Joseph de Maistre et la philosophie de Bacon.

Joseph de Maistre et la philosophie de Bacon.

Première partie. Le but des sciences physiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes de lectures sur le Tome I de l’Examen de la philosophie de Bacon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rien de plus instructif, au sujet de ce qu’on appelle la philosophie moderne, que l’Examen de la philosophie de Bacon.

Cet ouvrage posthume de Joseph de Maistre est un commentaire du fameux Novum Organum ainsi que de plusieurs autres œuvres anglaises et latines de Francis Bacon. Maistre y discute également la traduction française et ses notes, de sorte que le traducteur français est aussi l’un des personnages du livre.

Ce qui rend cette lecture intéressante, c’est qu’à mesure qu’on découvre la philosophie de Bacon, on y reconnaît une certaine philosophie qui a encore cours de nos jours. La philosophie de Bacon, dit Maistre, est « l’énumération des erreurs humaines ».

Maistre examine, d’une part, la méthode proposée par Bacon pour chercher la vérité dans les sciences ; et d’autre part, ce que Bacon a écrit sur des questions particulières touchant au système du monde, à l’histoire naturelle, à l’optique ou encore à la météorologie.

Il apparaît que ni cette méthode ni ces écrits n’ont de valeur. Le traducteur français en est impatienté et ne peut s’empêcher d’insérer dans ses notes des remarques mordantes contre l’auteur.

À quoi Bacon doit sa réputation.

La contribution réelle de Bacon aux sciences physiques est inexistante et sa méthode tant et si ridiculement exaltée n’a jamais été suivie par aucun physicien. En réalité, le fameux Novum Organum « n’est dans son objet et dans sa totalité qu’un long accès de délire ».

Si le XVIIIe siècle a tant fait (et si on continue de tant faire) l’éloge de Bacon, c’est pour son athéisme déguisé. « La gloire factice accordée à Bacon n’est que le loyer de sa métaphysique pestilentielle ».

La science réduite à la physique.

Car il y a bien une métaphysique de Bacon. Étrange métaphysique en vérité, qui affirme qu’il n’y a de science que dans la physique. En effet : « pour Bacon, il n’y a qu’une science, la physique expérimentale ; les autres ne sont pas proprement des sciences, vu qu’elles ne résident que dans l’opinion ».  Autrement dit, « la certitude n’appartient qu’aux sciences physiques ». On reconnaît là l’idée principale d’un autre livre célèbre (d’ailleurs dédié à Bacon), à savoir la Critique de la raison pure.  Ce qui fait dire à Maistre que « tout le venin de Kant appartient à Bacon ».

Pourquoi parler de venin ? Parce que cette réduction de la science à la physique conduit nécessairement au matérialisme. Si « la certitude n’appartient qu’aux sciences physiques », il n’y a de vérité certaine ni dans la métaphysique, ni dans la morale, ni dans la théologie naturelle…

Quoi qu’il en soit, cette affirmation est absurde, car la question de savoir ce qui est science et ce qui ne l’est pas, n’est pas une question à laquelle on puisse répondre par les moyens de la physique expérimentale. C’est, qu’on le veuille ou non, une question métaphysique. A travers cette affirmation, Bacon se condamne donc lui-même ; il tombe dans la même contradiction que ceux qui disent que la vérité n’existe pas tout en prétendant dire quelque chose de vrai.

De plus, nous fait savoir de Maistre, cette affirmation est dangereuse. « Il faut bien se garder de croire que ce système ne soit que ridicule ; il est éminemment dangereux et tend directement à l’avilissement de l’homme. Les sciences naturelles ont leur prix sans doute ; mais elles ne doivent point être exclusivement cultivées, ni jamais mises à la première place. Toute nation qui commettra cette faute tombera bientôt au-dessous d’elle-même. »

Le but de la physique.

Autre point remarquable de la métaphysique de Bacon, le but que ce dernier assigne aux sciences naturelles, à ces sciences en dehors desquelles il n’y aurait pas, selon lui, de certitude.

