Voici un enseignement de Maurras capital et d’actualité à l’heure où un nouveau pontificat affronte les questions que pose à l’Église la crise actuelle des intelligences. Dès le début du XXᵉ siècle, Charles Maurras, pourtant « catholique du porche », mais dont l’âme restait déchirée de ne pas encore comprendre que le catholicisme est le vrai, savait en tout cas qu’il était le bien pour sa patrie comme pour toute la civilisation. Aussi s’étonnait-il, et plus encore souffrait-il, de voir la démocratie – ce principe de rébellion contre tout ordre naturel et surnaturel – professée par des intellectuels catholiques allant jusqu’à voir en elle l’avenir du christianisme et à exalter les droits de la conscience individuelle. Cette démocratie religieuse lui apparut tout de suite comme la transcription politique d’une erreur religieuse.
S’abstenant d’empiéter dans le domaine religieux, il résolut de dénoncer ce péché de l’intelligence dont les conséquences pour la cité politique pouvaient être désastreuses. D’où les trois livres écrits entre 1906 et 1913 et qu’il devait rassembler en 1921 sous le titre La Démocratie religieuse. Le premier, Le dilemme de Marc Sangnier (1906), le deuxième, La politique religieuse (1912), et le troisième L’Action française et la religion catholique (1913), montrent que le devoir des Français conscients de leur formation est de défendre l’Église contre la République, car celle-ci ne peut que répandre les idées et les comportements les plus hostiles au catholicisme traditionnel. Plus d’un siècle plus tard, nous mesurons la justesse des prévisions de Maurras : un moment contenu grâce à saint Pie X, le venin s’est infiltré dans l’Église à la faveur de la « condamnation » de l’Action française en 1926, puis des débats suscités dans les années 1960 autour du concile Vatican II.
L’ÉGLISE DE L’ORDRE
Nous nous en tiendrons ici à l’introduction du premier livre, car, magnifique hommage « À l’Église romaine, à l’Église de l’Ordre », elle reflète toute l’admiration de Maurras pour l’Église, non seulement parce que celle-ci est utile à l’ordre dans la cité, mais, surtout, parce qu’étant l’Ordre même, elle est la force qui ordonne, qui oblige à une discipline des puissances de la raison et du cœur et qui apporte à l’intelligence des certitudes.
Citons : « Tout ce que pense l’homme reçoit, du jugement et du sentiment de l’Église, place proportionnelle au degré d’importance, d’utilité ou de bonté […] Rien au monde n’est comparable à ce corps de principes si généraux, de coutumes si souples, soumis à la même pensée, et tel enfin que ceux qui consentirent à l’admettre n’ont jamais pu se plaindre sérieusement d’avoir erré par ignorance et faute de savoir au juste ce qu’ils devaient. La conscience humaine, dont le plus grand malheur est peut-être l’incertitude, salue ici le temple des définitions du devoir. »
De tels bienfaits ont à jamais marqué un peuple. « Quiconque se prévaut de l’origine catholique en a gardé un corps ondoyé et trempé d’habitudes profondes qui sont symbolisées par l’action de l’encens, du sel ou du chrême sacrés mais qui déterminent des influences et des modifications radicales. De là est née cette sensibilité catholique, la plus étendue et la plus vibrante du monde moderne, parce qu’elle provient de l’idée d’un ordre imposé à tout. »
Un exemple : la prédication de l’amour. Aux antipodes de la « fraternité » révolutionnaire, l’Église a « préservé la philanthropie de ses propres vertiges et défendu l’amour contre la logique de son excès. » D’où ces « nobles freins » qui n’altèrent pas le sentiment, mais font que, de ce que « Dieu est Amour », l’on ne puisse pas déduire que « tout amour est Dieu » !
Il en est de même de l’individualisme : « En rappelant le membre à la notion du corps, la partie à l’idée et à l’observance du tout, les avis de l’Église éloignèrent l’individu de l’autel qu’un fol amour-propre lui proposait tout bas de s’édifier à lui-même […] La meilleure amie de chaque homme, la bienfaitrice commune du genre humain sans cesse inclinée sur les âmes pour les cultiver, les polir et les perfectionner, pouvait leur interdire de se choisir pour centre. » On est bien loin des Droits de l’Homme !
