Dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris 2024 il paraît intéressant de se replonger dans l’origine de cet événement sportif en suivant Maurras qui a réalisé un reportage important en avril 1896. Cette année-là ont eu lieu les premiers Jeux Olympiques modernes, restaurés à l’instigation d’un aristocrate libéral et admirateur de l’éducation anglaise, Pierre de Coubertin (avec qui Maurras eut l’occasion d’échanger courtoisement des points de vue de plus en plus opposés).
Jeune journaliste –il était alors âgé de vingt-huit ans-Maurras fut en effet envoyé en Grèce par Gustave Janicot,directeur du quotidien La Gazette de France pour couvrir les Jeux. Dans une série d’articles envoyés à son journal il décrit son voyage, sa découverte de la Grèce, puis les réflexions que lui inspirent les Jeux . Sur le fond, l’aspect sportif, prétexte du voyage, a été finalement éclipsé par la découverte de la Grèce et par quelques réflexions sur la confrontation des peuples.
Cet ensemble de lettres a été publié au fur et à mesure de leur réception dans le quotidien de Janicot, en 1896. L’ensemble a été complété dès 1896, dans la Gazette, par une étude sur la ville moderne d’Athènes. Par la suite,Maurras, s’aidant notamment de son journal de voyage, a repris et retravaillé ses Lettres pour en faire une partie d’d’Anthinéa, ouvrage paru en 1901 où il revient longuement sur son voyage en Grèce, et en particulier sa découverte d’Athènes, avant de parler de la Toscane et de la Provence(et enfin une simple annexe). Ainsi, dans la version définitive, la cinquième lettre a–t elle été prolongée par une défense de la royauté grecque contre les attirances républicaines, et la sixième par des considérations sur l’Ecole française d’Athènes.
En 2004, les éditions Garnier-Flammarion ont eu la bonne idée de rééditer ces Lettres des Jeux Olympiques comme un ouvrage indépendant. Le travail de l’auteur de la réédition, Monsieur Axel Tisserand, est en tous pointsremarquable. Outre les lettres elles-mêmes, dans leur forme définitive de 1901, éclairées par des introductions substantielles et des notes savantes, il a également réédité ces documents dans leur forme initiale, plus spontanée, que nous avons principalement utilisée. Ce volume, petit par la taille, est un modèle de méthode et peut-être considéré comme définitif. Dans ces conditions, le présent article a pour seule ambition de permettre au lecteur de découvrir l’oeuvre et si possible d’inciter à la lire.
Il y a eu six lettres adressées depuis le bateau et la Grèce Nous les résumerons rapidement.
Dans la première lettre Maurras parle de son voyage etde la croisière en mer qu’il savoure. Il compare le bateau à un « couvent laïque et flottant », parce qu’il oblige à être « tout entier à soi-même. » Trait caractéristique de sa pensée, il rejette l’indéfini. Pour lui, qui rêvait d’être marin avant la survenance de sa surdité pendant l’adolescence, la mer n’est pas une matière informe. Il souligne par exemple que « rien n’est plus fini que la mer. La séparation d’un ciel pâle d’avec cette mer plus foncée donne… la pensée de la plus exacte des figures géométriques qui est, sans doute, le cercle. » Chez Maurras, en effet, ce trait est essentiel. Il n’aime pas l’indétermination et la confusion. aussi bien en littérature qu’en politique.
Maurras ne dissimule pas son bonheur d’effectuer ce voyage : « Passées les bouches de Bonifacio, nous sommes entrés pleinement dans le cœur du monde classique, patrimoine du genre humain. » La première lettre retrace la vision des Lipari, où il s’intéresse davantage à l’île Panariaqu’au volcan Stromboli, puis, Homère en main, la traversée, au sud de l’Italie, de la dangereuse « mer Ionienne. » Au matin suivant, le journaliste constate que le navire a quasiment fait le tour du Péloponnèse pendant la nuit ;
La deuxième lettre annonce le retour à terre avec l’arrivée au Pirée et l’approche de la merveille, l’Acropole d’Athènes et son Parthénon, dont il fait le tour sans encore oser y entrer. C’est aussi un premier contact avec les Jeux. Maurras fait connaissance avec le Stade et voit s’opposer des athlètes grecs et allemands il signale aussi l’affluence dans la ville et dit qu’à ce moment Athènes ressemble assez bien à Capharnaüm.
