Mélenchon a tort mais il a raison

Mélenchon a tort mais il a raison

Jean-Luc Mélenchon est l’un des politiciens les plus arrivistes de la Cinquième République. Obscur rédacteur d’un journal local du Parti socialiste, il a grimpé tous les échelons de l’apparatchik modèle, non sans passer par le rocardisme, avant de se découvrir, une fois sénateur et propriétaire, des envies de tribun du peuple. Encore lui fallait-il trouver un peuple, puisque le peuple français avait depuis longtemps quitté une gauche qui, non contente de le tromper, l’avait abandonné. C’est alors qu’il se fit l’apôtre et le chantre de la nouvelle France, le petit Brésil créole à domicile. Tel est le premier des deux points sur lesquels il a raison, contre tout le camp républicain : sauf remigration massive, la France, telle que l’ont faite l’Histoire et la géographie, ses quarante rois, ses milliers d’évêques, ses peuples cousins soudés par la langue et la religion, son art de vivre, ses arts, ses armes, ses lois, n’existera bientôt plus ; elle a une durée de survie de moins d’un demi-siècle.

Sur tout le reste il a tort, gravement tort, complètement tort, tort en principe et en fait, tort jusqu’au trognon. Ses vues en politique étrangère sont sommaires quand elles ont quelque chose de juste ; elles sont plus souvent fausses et désastreuses. Sa façon de voir la société et l’économie est à la fois irréelle et démagogique ; ses propos et propositions sont dangereux. Même sa façon de diriger son parti est, à en croire ceux qui l’ont approché, catastrophique. Sans doute a-t-il acquis, à force, une certaine facilité d’orateur qui se remarque dans le désert d’aujourd’hui, mais cela ne remplace pas une idée juste ou une remarque utile : dans n’importe quel débat, il a tort.

Sauf quand il dénonce le chantage mafieux qu’exerce le système à travers les juges. Vous vous souvenez de cette séquence qui a fait le tour des réseaux sociaux, quand la police, après avoir perquisitionné chez lui, était venue perquisitionner au siège de La France insoumise. Il s’en était pris, en roulant des yeux et tordant la bouche, aux malheureux exécutants, en hurlant : « La République, c’est moi ! » Il était parfaitement ridicule, mais il avait parfaitement raison. Pas de gesticuler, ni de se poser en victime, ni d’affirmer que le procureur et les policiers violaient la loi. Mais de s’inquiéter d’un empiètement des juges sur la politique. Le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire sur les comptes de campagne de LFI et les conditions d’emploi des assistants des députés européens du parti mélenchoniste. Cette perquisition, toute légale qu’elle était, participait d’une intimidation des élus par le judiciaire. Il y a d’autres moyens d’obtenir des documents, d’une part. Et surtout, une fois qu’on admet par hypothèse l’élection au suffrage universel et le pouvoir des parlementaires, alors, dans le cas où le Parlement européen s’estime lésé par tel député ou tel parti, il peut traiter avec eux, sans faire du juge pénal français l’arbitre d’un litige privé : c’est une pression inadmissible sur l’indépendance des députés.

L’affaire vient de se répéter sous une autre forme, et, là encore, Jean-Luc Mélenchon a eu tort et raison. Une commission parlementaire vient de le convoquer le 2 décembre afin qu’il comparaisse devant elle pour s’expliquer sur les liens de LFI avec l’islamisme. Sur ces liens je n’ai aucune espèce d’information ni d’avis. Mais Manuel Bompard, le bras gauche du líder máximo français, a estimé que, cette commission ne comportant pas de membre d’extrême gauche, elle ne respecte « pas les règles » parlementaires et que « les insoumis ne doivent (donc) pas répondre à ses invitations ». Mais Jean-Luc Mélenchon, qui n’a malheureusement pas vu, dit-il, la convocation dans le fouillis de sa boîte aux lettres, propose une autre date. Il s’affirme « prêt à répondre à cette invitation bien que cette commission d’enquête ne respecte pas le règlement de l’Assemblée nationale » et bien qu’il ne soit plus député, ni responsable du mouvement, ni président du groupe parlementaire. C’est « en tant que coprésident de l’Institut La Boétie » qu’il se propose d’éclairer « la commission sur l’histoire de la pensée républicaine en matière de relations entre religion et politique ». Il a tort de penser, avec Bompard, que la commission parlementaire ne respecte pas les règles parlementaires, mais il a raison de se moquer de ses membres en affirmant son désir de profiter de l’occasion pour s’en faire une tribune gratuite et y vendre sa soupe.