Quant aux droits des humbles, la charité et le réalisme catholiques ne les érigent pas en révolte. Leur sort est lié à celui des grands. « S’il y a des puissants féroces, [l’Église] les adoucit pour que le bien de la puissance qui est en eux donne tous ses fruits ; s’ils sont bons, elle fortifie leur autorité en l’utilisant pour ses vues, loin d’en relâcher la précieuse consistance. » C’est ainsi qu’elle a civilisé les Francs…
JE SUIS ROMAIN
Tant de qualités que l’Église tient de la sagesse avec laquelle elle a intégré les leçons de Rome. Et c’est alors la page sublime où Maurras dit son amour pour la Rome des consuls, des bâtisseurs, des empereurs et des papes : « Je suis Romain dès que j’abonde en mon être historique, intellectuel et moral. Je suis Romain parce que si je ne l’étais pas je n’aurais plus rien de français […] Je suis Romain par tout le positif de mon être […] Par ce trésor dont elle a reçu d’Athènes et transmis le dépôt à notre Paris, Rome signifie sans conteste la civilisation et l’humanité. Je suis Romain, je suis humain : deux propositions identiques. »
Bien sûr, toute immixtion de la démocratie dans ce corps si achevé de doctrine et de pratiques ne peut que l’altérer et en diminuer les possibilités de bienfaisance. Quand le croyant n’est pas catholique ou cesse de l’être pleinement, il « dissimule dans les replis inaccessibles du for intérieur un monde obscur et vague de pensées ou de volontés que la moindre ébullition, morale ou immorale, peut lui présenter aisément comme la voix, l’inspiration et l’opération de Dieu même. » Chacun peut alors se prétendre en ligne directe avec Dieu, avant de se mettre tout simplement à Sa place. Alors la société s’émiette, car « il faut définir les lois de la conscience pour poser la question des rapports de l’homme et de la société. » Là est bien le drame de la France quand l’épiscopat adopte un profil bas face à la République, mère porteuse du désastre que nous subissons.
Il s’agit de savoir si nous sommes chez nous en France ou si nous n’y sommes plus ; si notre sol nous appartient ou si nous allons perdre avec lui notre fer, notre houille et notre pain ; si, avec les champs et la mer, les canaux et les fleuves, nous allons aliéner les habitations de nos pères, depuis le monument où se glorifie la Cité jusqu’aux humbles maisons de nos particuliers.
Devant un cas de cette taille, il est ridicule de demander si la France renoncera aux traditions hospitalières d’un grand peuple civilisé. Avant d’hospitaliser, il faut être. Avant de rendre qhommage aux supériorités littéraires ou scientifiques étrangères, il faut avoir gardé la qualité de nation française. Or il est parfaitement clair que nous n’existerons bientôt plus si nous continuons d’aller de ce train. (…)
Ce pays-ci n’est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord d’un chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines. La génération qui se sacrifiera pour le préserver des barbares et de la barbarie aura vécu une bonne vie.
(…) La jeune France d’aujourd’hui est en réaction complète et profonde contre ce double mal. Elle rentre chez elle. Ses pénates intellectuels, ses pénates matériels seront reconquis. Il faut que l’ouvrier français, le savant, l’écrivain français soient privilégiés en France. Il faut que les importations intellectuelles et morales soient mises à leur rang et à leur mérite, non au-dessus de leur mérite et de leur rang. L’étiquette étrangère recommande un produit à la confiance publique : c’est à la défiance du pays que doit correspondre au contraire la vue de tout pavillon non français. Qu’une bonne marque étrangère triomphe par la suite de cette défiance, nous y consentons volontiers, n’ayant aucun intérêt à nous diminuer par l’ignorance ou le refus des avantages de dehors, mais l’intérêt primordial est de développer nos produits en soutenant nos producteurs. Le temps de la badauderie à la gauloise est fini. Nous redevenons des Français conscients d’une histoire incomparable, d’un territoire sans rival, d’un génie littéraire et scientifique dont les merveilles se confondent avec celles du genre humain.