La troisième lettre présente le Stade moderne inachevé, censé reproduire le stade antique et pouvant contenirquatre-vingt mille spectateurs lors des épreuves. Maurras parle du roi de Grèce et de sa famille et escompte que cesprinces, souvent d’origine germanique, seront vite hellénisés. Il termine par une note plaisante en regrettant pour des raisons d’esthétique l’abondance des chapeaux noirs chez les spectateurs.
La quatrième lettre commence par des considérations générales qui ne manquent pas d’actualité. Malgré les remontrances de Coubertin, Maurras dit les réserves que lui inspire cette nouvelle « internationale du sport. » Il dit que là où il existait une Grèce il n’y a pas, ou il n’y a plus,d’Europe. Par ailleurs Maurras déplore que les grands bénéficiaires de ce cosmopolitisme soient les Anglo-Saxons dont la langue, se propageant à travers le vocabulaire du sport, infeste la planète. Le contact de la réalité des épreuves n’a pas modifié ces appréciations de départ, mais les a complétées. D’une part les doutes sur le cosmopolitisme ont été renforcés Se référant à Paul Bourget, Maurras affirme que « quand plusieurs races distinctes sont mises en présence, obligées à se fréquenter, bien loin de s’unir par la sympathie, elles se détestent et se combattent au fur et à mesure qu’elles croient se connaître mieux. » D’autre part il observe que les Jeux ont l’avantage de mettre à jour la prépondérance anglo-saxonne, qui s’est jusque-là avancée masquée, ce qui devrait permettre aux peuples latins de s’en défendre.
Maurras relate ensuite quelques épreuves. Il décrit l’ivresse joyeuse des Grecs lors de l’épreuve du marathon. Les sept premiers étaient grecs (et le huitième français). La joie populaire qui entoure le jeune vainqueur lui plaît et lui rappelle l’ambiance de Martigues ou des arènes d’Arles. Il passe rapidement sur les épreuves d’athlétisme et cite les épreuves de lutte qui ont opposé un Grec et un Danois puis un Allemand et un Anglais. Il relève à cette occasion que le nationalisme n’est pas le monopole des plus vieux peuples et que les Américains se montrent particulièrement attachés à leur drapeau. Il conclut en disant « on le voit les patries ne sont pas encore détruites. La guerre non plus n’est pas morte. Jadis les peuples se fréquentaient par ambassadeurs…Maintenant les peuples se vont fréquenter directement, s’injurier de bouche-à-bouche… La vapeur qui les a rapprochés ne fera que rendre plus facile les incidents internationaux. »
La cinquième lettre commence par une dénégation :Maurras dit qu’on lui avait promis des déceptions et qu’il n’est pas déçu. Il annonce aussi la clôture imminente des jeux. Commençant par faire l’éloge de « notre antique Athènes, notre Athènes éternelle» il dit espérer pouvoir conduire ses lecteurs « au pied du Parthénon ou parmi les stèles dorées du Céramique. » En attendant la clôture des Jeux, il fournit quelques témoignages sur des choses vues dans les petits bourgs grecs, leur activité commerciale et maritime et leur agitation qui lui fait penser à sa Provence. Il revient sur le jeune vainqueur du marathon et sa popularité et s appesantit sur un fait divers amusant : une jeune demoiselle de la bourgeoisie athénienne avait fait vœu d’épouser le vainqueur de l’ épreuve, à condition qu’il soit grec. Au vu des candidats, elle pouvait espérer s’unir à un homme de bonne condition ; mais elle se trouve finalement confrontée à un « mauvais petit paysan. »Maurras termine son courrier en parlant de la nouvelle de la mort, en France, de Charilaüs Tricoupis, un politicien grec qui, ayant voulu développer rapidement son pays ; à crééun déficit considérable et entraîné une banqueroute. Dans la version définitive, le passage est plus développé et amène à la critique des politiciens et du régime des partis ;
La sixième lettre est relative à la clôture des Jeux Olympiques. Après quelques considérations sur la pluie qui a causé un changement de date, sur l’attitude du roi et sur les rameaux d’olivier et les lauriers distribués par le monarque, Maurras met le vainqueur du marathon, un peu ivre de son triomphe, en garde contre l’excès, en lui rappelant le sort d’Aristide et de Socrate. Malgré tout, il lui accorde la préférence face aux « athlètes barbares, Anglais, Germains, surtout Yankees. » Enfin l’auteur se fait l’écho d’une proposition faite à l’époque de fixer les Jeux à Athènes (idée qui n’a, nous semble-t-il, pas perdu de son intérêt). Il observe enfin que cette « solennité d’origine cosmopolite » est devenue « le champ de bataille de nos nationalités, des races et des langues» et termine en regrettant la faiblesse de la représentation française.