C’est l’objet d’un chapitre dont nous reproduisons, ci-dessous, un passage intéressant et représentatif du style enjoué de Joseph de Maistre. On découvre dans cet extrait que la philosophie de Bacon a pour but de conférer à l’homme des pouvoirs surnaturels et chimériques. Cette physique expérimentale qui, si l’on en croit Bacon, mérite exclusivement le nom de science, a pour but, comme l’alchimie, de conférer à une puissance infinie sur les choses matérielles. Voici :

Bacon « a pris la peine lui-même de nous dire ce qu’il attendait des sciences naturelles. Sous le titre burlesque de magnificence de la nature pour l’usage de l’homme il a réuni les différents objets de recherche que devait se proposer tout sage physicien et ce qu’il devait tenter « pour l’usage de l’homme ». Voici quelques échantillons de ces petits essais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Faire vivre un homme trois ou quatre siècles ; ramener un octogénaire à l’âge de quarante ou cinquante ans ; faire qu’un homme n’ait que vingt ans pendant soixante ans ; guérir l’apoplexie, la goutte, la paralysie, en un mot, toutes les maladies réputées incurables ; inventer des purgations qui aient le goût de la pêche et de l’ananas ; rendre un homme capable de porter une pièce de trente-six ; faire qu’on puisse le tenailler ou lui briser les os sans qu’il en perde contenance ; engraisser un homme maigre ; amaigrir un homme gras, ou changer ses traits ; changer un géant en nain, un nain en géant ; ou, ce qui revient au même, un sot en un homme d’esprit ; changer de la boue en coulis de gélinottes, et un crapaud en rossignol ; créer de nouvelles espèces d’animaux ; transplanter celle des loups dans celle des moutons, inventer de nouveaux instruments de mort et de nouveaux poisons (toujours QUOAD usus humanos) ; transporter son corps ou celui d’un autre par la seule force de l’imagination ; mûrir des nèfles en vingt-quatre heures ; tirer d’une cuve en fermentation du vin parfaitement clair ; putréfier un éléphant en dix minutes ; produire une belle moisson de froment au mois de mars ; changer l’eau des fontaines ou le jus des fruits en huile et en saindoux ; faire avec des feuilles d’arbre une salade qui le dispute à la laitue romaine, et d’une racine d’arbre un rôti succulent , inventer de nouveaux fils pour les tailleurs et les couturières, et des moyens physiques de lire dans l’avenir ; inventer enfin de plus grands plaisirs des sens, des minéraux artificiels et des ciments.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En traduisant très fidèlement ces extravagances, je ne fais pas d’autre malice à Bacon que celle de développer ses idées, de réduire ses généralités à la pratique et à l’individualité, de changer pour ainsi dire son algèbre en arithmétique ; ce qui est de toute justice, puisque toute algèbre doit être traduite sous peine d’être inutile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tel est cependant le but général de cette fameuse philosophie de Bacon et tel est nommément le but particulier du Novum Organum tant et si ridiculement exalté. « Le but du chancelier Bacon dans cet ouvrage, nous dit son traducteur lui-même, est extrêmement élevé ; car il n’aspire à rien moins qu’à produire nouvelles espèces de corps et à transformer les espèces déjà existantes. »

 

 

 

 

 

 

 

En effet, l’entreprise est fort belle, et je ne crois pas qu’il soit possible de lui comparer rien dans l’histoire de l’esprit humain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour sentir le caractère enjoué de cette page et la malice de l’auteur, il faut la comparer la version française aux expressions anglaises originales, que Maistre a reproduites dans la note suivante :

« Magnalia naturæ QUOAD USUS HUMANOS. Quand je n’aurais appris le latin que pour sentir la force et la sagesse de ce QUOAD, je ne pourrais regretter ma peine. — Je cite l’original de ces magnificences.

