empire sur toutes les nations occidentales, abrutissant dramatiquement leurs populations désormais incapables de sauvegarder les bases mêmes et les principes primordiaux de la pensée et de la culture européennes.
Après avoir rejeté radicalement – et honteusement – sa fierté raciale, l’homme blanc est devenu progressivement orphelin de toute transcendance, abandonnant au nom de la tolérance obligatoire sa culture, ses traditions, ses mœurs, ses fidélités, sa Patrie, sa famille, Dieu et la Vérité.
Loin d’avoir permis la sauvegarde de la diversité culturelle, le relativisme a engendré la haine de soi (ou, par voie de conséquence, la xénophilie) et l’essor de l’individualisme radical qui ont laminé à une vitesse extraordinaire des nations millénaires.

Aujourd’hui le relativisme apparaît cependant davantage comme la conséquence d’une déréliction généralisée, comme un discours servant à légitimer les faiblesses d’un peuple, hier glorieux et rayonnant, et aspirant désormais à une totale retraite. 

D’aucuns pensent toutefois que le relativisme peut devenir ce fameux grain de sable qui pourrait enrayer la machine à détruire les peuples et les nations. En intervenant dans les débats organisés par le système sur les thèmes récurrents de la tolérance, de la diversité, du multiculturalisme et du racisme, ces promoteurs opportunistes ont eu l’idée d’examiner le sort du peuple européen à la lumière du dogme relativiste, en le mettant ainsi sur le même plan que la population immigrée.
D’autres, de formation et de convictions carrément culturalistes, anthropologues pour la plupart d’entre eux, essaient de démontrer le sociocentrisme occidental et l’inanité de la culture progressiste, de sa vocation universaliste et humaniste, par le biais de descriptions minutieuses et d’exemples volontairement scandaleux.

Les partisans maximalistes de cette théorie pour qui « tout est d’origine culturel » mais aussi pour qui rien ne peut être considéré comme absurde, barbare ou révoltant, réhabilitent en définitive des pratiques aussi hétéroclites que “scandaleuses” comme l’excision, la lapidation, la mutilation, la peine de mort, mais aussi l’ultranationalisme, le racisme, les guerres ethniques découlant logiquement de l’existence des cultures, non négociables par essence.

C’est assurément ce “genre” de relativisme que Raymond Boudon, considéré comme le maître incontesté de la sociologie dite compréhensive (Boudon est aux libéraux ce que feu Bourdieu est aux gauchistes), attaque sans relâche depuis le début de sa carrière. Il n’est pas question pour Boudon de mettre dans le même sac le bon et le mauvais relativisme. Ce grand libéral, amoureux de Tocqueville, Montesquieu, Simmel, qui n’hésite pas à bricoler et à triturer l’œuvre de Durkheim et de Max Weber afin de légitimer ses propres théories et de les rendre compatibles avec celles élaborées par les classiques, voit dans la tolérance comme dans l’antiracisme les fruits d’un bon relativisme. Selon lui, le mauvais relativisme serait, semble-t-il, celui qui ne considère pas comme irréversibles les “progrès” engendrés par la pensée libérale, qu’ils soient politiques, économiques, philosophiques ou “moraux”. Aussi, s’il n’est pas possible de qualifier la thèse de Boudon de relativiste, c’est en premier lieu parce que l’auteur considère l’histoire comme linéaire, constamment tendue vers le Progrès.

La démocratie, y’ a pas mieux et tout le monde le sait. La division du pouvoir, c’est très bien car ça garantit la liberté et la démocratie ; tout le monde (ou presque) le sait. La peine de mort, c’est barbare et inutile ; elle est ainsi condamnée à disparaître de la surface de notre globe. Le droit d’ingérence serait aussi irréversible car les individus, « spectateurs impartiaux » en puissance, ne supportent désormais plus que « les droits de l’homme soient bafoués à travers le monde … »

Autant d’exemples illustrant selon notre auteur l’ineptie relativiste. Néanmoins Boudon prétend démontrer tout cela grâce à sa théorie de la rationalité axiologique. Nous ne nions pas l’idée selon laquelle les valeurs passeraient dans le sas de la logique et de la raison avant d’être “homologuées” par les hommes, mais Boudon n’utilise pas véritablement ce précieux procédé méthodologique dans ses démonstrations, ou alors de façon exceptionnelle. Au contraire, il inverse à des moments cruciaux de son argumentation la logique inhérente à son rationalisme.
Ainsi, à la page 41 de son ouvrage (1), on apprend avec étonnement que, selon lui, l’individu « ne perçoit pas ses raisons comme subjectives, mais comme transsubjectives », c’est-à-dire qu’il subodore que les autres pensent d’une façon et non d’une autre et qu’il serait prudent d’adopter ces raisons …

Bonnes en apparence – ou démocratiquement et médiatiquement bonnes mais pas nécessairement d’une stricte rationalité.