L’on peut trouver quelques vues politiques dans ces lettres. L’on sent poindre l’intérêt de Maurras pour le royalisme, par exemple à travers la sympathie qu’il exprime pour la royauté grecque. L’on sait que c’est en Grèce qu’il aurait conclu en faveur de la monarchie en constatant la puissance des nations qui bénéficiaient de ce régime. Mais surtout, l’ enseignement le plus net contenudans les Lettres contredit les espoirs de Pierre de Coubertin : les Jeux nouveaux révèlent et renforcent l’affirmation des nationalités concurrentes et l’affrontement des nations. Et cela est toujours vrai. En filigrane, quelques autres thèmes de la pensée maurrassienne affleurent : l’admiration pour l’Antiquité classique, l’amour de la Grèce antique et la méfiance à l’égard des Allemands, etplus encore à celui les Anglo-Saxons (la France a, à cette époque, été confrontée à l’impérialisme britannique ; l’incident de Fachoda aura lieu en 1898 et l’Entente cordiale ne sera conclue qu’en 1904). Enfin l’on relèvera que la sympathie affichée pour la Grèce moderne, nation redevenue indépendante au XIXe siècle, suffit à prouver que le nationalisme maurrassien s’accommode très bien de l’amitié pour d’autres peuples. Ce qui est rejeté, c’est le cosmopolitisme, le « mélange » qui broie les identités légitimes.
Avec le rituel solennel, intervenu le 8 mars dernier, du scellement dans sa loi fondamentale du droit à l’avortement, la République achève en France son cycle sanglant. Non pas que de nouvelles lois ou même de nouvelles « constitutionnalisations » ne puissent venir encore pour l’ensanglanter davantage ‒ et d’ailleurs, d’autres lois criminelles sont imminentes‒ mais il y a là un acte symbolique qui n’a pas besoin d’être dépassé.
Car nous ne sommes pas qu’en présence de la fébrilité morbide d’un pouvoir toujours prodigue de sang français ; et il n’est pas suffisant d’invoquer le mythe implacable de notre Racine :
« Quelque crime toujours précède les grands crimes ;
Quiconque a pu franchir les bornes légitimes
Peut violer enfin les droits les plus sacrés ».
Non ! l’acte républicain odieusement sanguinaire du 8 mars a une dimension fondatrice qui le rattache à l’événement historique par lequel s’ouvre le cycle de sang du « régime abject » qui s’est imposé à la France : le « meurtre du roi prêtre », selon l’expression d’Albert Camus, intervenu le 21 janvier 1793. « C’est un répugnant scandale ‒écrit-il‒ d’avoir présenté, comme un grand moment de notre histoire, l’assassinat public d’un homme faible et bon. Cet échafaud ne marque pas un sommet, il s’en faut. (…) Il symbolise la désacralisation de cette histoire et la désincarnation du Dieu Chrétien. (…) Ce n’est pas Capet qui meurt mais Louis de droit divin, et avec lui, d’une certaine manière, la Chrétienté temporelle ».
Et ici, on pense invinciblement à René Girard, pour qui, histoire et légende confondues, toute culture ne peut s’établir que sur le vieux rite humain sacrificiel fondateur : originellement, le sacrifice sanglant destiné à se rendre les dieux favorables, ou, s’il s’agit du Dieu unique, le sacrifice suprême de l’innocent suprême, qui peut seul désarmer le courroux divin.
Mais là ? Si Louis XVI est innocent, comme le Christ dont il est le représentant au temporel, combien innocentes aussi sont les millions de victimes que la République a décidé d’immoler sur l’autel de son culte propitiatoire inversé ; un sacrifice sanglant, certes, mais qui s’accomplit cette fois par la transgression des lois de la nature, lois divines par essence. Aussi est-ce bien à la mort voulue de cette « Chrétienté temporelle », avec toutes ses valeurs dont la monarchie française était l’image ici-bas, qu’il faut se référer pour lier entre eux les deux actes profanateurs de 1793 et de 2024.
La consécration sacrilège de l’avortement comme l’une des « valeur de la République », joue un rôle identique à celui de l’exécution du roi, et témoigne tragiquement que la France est bien entrée dans une autre culture, que les Français sont devenus les sectateurs d’une autre religion ; le choix de la mort de l’homme le plus innocent qui soit, offert en sacrifice au nouveau dieu, comme expression suprême de ce qu’ils osent appeler la liberté de l’homme.