Charles Maurras. L’Action française, 6 juillet 1912.
C’est l’hérédité collective d’une aristocratie recueillant la succession du Sénat de Rome qui donna la durée et la force à l’Empire romain. Des trois races de nos Rois, celle qui fit la France fut précisément celle qui évolua dans les meilleures conditions d’hérédité monarchique, lesquelles ont permis la régulière transmission, la continuité rigoureuse de leurs desseins.
La valeur de tout effort personnel est dominée par l’immense principe historique en vertu duquel les vivants sont « de plus en plus, et nécessairement, gouvernés par les morts », et chaque vivant par ses morts particuliers. Cette nécessité bienfaisante est la source de la civilisation. Mais il y a longtemps que la démocratie s’est insurgée contre cette condition d’un ordre civilisé ; elle a choisi la barbarie, elle veut se recommencer tout entière à chaque individu qui vient au monde, sauvage et nu. C’est à l’humanité des cavernes que la démocratie veut nous ramener.
Charles Maurras, Sans la muraille des cyprès (J. Gibert, 1941)
Le Sénat romain n’était pas élu, ses membres étaient, en quelque sorte, cooptés parmi les magistrats issus des grandes familles aristocratiques, et du sang neuf, les « hommes nouveaux », s’y introduisait au compte-goutte. Un ambassadeur reçu par le Sénat dit qu’il avait cru être introduit devant une assemblée de rois !
L’Empire romain semble, à première vue, ne pas avoir connu l’hérédité. Il l’a connue, en réalité, mais de manière cachée : la plupart des empereurs n’ont pu avoir de successeurs directs parce qu’ils n’eurent pas de fils ou que ces derniers moururent en bas âge ; mais une étude généalogique prouve que, dans l’ensemble, l’empire fut transmis par les femmes. Si les féministes apprenaient cela, le latin reviendrait à la mode !
Carolingiens, Mérovingiens, Capétiens, des trois races de nos Rois la dernière connut une hérédité heureuse qui fit la France. Après cette constatation, Maurras cite Auguste Comte qui n’a cessé de répéter : « les morts gouvernent les vivants ». Culte des ancêtres, coutumes des ancêtres, mos majorum, tous les peuples civilisés, et même la plupart des autres, ont vécu sur ces principes, et plus l’aventure humaine avance, plus, « nécessairement » l’expérience du passé a enrichi la civilisation.
Mais Rousseau vint. Alors que toutes les sociétés, des primitives aux plus élaborées, avaient postulé que la civilisation était un capital transmis et augmenté, le citoyen de Genève piétina la plus belle réalisation du génie humain, la France d’Ancien Régime, et les privilégiés s’enthousiasmèrent pour ce faune, comme les bourgeois d’aujourd’hui, gavés et repus, accompagnent leur digestion d’un militantisme en faveur de la faim dans le monde. Rousseau chantait déjà la chanson impie : « du passé faisons table rase. »
La démocratie a choisi la barbarie. Rousseau ne disait-il-pas dans son Discours sur l’inégalité que l’homme qui médite est un animal dépravé ? Oui, la démocratie est une barbarie : le citoyen électeur ne cesse de dire, ouvertement ou in petto « moi, je pense que… », sans expérience ni compétence. Dès la prime jeunesse, le malheureux enfant de démocrate, futur électeur et futur fossoyeur de la civilisation, apprend à l’école rousseauiste à étaler, à exhiber, son petit moi barbare et inorganique : son barbouillage de gouache ou d’aquarellepassera pour une œuvre digne de Michel-Ange, et les premiers mots qu’il jettera sur un papier relègueront Homère au musée des vieilleries. Ne connaissons-nous pas, quand nous visitons certains musées subventionnés, « l’humanité des cavernes » ?