En fait, nous pouvons dire que Boudon se cache derrière la raison (en prétendant d’ailleurs en être le chantre) pour justifier l’ordre mondial tel qu’il est actuellement.

Le principal défaut de sa pensée est qu’elle ne fait pas la distinction entre la morale (celle du conformisme) et le politique dans lequel il ne voit aucune essence. Aussi ne possède-t-il pas les armes pour appréhender la puissance du politique et son machiavélisme consubstantiel. Ce super-professeur semble n’avoir lu ni Julien Freund, ni Carl Schmitt (qu’il orthographie Schmidt sic !) et croit visiblement que la propagande reste l’apanage des dictatures historiques, en considérant certainement notre belle démocratie comme une blanche colombe sans malignité. Boudon n’est certes pas un relativiste mais un idolâtre du totalitarisme libéral. Ce n’est pas mieux.

(1) R. Boudon, Le relativisme, PUF (Que sais-je ?), 2008, 128 pages, 8,5 €.

François-Xavier ROCHETTE.

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Nos raisons contre la République pour la Monarchie

Nos raisons contre la République pour la Monarchie

L’Action Française publia sous ce titre en 1931 de courts extraits d’œuvres de Maurras exposant les raisons essentielles pour une restauration monarchique. Les parties en italiques sont des citations de Maurras.

Nos raisons contre la République :
La République divise et la Nation rassemble. Maurras nous offre de belles définitions :
La Nation reste le plus vaste des cercles de communauté sociale qui, au temporel, soient solides et complets.
La démocratie est le gouvernement du nombre.
Et, dès lors, il n’y a pas de démocratie, il n’y en a jamais eu ; nulle part, en aucun temps, n’a pu exister le gouvernement de tout le monde par tout le monde
.
Maurras en montre les tares : Le Nombre et l’Opinion, la Course au Pouvoir, le Gouvernement d’une Oligarchie, les faiblesses qui en découlent en politique étrangère, le désordre dans l’organisation du Travail.
Et de conclure que la Démocratie est antinaturelle.
La nature dit que les hommes naissent et croissent en famille, qu’ils sont père, frères, enfants, que les sentiments publics ne peuvent pas être pénétrés par les sentiments domestiques : légiférer dans l’Etat comme s’il n’y avait ni paternité ni hérédité dans la race humaine, c’est espérer que les races se composeront éternellement d’une majorité de Brutus (1).

Nos raisons pour la Monarchie :
Les Rois pères de la Patrie
La fonction royale
La monarchie héréditaire nationalise le pouvoir parce qu’elle l’arrache :
aux compétitions des Partis,
aux manœuvres de l’Or (2),
aux prises de l’Etranger.

La propriété du pouvoir
Il n’y a pas de droit divin particulier à la royauté. Pour quiconque croit en Dieu, tous les droits sont divins. Les droits propres de la royauté sont des droits historiques. Mais, moderne ou antique, toute idée du droit est divine.
Le bienfait de l’hérédité monarchique
L’hérédité souveraine est un bien en soi : sans égard à la personne de l’héritier, cette façon de succéder anéantit la querelle, fonde la paix, maintient uni ce que disperse la compétition ; la plus simple de toutes, elle roule toute seule, comme dit Bossuet, et, suivant l’observation d’Auguste Comte, elle transmet l’autorité comme la propriété. N’étant pas plus injuste que les autres biens de fortune tels que la richesse ou le talent, elle est moins dangereuse que d’autres dons naturels parce que sa nature conservatrice, prévoyante, est imprégnée d’un puissant esprit d’avenir.
La famille-chef
Si la nation est composée de familles, on doit admettre qu’une famille ou des familles la dirigent. Si la naissance fait le caractère le plus important du phénomène national, si tout dépend d’elle d’abord, comment cet élément primordial de la nation serait-il absent de l’Etat.
L’expérience séculaire de la France
L’expérience séculaire de notre patrie contient seule nos grandes lois.
L’expérience ! La politique n’est pas de choisir par illumination de l’esprit telle ou telle mesure, telle ou telle procédure abstraites. Elle consiste à voir, à juger, entre les différentes tentatives réelles et concrètes que l’inlassable effort humain mit en œuvre chez nous, celles qui donnent des résultats, celles qui n’en fournissent aucun et celles qui en donnent de contraires au but désiré.