Combien Maurras a raison de voir dans la démocratie le régime même de la démesure, cet hubris effrayant, le péché mortel et irrémissible selon l’antique sagesse humaine, dont le déferlement de liesse populaire à l’annonce de la canonisation du crime est une manifestation. Car si c’est l’homme qui est le maître de la vie et de la mort, comme c’est lui maintenant qui décide du bien et du mal, si ce n’est plus à la nature, c’est-à-dire aux lois de la création divine, maîtresse de vie et organisatrice de l’ordre, que la Cité se confie humblement, alors, tous les excès, toute les folies, tous les délires peuvent s’attribuer les privilèges de la sagesse. Age de chaos, et âge de tyrannie perversement compensatrice, comme on les voit s’installer sous nos yeux ! Mais en même temps âge d’espérance car la vie, serait-ce celle de l’éternité bienheureuse, est inéluctablement victorieuse de la mort.
Il fut un temps où la loi, en France, n’autorisait pas le divorce. Le divorce, c’est-à-dire la prétendue dissolution du lien conjugal, fut autorisé une première fois par une loi de 1792 ; puis aboli, sous la Restauration, par la loi Bonald ; et de nouveau autorisé sous la Troisième République, par la loi Naquet.
Le livre que Bonald a écrit contre le divorce n’a rien perdu de son actualité. Combat d’arrière-garde, diront certains. Mais qu’importe ? Une loi « contraire à la nature de la société (1) » ne doit jamais être regardée comme définitive. Le livre de Bonald est un résumé et une réfutation de ce qu’on peut appeler la philosophie moderne. Car la question du divorce est « le champ de bataille où cette philosophie combat depuis si longtemps contre la raison (2)».
La philosophie moderne balance entre l’athéisme et le déisme, qui n’est qu’un « athéisme déguisé (3) », disait Bossuet. D’une manière ou d’une autre, elle ôte Dieu de l’univers : « La philosophie moderne, née en Grèce de ce peuple éternellement enfant, qui chercha toujours la sagesse hors des voies de la raison, commence par ôter Dieu de l’univers, soit qu’avec les athées elle refuse à Dieu toute volonté, en lui refusant même l’existence, soit qu’avec les déistes elle admette la volonté créatrice, et rejette l’action conservatrice ou la Providence ; et pour expliquer la société, elle ne remonte pas plus haut que l’homme : car je fais grâce au lecteur de tout ce qu’elle a imaginé pour rendre raison de l’univers physique, et même de l’homme, sans recourir à un être intelligent supérieur à l’homme et à l’univers. (4) »
Ayant ôté Dieu de l’univers, la philosophie moderne est incapable de concevoir les devoirs de l’homme ; elle ne songe qu’au bonheur de l’homme, c’est-à-dire au fond à son plaisir. Or, « la fin du mariage n’est pas le bonheur des époux, si par bonheur on entend, comme dans une idylle, le plaisir du cœur et des sens, que l’homme amoureux de l’indépendance trouve bien plutôt dans des unions sans engagement. (5) »
Le mariage est un engagement, et de cet engagement naissent des devoirs. « L’homme, la femme, les enfants sont indissolublement unis, non parce que leur cœur doit leur faire un plaisir de cette union ; car que répondre à celui d’entre eux pour qui cette union est un supplice ? Mais parce qu’une loi naturelle leur en fait un devoir, et que la raison universelle, dont elle émane, a fondé la société sur une base moins fragile que les affections de l’homme. (6)»
Bonald se dit persuadé « que le divorce, décrété en France, ferait son malheur et celui de l’Europe, parce que la France a reçu de mille circonstances natives ou acquises le pouvoir de gouverner l’Europe par sa force et par ses lumières, et par conséquent le devoir de l’édifier par ses exemples (7) ».
La question du divorce « remue à elle seule toutes les questions fondamentales de la société sur le pouvoir et sur les devoirs (8) ». L’intention de Bonald est de « faire voir que de la dissolubilité du lien conjugal ou de son indissolubilité, dépend en France et partout le sort de la famille, de la religion et de l’État (9) ».
