À quoi bon égrener la liste des maux dont souffre notre nation en décomposition si les solutions apportées sont obscurcies par les erreurs de l’intelligence (les pires de toutes, disait Maurras) ? Cela ne servirait qu’à faire le constat de notre propre déchéance.
L’Action Française, on le sait, a toujours eu à cœur de comprendre pour agir, et elle ne cesse de répéter ce principe essentiel : la formation précède l’action.
Si certains, et ils sont nombreux, pensent que le salut national peut venir de puissances ou de doctrines étrangères, nous autres, nationalistes, savons que les remèdes ne peuvent être que nationaux.
D’autres, encore, considèrent que le jeu démocratique peut sortir le pays du chaos. Nous leur répondons que jamais autant que sous nos yeux ne se sont vérifiées les analyses de l’Action Française : « la démocratie c’est le mal, la démocratie c’est la mort ».
L’étranger, le déracinement, la démocratie, tels sont les maux qui nous tuent.
Retrouvez l’Action Française, le samedi 26 octobre, lors d’une journée organisée en Provence sur le thème :
CONTRE LE DESESPOIR :
REFAIRE UN PEUPLE, RESTAURER LA FRANCE
Programme :
10 heures : messe pour la France célébrée par l’abbé Xavier Beauvais à Maillane, suivie d’un hommage à Frédéric Mistral au cimetière.
12 h 30 : apéritif et buffet campagnard
14 heures 30 : prises de paroles de Arnaud Jayr (paysan et professeur de philosophie), Pierre Hillard (essayiste, auteur, docteur en science politique, spécialiste du mondialisme), Philippe Champion (philosophe, auteur, membre du Comité directeur de l’Action Française), Jean-Claude Martinez (professeur de droit public et de sciences politiques, auteur, ancien député européen), Monsieur K (journaliste, chef d’entreprise, membre du Comité directeur de l’Action Française)
Dans le cadre de la Nuit du Droit1 , la fédération française de débat et d’éloquence organisait le 3 octobre dernier, au Sénat,un « procès fictif » portant sur la révision de la constitution de 1962
La question était la suivante : cette révision constitutionnelle voulue et instaurée par le président de la République d’alors, Charles de Gaulle, doit-elle être qualifiée de « forfaiture » comme l’affirma le président du Sénat d’alors, le radical Gaston Monnerville ? De jeunes talents oratoires étaient appelés à plaider sur le sujet. Rappelons rapidement les faits : l’attentat du petit Clamart (22 août 1962) qui le visait offrit au Général une fenêtre de tir pour lancer une réforme qui lui tenait particulièrement à cœur ; celle de l’élection du président au suffrage universel direct. Il demanda au peuple de l’approuver par referendum. Il avait été lui-même élu par un collège de 80.000 grands électeurs et désirait donner au chef de l’État une légitimité populaire. Les oppositions, de l’extrême gauche à l’extrême droite, voyaient dans ce projet une rupture de l’équilibre entre exécutif et législatif, ouvrant la porte au « pouvoir personnel » et à « l’aventure ». Elles jugeaient que la procédure par referendum violait gravement la Constitution – d’où l’emploi du mot « forfaiture ». Dans ses Mémoires d’espoir qu’il faut lire, De Gaulle explique longuement qu’il était bon juge des intentions de la Constitution et que ses opposants lui avaient donné leur aval lors de sa rédaction. Eux développèrent une argumentation juridique copieuse pour démontrer le contraire. Le Conseil d’Etat attaqua De Gaulle pour l’affaiblir. Une motion de censure fut déposée à l’assemblée nationale et largement approuvée. A ce jour, c’est la seule fois où cela s’est produit sous la V e république. Pompidou présenta sa démission. L’assemblée fut dissoute. Il fut renommé. Le referendum eut lieu et la réforme fut approuvée à une majorité de 62 %. Des élections législatives organisées dans la foulée accordèrent une nette majorité aux gaullistes et aux républicains indépendants de Giscard qui avaient fait campagne pour le oui. Monnerville saisit le Conseil, constitutionnel pour faire annuler le referendum, le Conseil se déclara incompétent par sept voix contre deux, celles des deux anciens présidents de la République, Vincent Auriol et René Coty.
Cette réforme est fondamentale à plusieurs égards :
Appelé en 1958 par des élites républicaines en marmelade, incapables de faire face aux événements, comme le maréchal Pétain l’avait été en 1940, De Gaulle se trouvait menacé, une fois sa besogne accomplie, d’être congédié par les partis requinqués. Il lui fallait les mettre au pas et placer l’exécutif à l’abri des fantaisies des chambres et des partis. Sa réforme fut un peu l’équivalent du renvoi des Parlements par de Maupeou2.