Seulement, ce faisant, il annule le bon mouvement de 2018 contre l’usurpation des juges. La Chambre des députés, incapable de remplir son objet social, qui est de voter l’impôt, le budget et de produire quelques bonnes lois peu nombreuses, compense par un glissement vers le judiciaire qu’elle copie sur les États-Unis : ce sont des commissions d’enquête à tout va, pour un oui, pour un non, sur n’importe qui, chef d’entreprise ou candidat à la présidentielle. C’est la confusion totale : le législatif qui se fait juge et policier. Les robins qui veulent se faire aussi puissants que le roi, on a vu cela au XVIIIᵉ siècle, et ce fut catastrophique. Louis XV eut le bon sens de les renvoyer, son successeur le malheur de les rappeler, et ce fut la Révolution. Mélenchon a paru un moment s’opposer à leur prétention, mais c’était par simple intérêt tactique de démagogue révolutionnaire. Il aurait pu avoir exceptionnellement raison ; il a ordinairement tort.

                                                          Martin Peltier 

Les idées Royalistes de Charles Maurras 

Les idées Royalistes de Charles Maurras 

Guillaume Staub préface la réédition des Idées royalistes de Charles Maurras 

Les idées royalistes 

5 euros 

ISBN : 9782493750129
Titre :  Les idées royalistes 

Auteur : Charles Maurras

Préface : Guillaume Staub 
Éditeur : D’ACTION FRANÇAISE (ÉDITIONS)
Nb Pages : 64
Présentation : Broché

«  D’abord, écartons l’utopie. » Charles Maurras

Toute la sève de ce livret est contenue dans cette formule.

Et quelle utopie, quelle ile imaginaire gangrène notre pays depuis plus de deux siécles. Nulle autre que cette nation-contrat des jacobins. qui confond société et État, les fondant sur le principe abstrait de la volonté générale: que cette République, « une et indivisible ». qui ne reconnait aucun intermédiaire entre la nation et des individus isolés

les uns des autres

La conception maurracsienne de la nation, quant a elle, repose sur la reconnaissance d’un topos, d’une réalité concrète : une construction historique. enracinée, unkjue.

Chez Maurras, la nation ne peut exister sans les corps qui la composent : lamilles, provinces, villes… Les hommes y sont les par des corps intermédiaires, cercles concentriques nécescaires à toute cohésion véritable. Maurras rappelle ici l’impérieuse nécessité d’une conception federaliste et décentralisatrice de la nation.

Car la nature ayant horreur du vide, si vous supprimez les corps

mermediaires natures auines vendront sccuper eur place : paris politiques, coteries et autres groupes rarement au service de la nation.

Ce sera la mort de l’utopie – ou la nôtre.                          

                                                                                    Guillaume Staub 

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Humeur du temps

Humeur du temps

On s’est déjà interrogé ici même sur la nature du lien social, ce précieux ensemble de solidarités naturelles qui, à travers le temps historique des Cités, unit entre eux les hommes qui y vivent ensemble, dans la déférente mémoire de ceux qui y ont vécu et la pensée attentive de ceux qui y vivront à leur suite. 

On sait la dynamique de ces solidarités, moteur irremplaçable de ce que la philosophie classique appelle le « bien commun », principe d’unité fondateur et dispensateur de l’ordre nécessaire à l’épanouissement humain ; et nous avons déjà observé que l’institution républicaine, par l’idéologie égalitariste et libertaire qui la fonde, les principes sociaux qu’elle promeut, les lois qu’elle édicte, les croyances qu’elle diffuse, les contraintes qu’elle impose, les modes de vie qu’elle insinue, a apporté un bouleversement radical, une véritable subversion de cet ordre où, désormais, dans un État sans sociétés intermédiaires, les relations de base les plus communes sont passées de la concorde à la confrontation ; aussi n’est-ce pas d’hier qu’on a pu commencer à se demander si la société française n’en était pas arrivée à un point de rupture annonciateur de son imminente désagrégation.