Né de parents inconnus et mort célibataire, l’homme dénoncé par Renan restait encore un malheureux instruit. L’école moderne a fait de son successeur un sauvage. Saluons une fois de plus la qualité d’analyse d’un Maurras. Il est tellement intelligent, son esprit de déduction est tellement puissant qu’il nous semble un prophète.
Rangés derrière son autorité, formons-nous à sa méthode.
Sauville, M. Illustrateur. La Gueuse. Impression photomécanique en couleurs. 1903. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
« La seconde des idées révolutionnaires, le principe d’Égalité, constitutif du régime démocratique, livra le pouvoir au plus grand nombre, aux éléments inférieurs de la nation, producteurs moins énergiques et plus voraces consommateurs, qui font le moins et mangent le plus. Découragé, s’il est entreprenant, par les tracasseries de l’Administration, représentante légale du plus grand nombre, mais, s’il est faible ou routinier, encouragé par les faveurs dont la même administration fait bénéficier sa paresse, notre Français se résigna à devenir un parasite des bureaux, de sorte que se ralentit et faillit s’éteindre une activité nationale où les individus ne sont pas aidés à devenir des personnes et les personnes étant plutôt rétrogradées jusqu’à la condition des individus en troupeaux. »
(Charles Maurras, Romantisme et Révolution, Préface L’origine commune)
Contradiction apparente
Nous abordons le deuxième volet du désordre social, en contradiction apparente avec le premier. En effet, à première vue, liberté absolue et égalité sont des termes antinomiques. La liberté sans bornes offre aux membres de la société la loi de la jungle où le fort écrase le faible. Sous la Révolution, la loi Le Chapelier, mère du problème ouvrier en fut un exemple illustre. La destruction des corporations au nom de la Liberté livra l’ouvrier à l’arbitraire patronal.
Mais, contraires selon les règles de la logique classique, les deux éléments de la doctrine républicaine, le libéralisme et l’égalitarisme, sont complémentaires dans la mystique démocratique en cela qu’ils ressortent tous deux du même principe erroné ; l’autonomie de l’individu.
Il existe certes une égalité spécifique entre tous les hommes, mais cette égalité par essence n’empêche pas l’inégalité individuelle des conditions, l’inégalité accidentelle qui fonde les droits relatifs des membres d’une société saine et raisonnable.
Les conséquences de l’Egalité
Le pouvoir, en République, va donc être en apparence livré à la masse, et, reprenant les analyses que saint Thomas a tirées d’Aristote et de Cicéron, Maurras évoque la foule de ceux qui coûtent au corps social plus qu’ils ne lui rapportent, le grand nombre de ceux qui, poussés par les démagogues, voteront les dépenses que le petit nombre règlera. La foule gaspillera, les créateurs de richesses s’épuiseront, et la société sombrera dans l’appauvrissement.
La liberté sans frein ayant engendré l’administration, car il faut bien que l’élu tienne son électeur, cette dernière va se mettre naturellement au service de l’égalité socialisante. Le Français actif et indépendant connaîtra d’abord les freins et les brimades des bureaux mis au service de l’envie égalitaire, et bientôt le citoyen qui pouvait contribuer à la prospérité générale, qui était une personne, c’est-à-dire un être conscient et responsable, conscient de ses droits, de ses devoirs et de ses possibilités, se dégradera en simple individu, consommateur assisté de l’Etat-Providence.
En prétendant concilier des principes frères, dangereux séparément, mortels quand ils sont associés, la démocratie désagrège la société et ravale les personnes au rang d’individus soumis.
« Les libertés, cette énonciation est un non-sens. La Liberté est. Elle a cela de commun avec Dieu, qu’elle exclut le pluriel. Elle aussi dit : sum qui sum. » le lecteur aura reconnu les accents inimitables de Victor Hugo quand il se prend pour un penseur. Leconte de Lisle a dit qu’il était bête comme l’Himalaya. C’est pourtant à l’ombre de l’inégalité reconnue, protectrice, que peuvent fleurir les libertés qui assurent l’épanouissement de la personne, sa réalisation pour le Bien commun.