Le divorce, « faculté cruelle qui ôte toute autorité au père, toute dignité à la mère, toute protection à l’enfant, (10) » n’est pas seulement l’affaire des époux : c’est aussi l’affaire des enfants. « L’engagement conjugal est réellement formé entre trois personnes présentes ou représentées ; car le pouvoir public, qui précède la famille et qui lui survit, représente toujours, dans la famille, la personne absente, soit l’enfant avant sa naissance, soit le père après sa mort. »
Dans le divorce, les droits de l’enfant sont piétinés. « Le père et la mère qui font divorce, sont réellement deux forts qui s’arrangent pour dépouiller un faible ; et l’État qui y consent est complice de leur brigandage. (11) » Par le divorce, la femme devient une marchandise. « Si la dissolution du lien conjugal est permise, même pour cause d’adultère, toutes les femmes qui voudront divorcer se rendront coupables d’adultère. Les femmes seront une marchandise en circulation, et l’accusation d’adultère sera la monnaie courante et le moyen convenu de tous les échanges. (12) »
Cette prédiction n’est-elle pas réalisée sous nos yeux ?
Sauville, M. Illustrateur. La Gueuse. Impression photomécanique en couleurs. 1903. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
« La seconde des idées révolutionnaires, le principe d’Égalité, constitutif du régime démocratique, livra le pouvoir au plus grand nombre, aux éléments inférieurs de la nation, producteurs moins énergiques et plus voraces consommateurs, qui font le moins et mangent le plus. Découragé, s’il est entreprenant, par les tracasseries de l’Administration, représentante légale du plus grand nombre, mais, s’il est faible ou routinier, encouragé par les faveurs dont la même administration fait bénéficier sa paresse, notre Français se résigna à devenir un parasite des bureaux, de sorte que se ralentit et faillit s’éteindre une activité nationale où les individus ne sont pas aidés à devenir des personnes et les personnes étant plutôt rétrogradées jusqu’à la condition des individus en troupeaux. »
(Charles Maurras, Romantisme et Révolution, Préface L’origine commune)
Contradiction apparente
Nous abordons le deuxième volet du désordre social, en contradiction apparente avec le premier. En effet, à première vue, liberté absolue et égalité sont des termes antinomiques. La liberté sans bornes offre aux membres de la société la loi de la jungle où le fort écrase le faible. Sous la Révolution, la loi Le Chapelier, mère du problème ouvrier en fut un exemple illustre. La destruction des corporations au nom de la Liberté livra l’ouvrier à l’arbitraire patronal.
Mais, contraires selon les règles de la logique classique, les deux éléments de la doctrine républicaine, le libéralisme et l’égalitarisme, sont complémentaires dans la mystique démocratique en cela qu’ils ressortent tous deux du même principe erroné ; l’autonomie de l’individu.
Il existe certes une égalité spécifique entre tous les hommes, mais cette égalité par essence n’empêche pas l’inégalité individuelle des conditions, l’inégalité accidentelle qui fonde les droits relatifs des membres d’une société saine et raisonnable.
Les conséquences de l’Egalité
Le pouvoir, en République, va donc être en apparence livré à la masse, et, reprenant les analyses que saint Thomas a tirées d’Aristote et de Cicéron, Maurras évoque la foule de ceux qui coûtent au corps social plus qu’ils ne lui rapportent, le grand nombre de ceux qui, poussés par les démagogues, voteront les dépenses que le petit nombre règlera. La foule gaspillera, les créateurs de richesses s’épuiseront, et la société sombrera dans l’appauvrissement.
La liberté sans frein ayant engendré l’administration, car il faut bien que l’élu tienne son électeur, cette dernière va se mettre naturellement au service de l’égalité socialisante. Le Français actif et indépendant connaîtra d’abord les freins et les brimades des bureaux mis au service de l’envie égalitaire, et bientôt le citoyen qui pouvait contribuer à la prospérité générale, qui était une personne, c’est-à-dire un être conscient et responsable, conscient de ses droits, de ses devoirs et de ses possibilités, se dégradera en simple individu, consommateur assisté de l’Etat-Providence.
En prétendant concilier des principes frères, dangereux séparément, mortels quand ils sont associés, la démocratie désagrège la société et ravale les personnes au rang d’individus soumis.
« Les libertés, cette énonciation est un non-sens. La Liberté est. Elle a cela de commun avec Dieu, qu’elle exclut le pluriel. Elle aussi dit : sum qui sum. » le lecteur aura reconnu les accents inimitables de Victor Hugo quand il se prend pour un penseur. Leconte de Lisle a dit qu’il était bête comme l’Himalaya. C’est pourtant à l’ombre de l’inégalité reconnue, protectrice, que peuvent fleurir les libertés qui assurent l’épanouissement de la personne, sa réalisation pour le Bien commun.