Le nationalisme intégral
La monarchie héréditaire est en France la constitution naturelle, rationnelle, la seule constitution possible du pouvoir central…
Condition de toute réforme, la Monarchie en est aussi le complément normal et indispensable…

La politique du salut public
La politique, c’est la science du bien des Etats, de l’utilité nationale.
La politique est l’art de faire durer les Etats.
Une politique se juge donc par ses résultats
Selon nous, le principe ou la fin de la science politique se définit toujours par le salut public.

Le Roi conserve et contrôle
Après avoir montré que le contrôle parlementaire est une plaie et que l’absence de contrôle ne vaut pas mieux, Maurras affirme et prouve que
Le Roi est le contrôleur naturel. Il est le seul discret, le seul puissant, le seul durable, le seul efficace. Son intérêt déterminant n’est pas de faire du scandale pour déterminer une crise de cabinet : mais cet intérêt n’est pas non plus d’étouffer, pour les laisser sans châtiment, des prévarications menaçantes pour l’ordre et pour le bien public.
Les limites de la souveraineté.
Les Républiques sous le Roi
La Monarchie française était absolue dès lors qu’elle ne dépendait d’aucune autre autorité, ni impériale, ni parlementaire, ni populaire : elle n’en était pas moins limitée, tempérée par une foule d’institutions sociales et politiques, héréditaires ou corporatives, dont les pouvoirs propres, les privilèges (au sens étymologique : lex privata), l’empêchaient de sortir de son domaine, de sa fonction.
La représentation nationale sous l’Ancien régime
Quand les Français réunissaient leurs assemblées nationales, ils y faisaient représenter l’état des choses et des personnes composant à un moment donné l’être de la France plutôt que les opinions ou les volontés ou les partis ou les factions qui divisaient le pays.
La doctrine sociale de la royauté
Les législations ouvrières les plus hardies et les plus généreuses de l’Europe moderne commencèrent dans des Etats qui ne dépendaient nullement de l’élection : l’Allemagne des Hohenzollern, l’Autriche des Habsbourg.
Politique d’abord !
Rectifions sans trêve l’erreur qu’on fait sur nos doctrines. On croit que la Monarchie est considérée par nous comme le « couronnement » (une espèce de toit ou de dôme !) donné à l’édifice politique français.
La volonté de conserver notre patrie française une fois posée comme postulat, tout s’enchaîne, tout se déduit d’un mouvement inéluctable. La fantaisie, le choix lui-même n’y ont plus de part : si vous avez résolu d’être patriote, vous serez obligatoirement royaliste.

Ce plan succinct et les quelques citations qui l’accompagnent préparent à la lecture de 150 pages claires et précises, première approche de la doctrine d’AF.
Mes Idées politiques seront déjà plus complexes.

1- Modèle des vertus civiques dans la l’histoire romaine
2- On dirait aujourd’hui l’Argent ou la Finance

Gérard Bedel

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Transhumanisme : changer la nature de l’Homme par Jean-Pierre Dickès

Transhumanisme : changer la nature de l’Homme par Jean-Pierre Dickès

Lecture

Dépassant la nature humaine ils prétendent mener l’Homme à l’immortalité.

Le Dr Jean-Pierre Dickès réfléchit depuis plus de 20 ans aux questions relatives au transhumanisme. Il inaugure aujourd’hui le premier d’une série d’articles consacrés à cette thématique. La destruction des nations passe par la dé-civilisation et par la volonté de changer l’Homme.

 