Ainsi, substitution à l’identité vécue des nations historiques, de mythes abstraits sans prise sur la réalité, désocialisation forcée, c’est-à-dire atomisation des individus, expliquent en totalité la généralisation de la violence et, plus grave encore, sa banalisation, au point qu’elle semble être devenue le mode de communication le plus courant entre les personnes ; qu’on en soit arrivé au fait, extrême mais non point isolé, que deux automobilistes attaquent à coups de couteau, l’un un piéton, l’autre un cycliste qui avaient simplement manifesté leur réprobation contre une conduite dangereuse ayant menacé leur sécurité, est révélateur de « l’ordre républicain » et fait comprendre la permanente nécessité du recours aux interventions policières et judiciaires.

Face à une si cataclysmique déliquescence, ne laissons jamais diluer ni nos identités, ni nos solidarités naturelles ; réveillons-les ou suscitons-les là où nous sommes en capacité d’agir. Il ne s’agit pas de survivre, mais de donner son sens véritable à la vie.

Philippe Champion

Formation : l’homme, animal social et politique

Formation : l’homme, animal social et politique

En tant qu’animal social, l’homme a besoin des autres, et donc de la société pour vivre. Son comportement social n’est pas inscrit dans son patrimoine génétique, comme c’est le cas pour les abeilles. Il n’a que des facultés, des potentialités, que l’éducation reçue lui permettra d’exploiter au mieux. L’homme ne naît pas avec des chaussures, des vêtements et une formation professionnelle. Tout cela s’acquiert en société. L’état social de l’homme est un état naturel, contrairement à ce que déclarent les penseurs modernes, et les hommes n’ont pas fait une belle assemblée générale un jour pour voir si la société n’était pas une bonne idée à tenter. Charles Maurras a fort bien illustré cela :

“Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir. Peu de chose lui manque pour crier : ‘Je suis libre’… Mais le petit homme ? Au petit homme, il manque tout. Bien avant de courir, il a besoin d’être tiré de sa mère, lavé, couvert, nourri. Avant que d’être instruit des premiers pas, des premiers mots, il doit être gardé de risques mortels. Le peu qu’il a d’instinct est impuissant à lui procurer les soins nécessaires, il faut qu’il les reçoive, tout ordonnés, d’autrui. Il est né. Sa volonté n’est pas née, ni son action proprement dite. Il n’a pas dit Je ni Moi, et il en est fort loin, qu’un cercle de rapides actions prévenantes s’est dessiné autour de lui. Le petit homme presque inerte, qui périrait s’il affrontait la nature brute, est reçu dans l’enceinte d’une autre nature, empressée, clémente et humaine : il ne vit que parce qu’il en est le petit citoyen. Son existence a commencé par cet afflux de services extérieurs gratuits. Son compte s’ouvre par des libéralités dont il a le profit sans avoir pu les mériter, ni même y aider par une prière : il n’en a rien pu demander ni désirer (…). Cependant, à la première minute du premier jour, quand toute vie personnelle est fort étrangère à son corps, qui ressemble à celui d’une petite bête, il attire et concentre les fatigues d’un groupe dont il dépend autant que de sa mère lorsqu’il était enfermé dans son sein.”

Voici l’illustration de la base de la réflexion politique. Tout homme est, dès sa naissance et jusqu’à sa mort, endetté sans possibilité de rembourser la société dans laquelle il vit. De quoi mettre à mal les chantres du libéralisme, pour qui il n’y a qu’opportunités à saisir et voisins à écraser.

Il n’est pas possible pour l’homme de vivre seul. Cependant, les penseurs modernes nous ont inventé le mythe individualiste, comme si l’homme, au plan politique, était avant tout un individu. La pensée antilibérale affirme au contraire la priorité de la nature politique de l’homme sur sa réalisation personnelle et individuelle. Nous l’avons vu, l’homme a une nature sociale et politique, et ce ne sont pas les imprécations individualistes qui vont la supprimer. Mais sans supprimer cette nature, ils peuvent la défigurer, en faisant en sorte que chacun agisse comme s’il était seul. Ce qu’il reste d’organisation politique est alors confisqué au profit de quelques individus, qui font croire à l’individu noyé dans la masse d’égoïstes qu’il est libre, alors qu’il est dans une nouvelle forme d’esclavage.