La sortie du Napoléon de Ridley Scott avait ravivé les discussions sur l’empereur. Sur le bilan strictement technique et cinématographique, les avis se rejoignent majoritairement pour dire leur déception devant un film qui, malgré une matière historique gigantesque et des moyens financiers eux-mêmes généreux, ne parvient à créer ni le souffle épique ni le développement scénaristique que l’on attendait. Au mieux peut-on se consoler en admirant, pendant quelques minutes, de belles scènes de bataille, quelques beaux décors et des costumes d’époque plutôt réussis. Mais c’est un bilan assez maigre.
Le film a aussi déçu tout le monde sur l’aspect historique : les passionnés de l’empereur estiment qu’il a été présenté de façon caricaturale et dépréciative, pendant que ses détracteurs regrettent qu’un film à gros budget, bon ou mauvais, ne serve pas à faire le procès à charge d’un personnage historique critiqué aujourd’hui, par les animateurs dans l’air du temps, surtout parce qu’il a rétabli l’esclavage et régné comme un despote. Il n’existe pas en effet, dans l’espace intellectuel français « grand public », une critique de Napoléon qui ne soit pas de gauche ; au contraire le clivage se contente de prétendre que Napoléon ne peut être aimé que pour de mauvaises raisons par la droite et critiqué pour de bonnes raisons par la gauche. Tel homme de droite qui voudrait proposer un avis négatif sur le personnage n’aurait nulle part où se loger dans le petit cirque pseudo intellectuel de notre époque.
Pourtant une telle critique a existé. Du côté de l’Action française, Léon Daudet a publié en 1939 Deux idoles sanguinaires, la Révolution et son fils Bonaparte dans lequel il expose les relations filiales entre l’horrible Révolution et ce fils qui, ayant germé dans un tel ventre, ne pouvait lui-même que continuer la mauvaise œuvre commencée par sa génitrice. Mais ce livre, s’il est plaisant à lire grâce à la plume toujours affûtée de Daudet, n’est pas ce que la droite nationaliste a proposé de plus convaincant pour s’approcher de l’empereur : dix ans plus tôt, Charles Maurras a publié un petit texte autrement plus dosé en explosif intellectuel : Napoléon, avec la France ou contre la France ?
Ici, au lieu de simplement reprocher à Napoléon d’avoir fait la guerre (ce que Maurras lui reproche aussi mais avec des arguments à la fois politiques, humains, géostratégiques et historiques) et d’être à l’origine d’un bilan humain terrifiant, le maître de l’Action française dénonce aussi les effets délétères du Code Napoléon dans l’organisation anthropologique de la France, critique des choix d’alliances et des décisions diplomatiques catastrophiques en ceci qu’ils ont semé le poison d’où naîtra ensuite, par ricochets, beaucoup des grands conflits militaires que la France, bien après le passage sur la terre de Napoléon, devra longtemps affronter. Là où Maurras se différencie d’une critique qui ne serait qu’un bilan comptable des morts des guerres napoléoniennes, c’est en ceci qu’il va chercher jusque dans l’œuvre institutionnelle et juridique de l’empereur des raisons de l’accuser avoir fait du tort à la France. Un travail intellectuel de cette envergure n’existe plus aujourd’hui, le débat sur Napoléon ayant été, nous le disions plus haut, pris en otage par des gens qui, eux-mêmes pris en otage par la droite, se sentent obligés de le défendre contre des gens qui, pris en otage par la gauche, reprochent à Napoléon de n’avoir pas créé Sos-racisme et l’international LGBT de son vivant.
Que l’un des grands parmi les grands dans l’offre intellectuelle de droite, Charles Maurras, soit au nombre des adversaires de Napoléon surprendra sans doute nos contemporains. Si ce n’était que pour cela, si ce n’était que pour son côté étonnant, le livre de Maurras mériterait d’être lu. Heureusement, il est beaucoup plus que cela. Pour l’avoir fait lire à de nombreux admirateurs de Napoléon dont certains étaient même des adorateurs, je puis confirmer que Charles Maurras, par la redoutable efficacité de sa démonstration intellectuelle et argumentaire, a livré un texte d’une hauteur, d’une précision et d’une puissance rarement atteintes par un auteur, surtout — et c’est là aussi que réside l’exploit — en seulement quelques dizaines de pages, d’ailleurs écrites dans un français d’une beauté cristalline.