Les privilégiés qui disposent du Dictionnaire politique et critique de Charles Maurras pourront y relire les pages émouvantes et pertinentes consacrées dans le tome deuxième à la sainte de la Patrie :
– Jeanne d’Arc et les Républicains (Action Française du 5 juin 1913, Pp.347-349).
– Sainte Jeanne d’Arc (Action Française du 7 avril 1919, pp. 349-351 )
– La figure de la Patrie (Action Française du 8 mai 1927, pp. 35 1-354)
– Autres leçons de Jeanne d’Arc (Action Française du 13 mai 1928, pp. 354-355 ). Nous en donnons ici un bref extrait.
« Un autre trait doit être observé par toute la vie tragique de Jeanne d’Arc. Trait non de classe, mais de race historique, particulier à tout ce qui s’inspire un peu largement des traditions orales ou écrites de la France : c’est la florissante vigueur, la jeune hardiesse, la souplesse de sa raison. Les amateurs de poésie pure croient que la raison sèche l’âme ou opprime le cœur. Mais ont-ils apporté une once de critique à la lecture de l’interrogatoire de Jeanne ? Face aux arguties captieuses, une logique ailée s’allie au jugement le plus délicat. Il est de Jeanne d’Arc, le grand mot par lequel est jugée éternellement la méthode de diffamation assassine et qu’elle a dû jeter à quelque valet de greffier qui lui reprochait de n’avoir servi ni l’Eglise ni la Patrie : – Ah! Vous écrivez bien ce qui est contre moi, mais vous ne voulez pas écrire ce qui est pour moi! «
« Ainsi la reine vierge des bons guerriers d’Action française pourrait aussi servir de protectrice et d’intercesseur à ceux de leurs amis qui ont été conduits à faire un usage public des puissances de la persuasion et de la raison. Elle en prêche l’exemple, et elle en donne les leçons, qu’il s’agisse de distinguer ou de réfuter, de conclure ou de rectifier. Ce jeune chef de guerre dont les inventions stratégiques sur le champ de bataille frappent les hommes de métier d’une stupeur pleine d’admiration, la voilà sans arme et sans compagnon dans la geôle, dans le prétoire. Réduite à elle seule, sans avocat ni conseiller, elle invente cette défense qui répand des nappes de lumières égales, traversées de soudaines brusqueries comparables aux divines fulgurations. L’amalgame inouï du sublime avec le bon sens !
« C’est contre cette enfant unique de la France, contre cet abrégé de tout ce que la chrétienté médiévale a produit et peut-être a rêvé de plus pur, que l’envahisseur étranger avait suscité toutes les autorités qu’il avait pu réunir, suborner, soudoyer. Je lis dans un discours, prononcé à la Cathédrale d’Orléans, par un évêque français, ce jugement terrible porté sur les juges ecclésiastiques par qui le bûcher de Jeanne fut allumé : Quels juges! Des hommes, a-t-on dit, dont la science théologique n’était qu’un moyen de faire leur carrière ; un Pierre Cauchon, devenu évêque et qui aspire au siège archiépiscopal de Rouen ; un Jean Beaupère, qui, lui, bien que manchot de la main droite, a su de la gauche faire râfle de riches prébendes ; un Nicolas Midy qui cumulait « tout, les titres et les bénéfices, les violences et les hontes » ; et d’autres personnages qui, quelques mois plus tard, au Concile de Bâle, feront figure de schismatiques.
« C’est devant un pareil tribunal que Jeanne subira d’interminables interrogatoires où par l’imprévu, la multiplicité et l’incohérence voulue des questions, on essaiera de la troubler et de la déconcerter. Quel drame! D’un mot, d’un geste, quand il semble qu’elle est perdue, elle écarte les subtilités dont on cherche à l’embarrasser, repousse les accusations mensongères, démasque les perfidies cachées et s’élève dans une atmosphère de pureté et de vérité ».