En inventant le concept d’état de nature et d’état social, des théoriciens, dès le XVIᵉ siècle, ont tenté de renforcer ces chaînes, en nous laissant croire que sans le fameux contrat social, tout le monde s’entretuerait, et qu’il était normal d’abdiquer des droits au nom d’un tout qui nous dépasse. Le problème n’est pas dans l’intégration des individus dans une communauté, ni dans le fait qu’ils fassent primer le bien commun sur leur bien propre, cela est une évidence. Le drame, la rupture politique, est d’avoir fondé ce bien commun dans le contrat, dans la majorité, dans le subjectivisme des gouvernants. Le drame, c’est que ce bien commun et cette communauté n’ont plus de transcendance, mais sont autocentrés. Quel que soit le mode de désignation des dirigeants, mettre leur légitimité dans la majorité et non dans un ordre qui s’impose à nous est la source de tous nos maux. S’il n’y a plus de Bien, de Vrai, de Bon qui transcende nos existences, chaque nouvelle majorité peut réécrire l’histoire et la morale.

Il est donc important de se souvenir que l’état de nature est nécessairement social, comme le petit poussin nous le rappelle. Il est par ailleurs difficile d’imaginer cette fameuse réunion des Mowglis décidant, d’un commun accord et selon une procédure inventée pour l’occasion, de se ranger sous l’ordre social et de créer une société ex nihilo, quittant l’état de nature pour le contrat social. Ce doux rêve libéral, qui ramène toutes les interactions humaines à des contrats et des intérêts, doit être oublié pour construire une politique sur une base anthropologiquement saine.

                                          @Dr- Dextra, sans être une organisation de l’AF était une organisation. d’AF. 

HOUCHANG NAHAVANDI

HOUCHANG NAHAVANDI

C’est avec une profonde émotion que nous avons appris le décès, dimanche dernier, de Houchang Nahavandi, homme d’État iranien, universitaire éminent, écrivain et patriote, dont la vie tout entière fut placée sous le signe de la fidélité — fidélité à son pays, à ses convictions et à la civilisation à laquelle il appartenait.

Né à Téhéran, Houchang Nahavandi fut, dans l’Iran du Shah, ministre, recteur d’université et esprit d’une rare élégance intellectuelle. Le Shah d’Iran envisageait de le nommer Premier ministre, mais l’exil, conséquence des bouleversements tragiques qu’a connus son pays, l’en empêcha.

Exilé, certes — mais jamais déraciné. Nationaliste, il demeura avant tout iranien, profondément attaché à la terre et à l’histoire de l’Iran. Lorsque son pays fut attaqué, il n’hésita pas à en prendre la défense, soulignant avec lucidité qu’il s’agissait d’une agression et non d’une fatalité. Son patriotisme n’était pas celui de la rancune, mais celui de la fidélité : celle d’un homme qui ne renie jamais son peuple, même de loin.

Installé en France, Houchang Nahavandi fut également un intellectuel francophone accompli, participant activement à la vie des idées. Il collabora au journal L’Action française, parfois sous son nom, souvent sous le pseudonyme évocateur de Pascal NARI — anagramme transparente d’« IRAN », hommage discret mais constant à sa patrie.

Ami de Pierre Pujo, il partageait avec lui une admiration profonde pour Jacques Bainville, ce grand historien dont la rigueur et la vision lui parlaient intimement.

Avec la disparition d’Houchang Nahavandi, c’est une voix à la fois iranienne et française, classique et courageuse, qui s’éteint. Il laisse derrière lui l’image d’un homme de culture et d’honneur, d’un patriote fidèle à sa terre, à ses amis et à ses idées — jusqu’au dernier jour.