The prolongation of life : the restitution of youth is some degreee : the retardation of age : the curing of diseases counted incurable : the mitigation of pain : more easy and less loathsome purging : the increasing of abiity for suffer torture or pain : the alterings of complexions and fatness and leanness : the alterings of statures : the altering of features : the increasing and exalting of intellectual parts : versions of bodies into other bodies : making new species : transplanting of one species into another : instruments of destruction, of war and poison :… force of the imagination, either upon another body, or upon the body itself : acceleration of time in maturation : acceleration of time in clarifications : acceleration of putrefaction :…  acceleration of germination :… turning crude and watry substances into oily and unctuous substances : drawing of new foods out of substances not now in use :… greater pleasures of the senses (Ah ! monsieur le chancelier, à quoi pensez-vous ?) : artificial minerals and cements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Magnalia naturæ à la tête de l’ouvrage intitulé : Sylva sylvarum, ou Histoire naturelle. Op. tom. I, p. 237, partie anglaise.) Je ne trouve point ce morceau dans la traduction de M. Lasalle. Il lui a paru sans doute passer toutes les bornes du ridicule. Ces sortes de suppressions sont un service qu’il rend de temps en temps à son auteur, et lui-même nous en avertit franchement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qu’il faut attendre de la science — réduite à la physique expérimentale —, ce n’est donc pas seulement qu’elle nous rende comme maîtres et possesseurs de la nature, selon la formule célèbre de Descartes. Cette science vise, comme l’alchimie, à nous conférer une toute-puissance chimérique sur la matière et sur les êtres vivants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jules Putois

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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HÉRÉDITÉ ET CIVILISATION

HÉRÉDITÉ ET CIVILISATION

C’est l’hérédité collective d’une aristocratie recueillant la succession du Sénat de Rome qui donna la durée et la force à l’Empire romain. Des trois races de nos Rois, celle qui fit la France fut précisément celle qui évolua dans les meilleures conditions d’hérédité monarchique, lesquelles ont permis la régulière transmission, la continuité rigoureuse de leurs desseins.

La valeur de tout effort personnel est dominée par l’immense principe historique en vertu duquel les vivants sont « de plus en plus, et nécessairement, gouvernés par les morts », et chaque vivant par ses morts particuliers. Cette nécessité bienfaisante est la source de la civilisation. Mais il y a longtemps que la démocratie s’est insurgée contre cette condition d’un ordre civilisé ; elle a choisi la barbarie, elle veut se recommencer tout entière à chaque individu qui vient au monde, sauvage et nu. C’est à l’humanité des cavernes que la démocratie veut nous ramener.

Charles Maurras, Sans la muraille des cyprès (J. Gibert, 1941)

Le Sénat romain n’était pas élu, ses membres étaient, en quelque sorte, cooptés parmi les magistrats issus des grandes familles aristocratiques, et du sang neuf, les « hommes nouveaux », s’y introduisait au compte-goutte. Un ambassadeur reçu par le Sénat dit qu’il avait cru être introduit devant une assemblée de rois !

L’Empire romain semble, à première vue, ne pas avoir connu l’hérédité. Il l’a connue, en réalité, mais de manière cachée : la plupart des empereurs n’ont pu avoir de successeurs directs parce qu’ils n’eurent pas de fils ou que ces derniers moururent en bas âge ; mais une étude généalogique prouve que, dans l’ensemble, l’empire fut transmis par les femmes. Si les féministes apprenaient cela, le latin reviendrait à la mode !

Carolingiens, Mérovingiens, Capétiens, des trois races de nos Rois la dernière connut une hérédité heureuse qui fit la France. Après cette constatation, Maurras cite Auguste Comte qui n’a cessé de répéter : « les morts gouvernent les vivants ». Culte des ancêtres, coutumes des ancêtres, mos majorum, tous les peuples civilisés, et même la plupart des autres, ont vécu sur ces principes, et plus l’aventure humaine avance, plus, « nécessairement » l’expérience du passé a enrichi la civilisation.

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Mais Rousseau vint. Alors que toutes les sociétés, des primitives aux plus élaborées, avaient postulé que la civilisation était un capital transmis et augmenté, le citoyen de Genève piétina la plus belle réalisation du génie humain, la France d’Ancien Régime, et les privilégiés s’enthousiasmèrent pour ce faune, comme les bourgeois d’aujourd’hui, gavés et repus, accompagnent leur digestion d’un militantisme en faveur de la faim dans le monde. Rousseau chantait déjà la chanson impie : « du passé faisons table rase. »

La démocratie a choisi la barbarie. Rousseau ne disait-il-pas dans son Discours sur l’inégalité que l’homme qui médite est un animal dépravé ? Oui, la démocratie est une barbarie : le citoyen électeur ne cesse de dire, ouvertement ou in petto « moi, je pense que… », sans expérience ni compétence. Dès la prime jeunesse, le malheureux enfant de démocrate, futur électeur et futur fossoyeur de la civilisation, apprend à l’école rousseauiste à étaler, à exhiber, son petit moi barbare et inorganique : son barbouillage de gouache ou d’aquarellepassera pour une œuvre digne de Michel-Ange, et les premiers mots qu’il jettera sur un papier relègueront Homère au musée des vieilleries. Ne connaissons-nous pas, quand nous visitons certains musées subventionnés, « l’humanité des cavernes » ?