« Elle s’élève, c’est cela! Au-dessus des douleurs de la sentence. Au-dessus de la honte du tribunal. Dans cette vérité qu’elle sert et qui la défend. Une vérité qui la garde intacte, comme un cristal, comme un diamant, comme les pures flammes arrondies en bouquet autour de la martyre, au-dessus de la corruption et que rien ne saurait corrompre. Ce qui est, est. Ce qui a été, a été. Il n’y a rien de plus inviolable que les mérites et l’honneur d’un noble passé. Heureux qui appuie là-dessus les forces, les espoirs, les desseins du noble avenir ! »
N. B. Charles Maurras est encore l’auteur d’un petit livre introuvable Méditation sur la politique de Jeanne d’Arc, illustré par Maxime Real de Sarte.
Cet extrait de la Méditation sur la politique de Jeanne d’Arc , écrit par Charles Maurras en 1929 semble avoir été écrit pour notre temps. Maurras y développe la nécessité du « Politique d’abord », mis en pratique par la sainte de la Patrie. Si les remparts de Syracuse tombent, Archimède est égorgé… Le texte de Maurras porte la dédicace suivante : « À l’association des jeunes filles royalistes devant laquelle furent pensées tout haut quelques-unes des ces incomplètes méditations, au nom de l’Action française reconnaissante, hommage très respectueux de l’auteur. »
« Rien ne se fait dans la cité des hommes sans une règle d’ordre étendue à toutes les fonctions. Il en est de plus hautes que cette fonction de police, mais elle est la première, elle l’emporte, dans la suite du temps, même sur le religieux, le moral et le militaire, politique d’abord.
Dans un pays sujet au déchirement des partis, si surtout ce pays est envahi et démembré par les ennemis du dehors, il n’y a rien de plus nécessaire que la monarchie, c’est presque un pléonasme : le gouvernement de l’Un met fin aux divisions et aux compétitions. C’est par lui qu’il faut commencer : Roi d’abord.
Les puissances morales et religieuses, au premier rang de toutes, la religion catholique, représentent un bienfait de première valeur, et l’un des devoirs capitaux de la Monarchie est de les servir. Mais l’organisation religieuse ne suffit pas à tout : sainte Jeanne d’Arc elle-même constitue ou plutôt reconnaît le Roi de la terre de France régnant au nom du Roi du Ciel.
Enfin, si les lois civiles sont saintes, si la consultation des sujets, la représentation méthodique des intéressés sont des choses utiles, si l’opinion est bonne à interroger pour savoir et entendre la vérité, tout cela, si précieux soit-il, reste néanmoins secondaire ; le devoir de l’autorité est d’abord de conduire : une décision prompte fait, les trois quarts du temps, ce qu’il y a de plus propre à entraîner et à réconcilier tous les cœurs ; à l’exemple de Jeanne d’Arc, l’Action française a toujours demandé un roi qui règne et qui gouverne dans le droit fil des traditions et des intérêts du pays.
Les hauteurs du noble sujet qui n’a été abordé ici qu’en tremblant nous accuseront-elles d’une sorte d’irrévérence pour en détacher et en isoler ainsi le détail ? On s’en console en se disant que l’analyse ne sera pas inutile si elle contribue, en quelque mesure, à montrer comment, à cinq siècles de distance, les mêmes sentiments, les mêmes méthodes, les mêmes doctrines peuvent avoir la même part à l’action fructueuse pour le salut de la même patrie. De fortes et durables valeurs morales, supérieures aux personnes mortelles, font les nations. Les grands peuples vivent par l’immortel. On observe qu’ils durent par leurs dynasties. Mais ils ont les dynasties qu’ils ont méritées. Le solide honneur de la France est de se prévaloir de la plus belle des races de rois. À son lit de mort, face à l’éternité, dans une agonie imprégnée du sentiment religieux le plus sincère, et le plus profond, comme il faisait son examen de conscience tout haut devant sa cour, Louis XIV dit gravement :
— Je m’en vais, mais l’État demeure toujours. Continuez à le servir, Messieurs.
Telles sont les paroles de l’espérance terrestre. Est-elle impie ? Il ne me semble pas qu’il puisse être interdit de saluer en Jeanne d’Arc sa fidélité à ce qu’il y a de plus solide et de plus vivace, l’État, le Roi, dans la structure de son ouvrage, Notre Patrie ».
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