Intime conviction, le privilège du juge

Intime conviction, le privilège du juge

Certains privilèges sont montrés du doigt : les privilèges d’Ancien Régime, des riches, des Blancs. Le décevant privilège de l’âge a disparu, quant à lui, depuis qu’après le discours sacrilège de Claude Autant-Lara, en 1989, le Parlement européen eut retiré au doyen d’âge le soin d’ouvrir la première session d’une nouvelle législature. Mais il est un privilège que personne ne discute : celui du juge. En France, il peut condamner sans preuve, si son intime conviction l’y incline. Et il vient d’en faire deux fois un usage retentissant.

Le 25 septembre 2025, le tribunal correctionnel de Paris condamnait Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs : il était accusé d’avoir laissé ses collaborateurs demander à la Libye de Kadhafi de financer sa campagne électorale de 2007. Mme Gavarino, qui présidait le tribunal et qui avait naguère manifesté contre lui, reconnaît dans son jugement qu’aucune preuve ne le justifie, mais fonde sa conviction sur un faisceau d’indices. Même démarche pour les trois magistrats et les six jurés (ils ne sont pas toujours douze) qui viennent de condamner Cédric Jubilar à trente ans de prison.

Cette faculté de condamner sans preuve est bien un privilège. Si un policier vous colle un PV pour conduite en état d’ivresse sans qu’aucun test n’établisse votre ébriété, on parlera d’arbitraire, même si vous êtes bourré comme un coing. Et s’il contrôle un quidam au faciès, même si c’est un violeur sous OQTF, on criera au racisme. Seul le juge peut imposer sa volonté en ne consultant que son âme et sa conscience. Certains pensent que c’est plus qu’un privilège : sa noblesse, son honneur. Et dans leur adulation de la figure du juge, certains confrères vont jusqu’à lui prêter des pouvoirs magiques. Ainsi Le Monde commence-t-il un papier par ces mots : « Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, Delphine Jubillar a été tuée par son mari. L’infirmière de 33 ans, mère de deux enfants, rejoint officiellement la longue liste des victimes de féminicides (…) ».

Non. Les juges disent le droit, et leur interprétation du droit ; ils ne disent pas les faits. Sherlock Holmes dit les faits, une caméra de surveillance peut les montrer : les juges, surtout quand ils reconnaissent ne pas avoir de preuves ou estiment les documents à l’origine des poursuites « probablement faux », ne peuvent qu’émettre une opinion sur les faits, sur quoi ils tentent de fonder une conviction. C’est tout différent. Il est possible que Cédric Jubilar ait tué son épouse, et que Nicolas Sarkozy ait recueilli de l’argent de Kadhafi ; certains diront probable, je n’en sais rien, n’étant pas statisticien ; mais on ne peut donner ces opinions pour des faits.

On pensait jadis que le doute doit profiter à l’accusé. Les temps changent. Est venu celui des justiciers bardés de certitudes.

Martin Peltier 

La leçon de Gaza

La leçon de Gaza

Deux précisions s’imposent. D’abord, depuis les années 1980, j’ai toujours fermement condamné l’importation en France, souhaitée par beaucoup tour à tour, de la guerre au Moyen-Orient et de ce qui oppose les Juifs aux Arabes et aux musulmans. Il ne s’agira donc pas ici de prendre quelque parti que ce soit dans une question complexe que je ne maîtrise pas – je ne semble pas le seul – ni de distribuer des bons points aux uns ou aux autres. Ensuite, je suis trop vieux pour que la propagande d’une armée en campagne dans une zone où elle opère me soit inconnue, pas plus que celle des combattants qui s’y opposent et des civils pris dans l’affaire, dont le statut est aussi vulnérable qu’ambigu : Israéliens et Palestiniens ne sont pas plus malhabiles que d’autres en la matière et savent utiliser quelques vérités et en cacher d’autres pour agir sur la sensibilité du public. On est toujours le nazi ou/et le terroriste de quelqu’un.