Dans la bataille des idées inaugurée par les conjurés de la Révolution dite française, une évidence apparaissait que Joseph de Maistre allait résumer ainsi : « Jusqu’à présent, les nations ont été tuées par la conquête, c’est-à-dire par voie de pénétration ; mais il se présente ici une grande question : Une nation peut-elle mourir sur son propre sol, sans transplantation ni pénétration, uniquement par voie de putréfaction, en laissant parvenir la corruption jusqu’au point central et jusqu’aux principes originaux et constitutifs qui font ce qu’elle est » ?
Texte que j’ai déjà cité précédemment, mais qu’il est nécessaire de rappeler dans le contexte de ce sujet. Par cette interrogation qu’il faisait à son ami Louis de Bonald, il définissait ce qui allait devenir le point de départ de l’analyse critique nationaliste face aux sophismes des conjurés de la Révolution dite française. On voit ainsi que le nationalisme est d’une autre essence que le patriotisme, car jusqu’alors les nations n’avaient à se préoccuper que des invasions physiques, aux frontières. Or, à partir des sophismes issus de la Révolution, un autre type d’invasion apparaît : l’invasion intellectuelle.
Désormais, sans invasion physique, sans défaite militaire, elle va tendre à faire disparaître la nation, au profit de l’utopique République universelle.
Prônée par les conjurés de la maçonnerie et du monde juif, par ce concept abstrait qui émerge avec la révolution de 1789, les nations doivent disparaître pour permettre son avènement.
C’est en opposition à ce concept destructeur de l’existence même de la nation qu’allait apparaître le réflexe de défense nationaliste. Il en découle que si le patriotisme se définit comme la défense du territoire national face à un envahisseur physique, le nationalisme, lui, est d’une autre essence. Il se définit comme étant la recherche des principes qui conviennent à un pays pour se maintenir incorrompu dans son être national en défense de son héritage.
Ainsi, plutôt qu’à la terre des Pères, le nationalisme s’attache à la défense de l’esprit des Pères, de ceux qui ont forgé l’héritage moral, spirituel, intellectuel, qui fait ce qu’elle est devenue, façonnée par l’Histoire. C’est-à-dire, ce qui la rend différente de toute autre nation, comme un être humain est différent de tout autre du fait de sa genèse et de son éducation. « Le nationalisme, dit Maurras reprenant l’observation de Joseph de Maistre, est la sauvegarde due à tous ces trésors qui peuvent être menacés sans qu’une armée étrangère ait passé la frontière, sans que le territoire soit physiquement envahi »1.
On comprend ainsi la priorité du nationalisme sur le patriotisme, dans l’ordre des nécessités.
En effet, si perdre un territoire c’est perdre une partie du sol national et perdre des hommes, c’est perdre une partie de la chair et du sang de la nation, elle peut y survivre, se reconstituer, reconquérir les territoires perdus. Par contre, perdre l’idée nationale, le dessein national qui l’a constitué, c’est perdre l’âme même de la nation, cela mène à son oubli, à sa disparition.
De cette distinction d’essence entre nationalisme et patriotisme allait découler les choix différents faits après la Débâcle de 1940.
D’un côté les nationalistes qui se retrouvaient dans le maréchal Pétain appelé par le Président de la IIIème république, Albert Lebrun pour gérer les conséquences de la Débâcle du fait de l’abandon de poste des responsables de la déclaration de guerre au IIIème Reich.
De l’autre, ceux qui par patriotisme voulaient émotionnellement poursuivre le combat alors que l’Armée française était en pleine déroute. C’est sur cet irréalisme politique qu’allait prospérer le prétendu patriotisme de Charles De Gaulle.
En fuite, en ayant négocié financièrement son ralliement à l’Angleterre avant même que l’Armistice soit signé, cela en faisait ipso facto un déserteur en temps de guerre. Il allait en découler sa dégradation de son titre de général à titre provisoire et sa condamnation le 4 juillet 1940, à Toulouse par un tribunal militaire sous la IIIème république encore …
À Londres, De Gaulle allait retrouver les responsables du désastre qui, eux aussi, s’étaient enfuis pour échapper à leur responsabilité, des juifs et des francs-maçons2. Devant ces faits, où était le devoir ? Entrer en résistance avec les communistes et les démocraties anglo-saxonnes quitte à aggraver le poids de l’Occupation et les souffrances des Français ? Ou bien combattre d’abord la politique des responsables de l’une des plus humiliantes défaites militaires de notre histoire, en tournant le dos aux sophismes de la Révolution, comme s’y sont attachés le maréchal Pétain et ses partisans dans les plus mauvaises conditions historiques ?!