Né de parents inconnus et mort célibataire, l’homme dénoncé par Renan restait encore un malheureux instruit. L’école moderne a fait de son successeur un sauvage. Saluons une fois de plus la qualité d’analyse d’un Maurras. Il est tellement intelligent, son esprit de déduction est tellement puissant qu’il nous semble un prophète.

Rangés derrière son autorité, formons-nous à sa méthode.

Gérard Baudin

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Bonald et l’indissolubilité du lien conjugal. La philosophie moderne contre la raison

Bonald et l’indissolubilité du lien conjugal. La philosophie moderne contre la raison

Il fut un temps où la loi, en France, n’autorisait pas le divorce. Le divorce, c’est-à-dire la prétendue dissolution du
lien conjugal, fut autorisé une première fois par une loi de 1792 ; puis aboli, sous la Restauration, par la loi Bonald ;
et de nouveau autorisé sous la Troisième République, par la loi Naquet.


Le livre que Bonald a écrit contre le divorce n’a rien perdu de son actualité. Combat d’arrière-garde, diront certains.
Mais qu’importe ? Une loi « contraire à la nature de la société (1) » ne doit jamais être regardée comme définitive.
Le livre de Bonald est un résumé et une réfutation de ce qu’on peut appeler la philosophie moderne. Car la
question du divorce est « le champ de bataille où cette philosophie combat depuis si longtemps contre la raison (2)».


La philosophie moderne balance entre l’athéisme et le déisme, qui n’est qu’un « athéisme déguisé (3) », disait
Bossuet. D’une manière ou d’une autre, elle ôte Dieu de l’univers : « La philosophie moderne, née en Grèce de ce
peuple éternellement enfant, qui chercha toujours la sagesse hors des voies de la raison, commence par ôter Dieu
de l’univers, soit qu’avec les athées elle refuse à Dieu toute volonté, en lui refusant même l’existence, soit qu’avec
les déistes elle admette la volonté créatrice, et rejette l’action conservatrice ou la Providence ; et pour expliquer la
société, elle ne remonte pas plus haut que l’homme : car je fais grâce au lecteur de tout ce qu’elle a imaginé pour
rendre raison de l’univers physique, et même de l’homme, sans recourir à un être intelligent supérieur à l’homme et
à l’univers. (4) »


Ayant ôté Dieu de l’univers, la philosophie moderne est incapable de concevoir les devoirs de l’homme ; elle ne
songe qu’au bonheur de l’homme, c’est-à-dire au fond à son plaisir. Or, « la fin du mariage n’est pas le bonheur des
époux, si par bonheur on entend, comme dans une idylle, le plaisir du cœur et des sens, que l’homme amoureux de
l’indépendance trouve bien plutôt dans des unions sans engagement. (5) »


Le mariage est un engagement, et de cet engagement naissent des devoirs. « L’homme, la femme, les enfants sont
indissolublement unis, non parce que leur cœur doit leur faire un plaisir de cette union ; car que répondre à celui
d’entre eux pour qui cette union est un supplice ? Mais parce qu’une loi naturelle leur en fait un devoir, et que la
raison universelle, dont elle émane, a fondé la société sur une base moins fragile que les affections de l’homme. (6)»


Bonald se dit persuadé « que le divorce, décrété en France, ferait son malheur et celui de l’Europe, parce que la
France a reçu de mille circonstances natives ou acquises le pouvoir de gouverner l’Europe par sa force et par ses
lumières, et par conséquent le devoir de l’édifier par ses exemples (7) ».