Mon propos sera restreint pour être utile : il s’agit de discerner en quoi la guerre actuelle a pu clarifier la notion de crime contre l’humanité. Les deux parts l’invoquent, l’une pour dénoncer un « génocide » que perpètrerait Tsahal à Gaza, l’autre pour déplorer dans l’attaque du 7 octobre 2023 le « pogrom le plus terrible depuis la Shoah ». En écoutant les uns et les autres, notamment sur CNews, un fait attire l’attention : pour la partie juive, comparer le nombre de morts en deux ans de guerre à celui de l’agression du 7 octobre n’est pas pertinent, ce n’est pas le nombre qui fait l’horreur mais la manière et l’intention. Voilà qui est capital et d’ailleurs vrai, conforme à la vérité judiciaire et humaine. Une guerre tue en masse, comme une catastrophe naturelle, mais n’implique pas dans tous les cas les crimes les plus ignobles. À l’inverse, le viol, la torture, l’assassinat d’une femme sans défense ou d’un enfant sont un terrible crime.

Cette vérité que des intellectuels juifs ont établie dans la guerre à Gaza doit s’appliquer en tout cas. On a beaucoup parlé depuis le Tribunal de Nuremberg (qui l’a inventée) en 1946 de crime contre l’humanité, et singulièrement, en France, depuis 1964, quand cette nouveauté juridique fut importée dans le droit français pour éviter la prescription de certains faits. Cette habitude est dangereuse car elle ouvre à la fois à des accusations croisées ouvrant sur des déchirements, et sur une sorte de course à l’échalote victimaire souvent indécente et dommageable à la mémoire des victimes. Chacun a sa blessure, sa revendication, de la Vendée à l’Ukraine et la Shoah ou au Rwanda en passant par la traite négrière, la colonisation, et encore n’entre-t-on pas dans l’histoire ancienne, laïque ou sainte, qui n’a pas compté ses massacres au fil de l’épée, Rome, la mère du droit, n’en étant pas plus exempte que d’autres. Ce que Gaza et le 7 octobre nous apprennent, c’est que le nombre, s’il accroît l’image de l’horreur, ne change pas la valeur morale du crime. Qu’il y ait eu ici tant de millions de morts n’en fait pas un crime unique, opposable à tous les autres : tout crime est unique en son genre.

À creuser un peu plus la chose, il faut en finir avec cette notion de crime contre l’humanité, que certains ont pu croire utile en son temps. Il n’y a pas de crime contre l’humanité, ou si l’on préfère tout crime est contre l’humanité, ce qui revient au même. La notion de crime ne s’applique qu’à l’homme, sauf à régresser avec les antispécistes aux pendaisons de chiens : un chrétien ne doit ni mépriser ni malmener la création, mais le droit du vivant s’apprécie en fonction de celui des hommes, selon une hiérarchie voulue par le Créateur. On laissera tomber avec d’autant plus de satisfaction le crime contre l’humanité qu’il fut inventé en guise de cache-misère, de moyen de condamner des prévenus pour des faits qui n’étaient pas prévus par le droit. La personnalité des juges rendait la chose plus discutable encore : pour mémoire, les États-Unis venaient d’atomiser le Japon et le juge soviétique, Nikitchenko, ancien procureur aux procès de Moscou, était délégué par Staline, dont la Grande Guerre patriotique n’avait pas été moins sale que la guerre nazie d’Hitler. Jacques Ellul, dans son analyse du procès, avance que la « vengeance » de Nuremberg était légitime, mais que sa justice fut piètre. Aujourd’hui, au Proche-Orient, tout le monde bout d’envie de vengeance : il serait temps de penser à la justice, en oubliant ce mauvais cauchemar du « crime contre l’humanité ». Si Gaza peut au moins servir à ça…

                               Martin Peltier 

La République absolument sans complexe

La République absolument sans complexe

On a appelé « monarchie absolue », en France, un bref moment de l’exercice du pouvoir par la maison capétienne, entre 1661 et 1789, sous trois Bourbons : Louis XIV, Louis XV et Louis XVI. Le roman républicain nous enseigne que le premier aimait trop la guerre, le second se fichait de tout, et le troisième était un faible. L’histoire dit plutôt que ces trois grands rois, avec leurs limites, affrontèrent des temps très difficiles, maintenant le pays à flot malgré ses ennemis, en prenant leurs décisions indépendamment des forces qui s’exercent ordinairement sur le pouvoir : l’argent, le sabre, les castes et leurs idéologies. Maurras l’avait bien vu : la monarchie absolue, c’était la monarchie indépendante. Et Louis XVI, en rappelant les parlements, se soumit malheureusement à une dépendance dont la monarchie mourut.