La deuxième raison explique le choix du referendum. A l’automne 1962, le général De Gaulle n’avait pas plus de majorité parlementaire que Macron aujourd’hui. Le sénat lui était hostile et l’assemblée nationale ne le suivait plus. Au début de la première mandature de la V e République, au premier janvier 1959, l’UNR (le parti gaulliste) ne comptait que 206 députés sur les 579 élus en Métropole, dans les outremers et en Algérie. Pourtant, tout au long de la guerre d’Algérie, le Général a bénéficié d’une solide majorité de fait. D’abord, sur sa politique Algérie française, avec une grosse part des Indépendants et le groupe Unité de la République. Puis, sur sa politique Algérie algérienne,avec une grosse part des indépendants, le MRP, les socialistes, et le centre laïc. Mais une foi l’indépendance algérienne acquise, ne demeuraient fidèles que 205 UNR sur 551 sièges en exercice. Ce qui restait du groupe Unité de la République, renommé extrême droite pour sa fidélité à l’Algérie française, lui était violemment hostile et tout le reste de l’arc républicain, à part un petit groupe d’indépendants groupés autour de Giscard qui pensait à son avenir, attendait tranquillement que le gaullisme tombe comme un fruit mûr. A l’automne 1962, Le Monde titra d’ailleurs sur la « crise de régime », et c’est pour sauver son régime et trouver la majorité qu’il n’avait plus que le général De Gaulle lança sa réforme.
Comme on le voit, Macron n’est pas dans une situation inédite. A cet égard, on peut noter deux différences capitales. Un : De Gaulle a pu trancher en sa faveur parce qu’il disposait d’une grosse majorité populaire qui s’était exprimée lors du referendum. Une écrasante majorité populaire s’est au contraire déterminée contre Macron lors des Européennes, sorte de plébiscite inverse. Deux : De Gaulle était prêt à s’en aller en cas d’échec (ce qu’il allait faire d’ailleurs sept ans plus tard après le referendum manqué de 1969), ce qui n’est pas le cas de Macron qui multiplie les échappatoires pour s’en sortir, le gouvernement Barnier apparaissant comme sa dernière carte. Il apparaît surtout que les objectifs de ces deux présidents sont radicalement opposés. Quels qu’aient été les fautes ou les crimes de De Gaulle, il avait le sens de l’Etat et la volonté de renforcer la souveraineté nationale à travers un Exécutif fort : Emmanuel Macron au contraire agit en promoteur de l’Europe mondialiste et multiplie les excentricités à la limite de l’abus de pouvoir pour discréditer la fonction présidentielle et saper la souveraineté nationale.
Martin PELTIER
Notes de bas de pages
1 La Nuit du Droit existe depuis 6 ans. A l’occasion de cette évènement annuel, les citoyens ont la possibilité de rencontrer les professionnels du droit et de s’entretenir avec eux, en toute liberté (théorique) de leurs pratiques respectives et du fonctionnement de la justice en général. 2 Magistrat et homme politique français sous Louis XV puis Louis XVI (garde des sceaux et Chancelier), il est resté célèbre pour sa réforme de la justice et des parlements, en 1771.
Israël a fait l’objet de frappes de missiles iraniens le 1er octobre. Cette opération vient en représailles à celle exécutée le 31 juillet dernier, sur le territoire iranien. Israël avait alors violé la souveraineté de l’Iran en assassinant l’un des dirigeants du Hamas palestinien qui se trouvait à Téhéran.
Quelques mois auparavant, le 1er avril, l’entité sioniste avait procédé à une frappe visant le consulat iranien en Syrie et provoquant l’assassinat de 16 personnes, notamment des diplomates iraniens qui se trouvaient dans ce bâtiment (territoire iranien selon la convention de Vienne). La riposte iranienne à cet acte avait été très mesurée. La nuit du 13 au 14 avril, une centaine de drones inoffensifs ont été envoyés vers Israël, dans une démonstration de force. Cette opération baptisée « Promesse honnête » s’est voulue inoffensive de la part de l’Iran. Elle avait pour objectif d’adresser un message de dissuasion à l’Etat hébreu. La disproportion de cette riposte a démontré, en toute objectivité, une retenue de l’Iran et sa volonté de ne pas envenimer la situation pour empêcher un embrasement régional.
C’est la poursuite des actes internationalement illicites menaçant la paix et la sécurité de tout le Moyen-Orient, commis par Israël -notamment l’assassinat de Ismail Hanieh et les attaques contre le Liban qui assiste à une nouvelle invasion israélienne à l’issue de l’assassinat du chef du Hezbollah libanais- qui a conduit à cette opération de représailles. Il a été constaté que les frappes iraniennes ont épargné, au mieux, les civils en Israël, nonobstant quelques dommages collatéraux. Elles n’ont visé que des objectifs militaires et, notamment, les installations d’extraction du gaz dans la Méditerranée.