La question du divorce « remue à elle seule toutes les questions fondamentales de la société sur le pouvoir et sur
les devoirs (8) ». L’intention de Bonald est de « faire voir que de la dissolubilité du lien conjugal ou de son
indissolubilité, dépend en France et partout le sort de la famille, de la religion et de l’État (9) ».


Le divorce, « faculté cruelle qui ôte toute autorité au père, toute dignité à la mère, toute protection à l’enfant, (10) »
n’est pas seulement l’affaire des époux : c’est aussi l’affaire des enfants. « L’engagement conjugal est réellement
formé entre trois personnes présentes ou représentées ; car le pouvoir public, qui précède la famille et qui lui survit,
représente toujours, dans la famille, la personne absente, soit l’enfant avant sa naissance, soit le père après sa
mort. »


Dans le divorce, les droits de l’enfant sont piétinés. « Le père et la mère qui font divorce, sont réellement deux forts
qui s’arrangent pour dépouiller un faible ; et l’État qui y consent est complice de leur brigandage. (11) »
Par le divorce, la femme devient une marchandise. « Si la dissolution du lien conjugal est permise, même pour
cause d’adultère, toutes les femmes qui voudront divorcer se rendront coupables d’adultère. Les femmes seront
une marchandise en circulation, et l’accusation d’adultère sera la monnaie courante et le moyen convenu de tous
les échanges. (12) »


Cette prédiction n’est-elle pas réalisée sous nos yeux ?

Jules Putois

  • (1) Bonald, Du divorce, Chapitre XII.
  • (2) Bonald, Du divorce, Discours préliminaire.
  • (3) Bossuet, Histoire des variations, Livre V.
  • (4) Bonald, Du divorce, Discours préliminaire.
  • (5) Bonald, Du divorce, Chapitre IV.
  • (6) Bonald, Du divorce, Chapitre premier.
  • (7) Bonald, Du divorce, Discours préliminaire.
  • (8) Bonald, Du divorce, Chapitre premier.
  • (9) Bonald, Du divorce, Chapitre premier.
  • (10) Bonald, Du divorce, Chapitre premier.
  • (11) Bonald, Du divorce, Chapitre IV.
  • (12) Bonald, Du divorce, Chapitre XI.

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Vraie et fausse laïcité

Vraie et fausse laïcité

Vrai et Fausse laïcité, Philippe Prévost
Vrai et Fausse laïcité, Philippe Prévost, Éditions d’Action Française 

Nouveauté aux Éditions d’Action Française : Vraie et fausse laïcité, Philippe Prévost, 13 €.

Fidèle à sa volonté de donner une véritable colonne vertébrale intellectuelle à ses amis, Philippe Prévost, historien et essayiste, militant d’AF depuis de longues années, publie un essai aux jeunes éditions d’Action Française.

Charte de la laïcité, polémiques sur le voile ou l’abaya, fête de Hanoucca à l’Elysée, Comme l’a écrit Jean-Marie Mayeur, historien spécialiste de la IIIe République, « Peu de mots sont plus chargés de passion que celui de laïcité ».

Ce concept a deux sens très différents, pour ne pas dire opposés. Un sens traditionnel dérivé de la parole du Christ: « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » et celui donné à partir de la Révolution ou sous prétexte d’unité, tout a été donné à César et rien à Dieu. 

Ces deux conceptions de la laïcité sont incompatibles contrairement à ce qu’ont cru les partisans du Ralliement et du dernier Concile.

C’est cette histoire mouvementée ou les torts ne sont pas tous du même coté, loin de là, que raconte ce livre… 

A commander sur la boutique de l’action françaiseVraie et fausse laïcité

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Autour de Jeanne d’Arc, réédition par « La délégation des siècles »

Autour de Jeanne d’Arc, réédition par « La délégation des siècles »

Réédition d'Autour de Jeanne d'Arc

Il faut s’imaginer l’état des forces morales de la nation en 1917 pour mesurer l’importance que peuvent avoir l’œuvre et la démarche d’un écrivain soucieux de leur porter secours. À cette date, en pleine guerre, chaque foyer français est privé d’un frère, d’un mari, d’un fils, tous mobilisés pour l’immense combat qui se joue pour la défense de la patrie. Nous connaissons la souffrance des Poilus, la rigueur de leur engagement, la dureté de leur quotidien et l’effroyable tension qui s’abat et dégrade leur énergie. Nous savons par exemple que beaucoup de ceux qui reviendront des tranchées n’en reviendront pas indemnes psychologiquement. Côté Poilus, c’est entendu : tout était terrible. Ce que l’on pense moins souvent à honorer de nos souvenirs, c’est la cruauté de l’épreuve imposée par la guerre aux épouses, aux parents, aux enfants restés dans les foyers. Ils vivaient dans la peur quotidienne de recevoir un jour le courrier qui leur annoncerait la mort du cher parent.