La République française, telle qu’elle fut fondée en 1875, est, elle, dépendante de tout : de l’élection, de l’argent, des idéologies, de la rue, des castes – où il faut compter conseils et syndicats divers. Elle ne s’est libérée que d’un seul lien : celui qui l’unissait au peuple français. Et à la décence que tout homme doit à ses semblables. La République absolue, c’est la République indépendante de la nation et du bon sens.

Elle s’exerce aujourd’hui sans le moindre complexe. Anne Hidalgo, maire de Paris, qui gaspille l’argent du contribuable en atours somptuaires tout en donnant au monde des leçons de vivre-ensemble – sorte d’hybride entre Louise Michel et la Pompadour – est-elle épinglée par une association pour ses notes de frais ? Elle ordonne à ses services d’infliger de lourdes amendes à l’association qui a révélé son abus. Le système tout entier – de LFI aux Républicains en passant par le PC, le PS, EELV, Horizons, En Marche et tutti quanti – rend-il la France ingouvernable après la dissolution de 2024, avec l’ingénieux « barrage républicain » contre le RN ? Tout le monde accuse le président de la République de légèreté, d’autisme, etc., mais tout le monde continue de jouer le jeu avec lui, refusant la dissolution qui, en ramenant une majorité, débloquerait pourtant la situation.

Et Sébastien Lecornu – qui restera sans doute l’objet ministériel le plus biscornu de la Cinquième République – l’avoue tout de go : « Il existe une majorité absolue à l’Assemblée contre la dissolution. » Pardi ! Les neuf dixièmes des membres de cette majorité ne retrouveraient pas leur siège s’ils retournaient aux urnes. Sous le nom de stabilité, ils cultivent le patriotisme de leurs intérêts. Et, dans le même temps, ils défendent un système qui empêche toute solution.

Qui donc, déjà, disait : « La République gouverne mal mais se défend bien » ? 

Ah oui : Anatole France.

C’était à une époque où les républicains conservaient encore un peu de lucidité.   

Martin Peltier

République en crise : travaillons à sa perte

République en crise : travaillons à sa perte

Après le choix d’un gouvernement à l’identique, le premier Ministre Lecornu a présenté à Macron sa démission au motif que « les conditions ne sont pas remplies pour gouverner », pointant du doigt les appétits du personnel politique de Marianne V, plus pourrie que jamais.
Union des droites, nouveau Front Populaire, dissolution de l’Assemblée Nationale, démission du Président, les partis politiques quels qu’ils soient donnent raison à ces paroles emblématiques de la Royale : « le pouvoir n’est plus que la proie que se disputent les partis ! »

L’Action Française rappelle l’urgence de faire comprendre aux Français que le régime n’est bon qu’à organiser des élections et à faire la valse des ministres et gouvernements. L’expérience de l’histoire montre que rien de bon ne peut sortir de telles institutions qui n’apportent que ruine, règne de l’Étranger et déboisement social.

Nous rappelons aussi ce principe de bon sens, c’est la république qui corrompt son personnel et non l’inverse.

Nos revendications ne sont pas catégorielles mais globales et révolutionnaires. L’heure est à la liquidation complète de la république qui a placé la patrie sous le joug de l’hyperstructure européenne, négatrice des identités. Travaillons à sa perte.

Il est urgent de réconcilier les Français avec leur histoire. C’est là, la condition première du redressement national.

À bas la république !

L’Action Française

Une diplomatie pour CM2

Une diplomatie pour CM2

Analysant le traité qui mit fin à la Première Guerre mondiale, Jacques Bainville fait une observation fondamentale. Si le traité de Versailles ‒ explique-t-il dans Les Conséquences politiques de la paix ‒ est un « mauvais traité », il l’est pour une raison essentielle, qui le met à part des conditions normales de la diplomatie. En contradiction avec les traités proprement politiques qu’avaient été ceux dits de Westphalie en 1648, et celui de Vienne en 1815, qui assurèrent de longues périodes de paix à l’Europe, le traité de 1919 est un traité « moral », premier exemple d’un genre devenu le plus commun de nos jours.