Episode 1
Transhumanisme : changer la nature de l’Homme

Le transhumanisme paraissait il y a une quinzaine d’années comme une forme d’exaltation de la science dopée par l’émergence des progrès en micro-informatique. Il semblait ouvrir une porte sur un univers nouveau et fabuleux assez bien concrétisé par les smartphones qui permettaient de rester en contact avec sa famille, ses amis de l’autre bout du monde, et faire face à toutes les demandes et situations; il se disait aussi que chacun pouvait avoir accès immédiatement à une connaissance universelle: on trouvait tout sur Google en matière d’information et de besoins commerciaux. Un saut qualitatif s’était produit sur le plan mondial.
Peu de gens se souciaient des conséquences qu’un tel progrès pouvait avoir sur l’Homme lui-même. La science s’emballait; mais dans quel sens ?
Pourtant la réponse était sous notre nez dans le mot lui-même. Quand nous parlons de transport, nous désignons le changement de port, de destination. Le transgenre est celui qui change de sexe. Le transhumanisme vise tout simplement à nous changer d’humanité: il s’agit bien de créer un homme nouveau dont les contours restent encore flous.
Il y a douze ans, j’écrivais avec ma fille un ouvrage intitulé L’Homme Artificiel. La couverture représentait un couloir impersonnel. Au premier plan entre deux plaques de béton émergeait une fleur. Au fond du couloir une forme menaçante pouvant être un humain, un robot, ou plus vraisemblablement un hybride mélange d’organisme humain et de machine. Son ombre se dirigeait vers la fleur.
Dans quel but ? Il y avait là une sorte de défi. La fleur représentait la nature, l’ordre naturel. L’être inquiétant qui s’approchait semblait vouloir la détruire: il ne resterait plus alors qu’un univers morne, sans âme et sans espoir. Le peintre ami qui avait réalisé cette œuvre picturale il y a 20 ans avait été un visionnaire.
Le symbole est très fort. L’Homme mécanisé allait détruire l’œuvre de Dieu en transformant les créatures et en créant un monde nouveau. Cette créature pouvait tout-à-fait être un homme-robot, une sorte de cyborg ; mais aussi un robot dans lequel une intelligence humaine serait introduite. Homme-robot ou robot-Homme ? Le cinéma dans Metropolis de Fritz Lang (1927) est la première œuvre de science-fiction. De même le modèle type de Frankenstein avec Boris Karloff est de 1935: le roman de Mary Shelley dont il est issu est de 1818. Le titre exact en est Frankenstein ou le Prométhée moderne. Le Professeur Henry Frankenstein est un savant qui se prend pour Dieu et veut créer un homme. Prométhée est un démiurge qui en volant le feu des Dieux, atteindra leur puissance.
Nous sommes exactement dans cette perspective avec le transhumanisme. C’est le God syndrome: des scientifiques se prennent pour Dieu en voulant changer la nature humaine. Nous sommes alors sur le plan de l’idéologie qui fait fi des réalités liées à la nature. Nous connaissons les ravages causés par les idéologies. La révolution dite française, le marxisme, le nazisme, le système de Pol Pot sont des idéologies destructrices des sociétés: elles se terminent dans le sang et dans l’horreur. Toutes prétendaient créer un homme nouveau. Or le transhumanisme né dans la Silicone Valley se veut messianique. Dépassant la nature humaine il prétend mener l’Homme à l’immortalité.
Le mot de « transhumanisme » aurait été inventé par l’occultiste Julian Huxley, frère d’Aldous Huxley, auteur du fameux ouvrage Le meilleur des Mondes. Le courant intellectuel se revendiquant de cette idéologie, a pris corps en récupérant ce mot vers 1980. Le transhumanisme s’est développé dans la Silicone Valley. Et beaucoup de chercheurs s’y réfèrent. Le plus représentatif d’entre eux est sans doute Raymond Kurzweil qui dirige actuellement le comité scientifique de Google. Cette entreprise est le holding le plus grand et le plus puissant au monde ; il a racheté la quasi-totalité des entreprises de robotique et une partie importante de la micro-informatique. Tout cela va être rassemblé sous le vocable bien anodin de Alphabet.
Mais dans l’idée de ses promoteurs, il en est bien différemment. Le verbe anglais to bet signifie parier. Google nous fait le pari qu’il sera l’alpha, le début d’une nouvelle humanité qui émergera vers 2029…(à suivre).

Jean-Pierre Dickès

couverture_transhumanisme
Broché: 304 pages
Editeur : Editions de Paris (1 avril 2006)

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La condamnation de l’Action Française par Philippe Prévost

La condamnation de l’Action Française par Philippe Prévost

Lecture

par Philippe Prévost

 