En 1917, Maurice Barrès convoque Jeanne d’Arc au chevet de la France

Alors les jeunes filles, les épouses, les familles, pour mieux s’associer à leur manière au combat mené là-bas par les hommes, avaient également besoin qu’on leur donne les nourritures morales et spirituelles indispensables pour soutenir une pareille épreuve. L’écrivain Maurice Barrès, très sensible aux puissances profondes, soucieux à la fois du sort des Poilus sur le front et de celui des épouses, a jugé nécessaire de convoquer, pour les renforcer tous d’un même mouvement, la figure précieuse, grandiose, historique, nationale et religieuse de Jeanne d’Arc. Il organise alors des rassemblements, des dépôts de gerbes, des discours, il aide à structurer les forces autour de Jeanne qui, cinq siècles plus tôt, a fait la démonstration que la France, dès qu’elle est défendue par l’ardeur de ses enfants, se sort forcément des situations qui paraissent insurmontables. Dans la presse, il multiplie les articles ; à la Chambre, il travaille à l’instauration d’une journée en souvenir de Jeanne d’Arc. Plusieurs fois, il se rend devant la statue de l’héroïne, entouré des jeunes filles de Paris, pour redire aux cœurs tristes qu’il ne faut pas l’être et pour prendre chez la grande Lorraine de l’énergie exemplaire pour la faire germer sur le sol déprimé d’une nation en guerre.

Une nation unie autour de ses héros

Dans Autour de Jeanne d’Arc, publié en 1917, il explique sa démarche, rappelle qu’une nation ne peut survivre que si elle rappelle à ses contemporains le souvenir grandiose de leurs ancêtres pour qu’ils s’en inspirent et reproduisent, à leur mesure, leurs exploits. Sans cet effort, le sol qui a besoin de la sueur des braves pour se cultiver sans cesse s’assèche et prend le risque de périr. Mais cet effort indispensable, l’écrivain le sait, ne peut être mené qu’à la condition d’être « énergisé » par des modèles, par des maîtres. En cette manière, Jeanne d’Arc apparaît comme la figure incontournable et incontestable. Le livre fournit aux lecteurs les méditations patriotiques de Maurice Barrès, écrivain à la fois intellectuel et sensible dont la plume, je le rappelle chaque fois, savait dire avec émotion des choses intelligentes et des choses intelligentes avec sensibilité. L’action de Barrès en 1917 a porté ses fruits en son temps ; et comme il a eu l’excellente idée de la consigner dans un livre, ce même livre aujourd’hui disponible peut également avoir un effet mobilisateur, réconfortant et inspirant pour le lecteur de 2023. Aux Français désolés de voir leur pays dans un état aussi déplorable, l’exemple de Jeanne d’Arc et la plume mobilisatrice de Maurice Barrès rappellent que ce n’est pas la première fois dans son histoire que la France prend des coups et qu’à chaque fois elle s’est relevée. Souvent, il ne faut pour amorcer ce relèvement qu’un homme, qu’une jeune femme, qu’un exemple, qu’une étincelle… !

Autour de Jeanne d’Arc : réédition de trois ouvrages majeurs de Barrès

L’ouvrage Autour de Jeanne d’Arc et autres textes réédité désormais agrège également deux autres écrits importants du grand écrivain, Les traits éternels de la France et La terre & les morts. Dans le premier texte, il prononce à leur sujet l’éloge que les officiers français et les soldats méritent qu’on leur adresse. Héritiers de traditions plusieurs fois centenaires, cœurs vaillants au feu, dignes représentants de la race des combattants, les officiers français, descendants de Bayard, largement sacrifiés pendant la Grande guerre, formaient alors une élite, presque une aristocratie du cœur et de l’attitude. Barrès leur rend un hommage d’autant plus mérité qu’ils paieront cher leur contribution à l’effort de guerre.