Et en quoi consiste cette nouveauté dont il est porteur ? « Remarquable par son imprévoyance », ‒ écrit notre historien ‒ ce traité ne tient aucun compte de la nature des choses, c’est-à-dire des grandes lois de l’équilibre des États. Désormais, l’équilibre qui s’établit, plus exactement qui vise à s’établir, c’est « l’équilibre irréel au lieu de l’équilibre réel » ; à des « lois physiques » sont opposées des « nuées » ; et ce sont de telles « nuées » qui animèrent en France les illusions pacifistes d’un Aristide Briand et conduisirent au déclenchement de la guerre suivante.

Il suffit de mettre en parallèle l’analyse serrée faite par Bainville des dispositions territoriales stupides édictées par le traité de Versailles, avec le pathos du discours de Nouvel An prononcé à l’Élysée en janvier 1927 par le nonce de Pie XI, pour comprendre à quel point on est alors sorti de la politique, à quel point lui a été substituée l’idéologie, et jusqu’où on s’est alors condamné à l’impuissance.

Quel enseignement pour notre temps d’absolu néant diplomatique, comme s’il fallait justifier une fois de plus, et par tous les chemins imaginables, la loi invariable énoncée par Maurras dès Kiel et Tanger ! C’est ainsi que, derrière le sous-titre La République française devant l’Europe, sont frappées les dures sentences de « l’inertie et (de) l’instabilité de la démocratie », de sa prétendue diplomatie comme « aventure d’un romantisme échevelé » et, radicalement, « escompteuse d’irréel ». Pesons bien ces derniers mots !

Perpétuellement insurgé contre la réalité, toujours tendu dans sa résistance aux contraintes qu’un minimum de souci d’efficacité devrait imposer à l’action politique, l’homme moderne se rue dans un volontarisme obsessionnel, par lequel il prétend toujours faire plier le réel à ses caprices idéologiques. Hubris, certes ! le seul péché irrémissible selon nos maîtres grecs. Mais à considérer aujourd’hui les prétentions à la diplomatie de la République macronarde, avec son ignorance de l’Histoire, sa méconnaissance de la géographie, tant physique qu’humaine, sa parfaite indifférence à ces grandes lois de l’équilibre des États, et d’ailleurs, son encyclopédique inculture, on pense plutôt à l’esprit d’une cour de récréation d’école primaire, où règne le pathos le plus puéril, dans lequel il n’y a que des gentils et des méchants : on dirait qu’on serait les gentils ! On joue les gentils contre les méchants, et c’est la crise de nerfs à la moindre entorse à la règle arbitraire qu’on s’est fixée ; au sommet de son caprice, on pleure et on trépigne de rage si quelque chose ne se passe pas comme on le veut. Règne du faire-semblant, le semblant de l’action, étant bien pire en politique que l’inaction, et dont il n’y a quel enfant qui puisse se satisfaire. « Où l’action conviendrait s’étale la phrase ». Mais la Cité n’est pas une cour de récréation.

Nous l’avons déjà fait observer ailleurs : « Malheur à la ville dont le prince est un enfant », mais malheur plus grand encore si c’est une puberté contrariée qui conduit les œuvres de ce triste prince !

Maurras, qui voyait juste et loin, ajoutait alors que « personne n’a le droit d’exposer la patrie pour un conte bleu », que sous prétexte de diplomatie, « la France républicaine (…) demeurera condamnée à des manœuvres gauches, énervantes et plus que dangereuses pour l’intégrité du pays et l’indépendance des habitants », et il concluait que « le démembrement est au bout » ; pour terminer sans ambiguïté, il annonçait que le régime républicain conduit inévitablement à « la disparition de la France ».

C’est ainsi que, sous nos yeux, un siècle et demi après Kiel et Tanger, le cahier des charges du régime républicain arrive à son terme, et l’action de l’actuel gouvernement le met si cruellement en pleine lumière qu’il n’y a guère qu’un mot en trois lettres pour qualifier aujourd’hui celui qui ne le remarque pas. Notre cahier des charges à nous est au contraire celui de la Renaissance !

Philippe Champion