Les responsabilités étaient claires. Le Front Populaire de Léon Blum, nous avait dépossédé de nos armements modernes au profit des Rouges lors de la guerre civile d’Espagne en 1936.
C’était donc en parfaite connaissance de notre faiblesse que le féal à l’Angleterre, Reynaud, Premier ministre, allait déclarer la guerre à l’Allemagne pour répondre aux pressions bellicistes de l’Angleterre et du lobby juif.
Sans l’ambition pathologique, de De Gaulle, honni et méprisé de l’Armée depuis sa reddition sans combattre en mars 19163, l’affrontement franco-français qui en a découlé, aurait pu être évité. C’est ce qu’avait entrevu le colonel Rémy qui regrettait que par la faute de De Gaulle « l’un n’ait pas été le bouclier et l’autre le glaive ». Mais ce que le colonel Rémy n’avait pas compris, c’est que De Gaulle pour y parvenir avait besoin de deux choses : l’appui des lobbies responsables de la Débâcle et des Alliés.
Comme pour Robespierre pour lequel la Révolution ne pouvait perdurer sans que Louis XVI ne soit coupable, pour que De Gaulle ne soit pas le déserteur qu’il a été, il lui fallait faire de Philippe Pétain, un traître. Par la faute d’un De Gaulle, faux noble, faux homme de droite et faux patriote, la France s’est déchirée. Tout au long de “la carrière” de De Gaulle, les Français allaient payer leur aveuglement, leur lâcheté devant les crimes de l’Épuration gaullo-communiste, car dès lors l’anti-France revenait au pouvoir.
Ainsi ladite Libération ne fut qu’une réoccupation de la France par les lobbies, maçonnique et juif ! La politique gaulliste aligné sur celle des États-Unis allait conduire à la perte de notre empire comme il l’avait promis à Roosevelt dans son Discours de Brazzaville en
1944. Puis l’Algérie, département français, fut abandonnée aux tueurs du FLN auxquels il octroyait de surcroît sans contrepartie, le Sahara et les richesses que nous y avions découvertes en gaz, pétrole et minerais. Quant à l’immigration-invasion qui submerge aujourd’hui la France avec la complicité des Sarkozy, Hollande et Macron, elle est la conséquence directe des abandons et trahisons de De Gaulle.
Le « patriote » De Gaulle aura ainsi réduit la France au rôle de puissance secondaire, privée de ses ressources énergétiques, géopolitiques et humaines de notre Empire, et devenu simple supplétif de l’impérialisme mondialiste yankee et juif…
Alors que le maréchal Pétain avait réussi à maintenir notre Empire en dépit de l’Occupation, mais surtout des appétits anglo-saxons, le « patriote » De Gaulle ne nous aura légué qu’un Hexagone qui plus est, envahi ethniquement par sa faute. Ses alliances avec l’impérialisme anglo-saxon, avec les lobbies anti-nationaux et le communisme, pour lui permettre d’arriver au pouvoir, se sont soldées par deux guerres civi¬les franco-françaises : celle contre la Révolution nationale du maréchal Pétain, puis celle qui allait conduire à l’abandon de l’Algérie.
Loin d’être un patriote, De Gaulle n’aura été qu’un jacobin, plus soucieux avec ses alliés juifs, francs-maçons et communistes de combattre la Révolution nationale, que l’Occupant qui avait été le prétexte à sa désertion à Londres…
Tout ce que nous vivons et subissons aujourd’hui découle directement de ses alliances et de sa politique avec la faune de francs-maçons et de juifs qui l’avaient rejoint à Londres, se mettre aux ordres des Anglais.
De la réintégration de la maçonnerie interdite par l’État français, à la remise en vigueur du décret Crémieux, à la mainmise marxiste sur l’appareil administratif, jusqu’aux conséquences de la décolonisation avec l’immigration-invasion, on lui doit tout … !
Voilà comment un patriotisme mal compris, dévoyé, est devenu l’ennemi du nationalisme et de la France.
P. P. d’Assac
J. P. d’Assac, Le Manifeste Nationaliste. Editions Plon, Paris 1972. ↩︎
P. P. d’Assac. Charles De Gaulle de la légende à la réalité. Édit. S. P. P. ↩︎
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