Enfin, La terre & les morts. Le 10 mars 1899, Maurice Barrès devait donner une conférence à La ligue de la patrie française sur le thème de l’enracinement, du patriotisme et du lien particulier qui unit les êtres à leurs ancêtres, lien qui les constitue en qualité de peuple. La conférence ne sera finalement pas donnée mais le texte a heureusement été conservé et il est intégré dans Autour de Jeanne d’Arc et autres textes, concentré barrésien pur jus que je m’honore de rééditer à La délégation des siècles.

Jonathan Sturel

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Recension : Drôle de voyage et autres romans de Pierre Drieu la Rochelle

Recension : Drôle de voyage et autres romans de Pierre Drieu la Rochelle

Après la consécration que connut Pierre Drieu la Rochelle en étant édité dans la prestigieuse collection  La Pléiade (“Romans, récits, nouvelles”) en 2012, voici que notre auteur maudit – mais peut-être pas tant ! – vient de se voir éditer par “Bouquins” ! Cette dernière édition comporte six romans, accompagnés de leur présentation, ainsi qu’un passionnant dictionnaire de Drieu la Rochelle, sorti tout droit de l’impressionnante érudition de ses trois éditeurs : Julien Hervier, Frédéric Saenen et Stéphane Guégan. Saluons ce beau travail d’édition qui nous permet de mieux approcher ce géant de la littérature moderne !
Ces six romans, publiés entre 1925 et 1944 offrent une belle image de cet écrivain qui fut, à l’instar de beaucoup d’autres, comme Céline, profondément marqué par la guerre et par les crises qui en découlèrent : crise sociale, crise morale, crise religieuse, crise esthétique. Plus que beaucoup d’autres, Drieu fut cet enfant de l’Entre-deux-guerres : sorti d’une boucherie innommable, il fut à la fois tenté par l’action politique et par la débauche des Années folles. Cette génération, en quête d’idéaux, se perdit dans l’Europe et dans le corsage des femmes. Ces six romans sont un magnifique témoignage de son temps.
Le premier, L’Homme couvert de femmes, nous semble bien illisible : “Un jeune homme, Gille, est invité à la campagne par une veuve assez libre, Finette. Il veut se lier avec elle, mais d’abord il joue avec ses amies ; ensuite il sent de la répugnance pour son entourage et les maximes qu’elle affecte. Il s’éloigne, mais il revient bientôt, après une débauche à Paris. Alors, comme elle lui fait des avances et qu’il songe à y répondre, il se montre médiocre et galant.”. Contrairement à bien d’autres romans de notre auteur, celui-ci nous semble le plus éloigné de nous, le plus difficile à appréhender pour celui qui n’est pas imprégné de cet esprit bourgeois exécrable. Nous ne rejetons ni le sujet lui-même, ni une certaine description crue des aventures de ce Gilles, mais plutôt le fait de voir l’Homme réduit à cette dimension de séducteur, cette dimension médiocre et oisive, cette réduction totale à la matière et au retour sur soi à travers l’autre. Drieu a le génie de nous faire plonger au fond d’une certaine misère humaine et il y arrive d’autant mieux que lui-même perce à travers ce personnage, Drieu se scrute, scrute ses propres misères dans ce roman. Gille cherche l’amour, il ne trouve que l’inassouvissement de ses besoins.
Le deuxième roman, Une femme à sa fenêtre, offre encore un beau portrait d’une femme de la bourgeoisie, l’auteur y combine l’exaltation de la passion et l’engagement politique. A travers un récit se déroulant en Grèce, nous pouvons voir la rencontre d’une bourgeoise oisive et rêveuse, mal aimée, et d’un militant communiste plein de force, prêt à mourir pour sa cause. Si ce roman demeure une critique de la bourgeoisie dans ce qu’elle est fondamentalement : un principe de mort, c’est-à-dire que sa veulerie, son manque d’énergie, son manque de force ne peut qu’entraîner la lente descente vers le néant, elle pose une autre question fondamentale : Est-ce que la femme, toujours imprégnée d’un puissant réalisme, ne peut aimer un homme que pour sa force et son prestige ?