La condamnation de l’Action Française est tout à la fois une chose simple et une énigme.
Une chose simple car les faits sont connus. L’affaire éclata le 25 août 1926 avec la parution dans l’Aquitaine, semaine religieuse du diocèse de Bordeaux, d’un article dans lequel le cardinal Andrieu répondait, soit disant, à un groupe de jeunes catholiques qui l’interrogeait au sujet de l’Action Française.
 Si ce mouvement ne s’était occupé que de politique, il n’y aurait aucun problème mais il abordait aussi, sans aucun mandat, les questions religieuses. Ses partisans niaient l’existence de Dieu, la divinité du Christ et par voie de conséquence l’existence de toute morale ce qui les conduisait à diviser l’humanité en deux : il y avait d’un côté les imbéciles dégénérés, et de l’autre, les hommes instruits ce qui les amenait à vouloir rétablir l’esclavage
Très vite, l’Action Française s’aperçut que l’article de l’archevêque de Bordeaux n’était qu’un résumé d’une brochure d’un avocat-journaliste belge à cette différence près que ce que ce pamphlétaire avait reproché à Maurras seul, en raison de son agnosticisme, le cardinal Andrieu l’étendit à tous les adhérents et à tous les sympathisants du mouvement monarchiste. Au grotesque, on alliait le ridicule. Il n’empêche que ce scandaleux pensum fut loué et approuvé publiquement par le pape le 5 septembre suivant.
L’affaire commençait. Pendant trois mois, il ne se passa pas grand-chose car Pie XI était persuadé que les catholiques quitteraient massivement le mouvement comme ils avaient obéi à Pie X en 1906, lors de l’affaire des « cultuelles » mais tel ne fut pas le cas. Profitant alors de la parution, le 21 décembre 1926 dans l’Action Française, du fameux article Non possumus, le pape mit, le 29 décembre suivant, le journal à l’Index avec cinq livres de Maurras, prélude à des sanctions inouïes, prises non seulement contre les adhérents et les responsables du mouvement mais aussi contre les simples lecteurs du journal condamné.
Venons-en à l’énigme, au moins à l’énigme essentielle : quatre mois après la mort de Pie XI et deux mois et demi avant la deuxième guerre mondiale, intervenait la levée de cette condamnation.
Rappelons que celle-ci avait toujours été présentée comme « purement religieuse », par conséquent et compte tenu des graves accusations portées par le cardinal Andrieu, accusation avalisée par Pie XI, sur lesquelles il n’était jamais revenu, on se serait attendu, en toute logique, à ce que l’on exige des condamnés une rétractation publique en bonne et due forme de leurs abominables erreurs. Or là, rien de tel, le Saint-Siège s’est contenté d’une lettre d’excuses anodines et de vagues engagements pour l’avenir qui n’engageaient pas les rédacteurs du journal à grand-chose, preuve s’il en était besoin, que la religion n’avait été qu’un prétexte pour couvrir une opération quelque peu différente. Laquelle ?
Il serait difficile d’y répondre avec certitude si les auteurs de ce mauvais procès ne s’étaient trahis eux-mêmes par des confidences.
A certains de ses visiteurs, Pie XI expliqua qu’il avait voulu terminer le ralliement commencé par Léon XIII ; à d’autres, il fit dire par ses nonces en France et par son secrétaire d’Etat, le cardinal Gasparri, combien il appréciait et donc il soutenait la politique de réconciliation franco-allemande mise en œuvre par Briand. Deux choses que l’Action Française combattait ardemment.
A cet égard, il est curieux de constater que la reprise du dialogue entre l’Action Française et le Vatican a commencé après l’assassinat du chancelier Dollfuss en juillet 1934, assassinat qui ouvrit, enfin, les yeux de Pie XI sur les dangers du nazisme et du pangermanisme. Les principales étapes de cette reprise furent marquées par le voyage de Pierre Laval à Rome en janvier 1935, par celui d’Henri Massis en mai 1935 et surtout par le pèlerinage thérésien auquel de joignit R. de Boisfleury en avril 1937, qui prépara indirectement la levée de la condamnation.
Reste à examiner les conséquences de cette crise brève mais violente. Venant après l’hémorragie des cadres et des militants causée par la première guerre mondiale, la condamnation a considérablement affaibli le mouvement sur le moment même et surtout dans l’avenir, en le privant d’une bonne partie de son recrutement dans la jeunesse catholique, désormais orientée à gauche dans les groupements d’action catholique.

Entretien de Philippe Prévost avec l’ Action Française

La condamnation prépara aussi la défaite de la France en 1940 en la désarmant moralement car, de tous les nationalismes dont certains étaient beaucoup plus virulents que le nôtre, seul le nationalisme français fut poursuivi et condamné sans pitié. L’encyclique mit brennender sorge publiée en 1937 ne visait pas tant le nationalisme allemand que l’idéologie nazie. Elle n’eut qu’une faible influence outre-rhin.
Enfin, comme l’a dit l’abbé De Nantes lorsque Pie XI meurt en 1939, l’Eglise avait changé d’âme et personne ne s’en était aperçu. Les modernistes, les sillonnistes (de Marc Sangnier), les démocrates-chrétiens s’étaient emparés dans l’Eglise de tous les postes de commande tandis que les théologiens préparaient l’avenir, un avenir qui se révéla lors du concile Vatican II.
A Talleyrand qui disait, qu’ « au fond de nos discussions politiques, il y a toujours de la théologie », la condamnation de l’Action Française prouve qu’  « au fond de nos discussions théologiques se cache souvent de la politique », comme ce livre essaye de le démontrer.

Philippe Prévost

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