Le troisième roman, Drôle de voyage, est le tableau d’une certaine faune parisienne qui se montre très libertine – nous retrouvons ici encore, les descriptions crues de l’Homme couvert de femmes. De même, il s’agit encore d’un récit bien autobiographique où la misère du personnage nous révèle la misère extrême dans laquelle pourra se trouver notre écrivain. Il s’agit de l’histoire d’un mariage manqué : “Décidément, j’aime plus l’amour que les amoureuses. Je suis plutôt fait pour Dieu que pour Beatrix. […] Beatrix, adieu, tant pis; l’entreprise de te changer serait trop longue, trop périlleuse, je glisserais dans ton argent.”. Tout le drame se trouve révélé dans ces quelques lignes du roman, cette génération rêve d’un idéal et, rêvant, s’abîme dans la non-réalisation de celui-ci ! J’aimerais l’amour, mais je n’ai que des amoureuses ! Je veux une grande aventure politique, mais là où il y a des Hommes, il y a des hommeries. Éloignée du socle du réel, la générosité devient poison.
Le quatrième roman, Beloukia, est un conte orientalisant qui se déroule dans une Bagdad imaginaire. Il s’agit d’une pure lettre d’amour aux charmes certains !
Le cinquième roman, L’Homme à cheval, est sûrement l’un des chefs-d’œuvre de Drieu ! Jaime Torrijo, lieutenant dans un régiment de cavalerie bolivien, se passionne pour la politique de son pays et rêve d’y faire renaître le sentiment de magnanimité qui fit jadis la grandeur de Bolivar. Brillant, doté de force et d’audace, adoré de ses hommes, aimé par les femmes, tout lui est possible. Par un coup de force, il renverse don Benito, le chef suprême de l’Etat, et s’installe dans son fauteuil. Désormais, il est le maître de la Bolivie. Mais la situation s’envenime. Troubles, complots, scandales, assassinats et révoltes agitent le pays, empêchant Jaime de réaliser son idéal politique. Il réprime la rébellion avec une sauvage énergie. Redevenu maître de la situation, il découvre alors que sa victoire est un pur néant et renonce au pouvoir. Il part explorer seul des régions mal connues puis décide de sacrifier à la manière des anciens indiens, son seul dieu, son cheval. L’homme à cheval est désormais à pied. Dans ce roman, Pierre Drieu la Rochelle donne dans l’épopée et le fait avec bonheur ! Certaines touches sonnent, certes, un peu décoloniales, mais l’énergie y est formidable. C’est une des richesses de notre auteur, celui-ci ne s’enferme pas dans les petits salons bourgeois, il sait également nous parler de grandeur, de guerre, de vitalité !
Enfin, le sixième roman, Les Chiens de paille, confronte un industriel gaulliste, un garagiste communiste, un médecin collaborateur, un patriote à la tête d’un chantier de la jeunesse et un trafiquant du marché noir. Ce roman, publié le 31 juillet 1944, met magnifiquement en scène les protagonistes de la guerre civile. Il décrit avec son réalisme et son cynisme habituels, les attitudes de ces Hommes capables des plus glorieux actes, mais plus souvent des plus basses vilenies… Les sombres époques dévoilent les âmes enfouies.
Homme écorché et tiraillé, Pierre Drieu la Rochelle se suicida et, de ce fait, nous priva de son talent. Il aurait pu devenir un de ces grands auteurs qui nous tirent de notre médiocrité en nous révélant tels que nous sommes : débiles et faibles. Sa plume crue et son style cynique sont autant d’armes qui écorchèrent vivement les mœurs bourgeoises de son temps, que n’aurait-il pas écrit à notre époque. “Nous étions des bêtes. Qui sentait et criait ? La bête qui est dans l’homme, la bête dont vit l’homme. La bête qui fait l’amour et la guerre et la révolution (La comédie de Charleroi).
Guillaume Staub
Pierre Drieu la Rochelle, Drôle de voyage et autres romans, Paris, Editions Bouquins, 2023, 1056 pages.
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