Cet embrassement de la situation est déplorable dans la mesure où il pourra conduire à une guerre entre deux axes : celui des États-Unis et de leurs alliés impliqués déjà dans la guerre menée contre la Russie sur le territoire ukrainien, et celui composé par l’Iran, ses deux alliés russe et chinois ainsi que tous les pays opposés à l’hégémonie américaine, que ce soit sur le continent sud-américain, africain, européen (notamment les pays proches de la Russie en Europe de l’Est) ou asiatique, les pays du Moyen-Orient compris.
Malheureusement, la position de la France, pays légal, est alignée à celle des États-Unis, au lieu d’être un catalyseur et un médiateur pour la paix. Les médias traditionnels jouent le jeu des États-Unis et de leurs alliés en attisant la haine et en diffusant des informations approximatives et propagandistes pour amadouer l’opinion publique et justifier cette position.
Ainsi, pour avaliser l’assassinat de Hassan Nasrallah, dirigeant du Hezbollah libanais, et les attaques perpétrées contre le Liban en ciblant non seulement les positions de ce groupe (salué à l’époque par l’ancien président Jacques Chirac en 2000 pour avoir libéré le sud Liban de l’occupation israélienne), mais aussi les civils et les lieux de culte, les médias ainsi que certains de nos responsables politiques ont cherché à faire le lien entre le Hezbollah libanais et l’attentat du Drakkar commis contre nos soldats qui participaient à une opération de pacification du Liban en 1983, dans le cadre d’une force multinationale. Mieux encore, cette propagande cherche à mettre la responsabilité de cet attentat commis il y a 40 ans sur le dos d’Hassan Nasrallah. Or, en 1983, Nasrallah avait 22 ans. Il n’avait aucune responsabilité en particulier exécutive au sein du Hezbollah, fraîchement créé et en litige à l’époque avec les Palestiniens. À cette date et dans son litige militaire avec les groupes armés palestiniens qui se trouvaient au Liban, l’Iran envoyait des munitions pour soutenir ce groupe par l’intermédiaire de la frontière israélienne. Le contexte géopolitique était donc complètement différent à cette époque où l’Iran était en conflit avec l’Irak. Ce dernier était alors soutenu par la France et par d’autres pays occidentaux. Par ailleurs, jusqu’à nos jours, les commanditaires de l’attentat du Drakkar voire même la façon dont cette attaque a eu lieu n’ont pas été élucidés. Les rescapés de cet attentat ont remis en cause la version officielle d’une attaque par un camion piégé. Ils ont parlé d’une déflagration qui a été faite de l’intérieur de ce bâtiment qui était préalablement le quartier général des renseignements syriens qui occupait le Liban. Certains observateurs ont même accusé les services israéliens d’avoir commis cette attaque pour écarter la France du Proche-Orient et d’autre part, pour faire échouer l’opération de la force multinationale et, de ce fait, permettre à Israël qui avait envahi le pays du Cèdre en 1982, d’y rester.
En effet et après cet attentat, Israël a maintenu son occupation du Liban jusqu’à l’an 2000, date à laquelle il a été forcé de quitter ce pays à l’issue des opérations de résistance du Hezbollah qui avait bénéficié d’un statut constitutionnel qui lui a été accordé dans les Accords de Taef, sous impulsion américaine.
Ces Accords signés à Taef, en Arabie Saoudite, avaient mis fin à la guerre du Liban en permettant uniquement au Hezbollah de maintenir ses armes dans un seul objectif : celui de libérer le Liban de l’occupation israélienne.
Malheureusement, les Occidentaux y compris les États-Unis et la France avaient fermé les yeux sur l’occupation syrienne du pays. Mieux encore, lors de la conclusion de ces accords en 1989, les Occidentaux avaient donné le feu vert à la Syrie pour maintenir l’occupation du pays du Cèdre jusqu’en 2004.
Enfin, concernant le Hezbollah, il convient de rappeler deux éléments occultés par les médias traditionnels occidentaux.
-Le premier, concernant les négociations et les rencontres officielles entre Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des affaires étrangères chargé de trouver une issue au blocage institutionnel au Liban, et le Hezbollah. Cet émissaire a rapporté, à maintes reprises, les positions les plus favorables du Hezbollah à l’initiative française par rapport aux initiatives américaines ou qataro-saoudiennes. De même, il convient de rappeler les réunions officielles entre notre chef de l’État, Emmanuel Macron, et Mohamed Raad, représentant officiel du Hezbollah pour les relations extérieures. Macron n’avait pas hésité à rappeler que le Hezbollah fait partie du paysage politique libanais et qu’il dispose de députés élus au Parlement libanais. En effet, ce parti avait conclu une alliance avec le Courant patriotique libre du Général Michel Aoun et avait permis à ce dernier d’être élu Président du pays en 2016. Au cours de la campagne électorale française, à l’instar du candidat Macron, Marine Le Pen avait tenu à visiter le Liban, pays lié à la France depuis Saint Louis, et rencontrer le Président Michel Aoun, l’allié du Hezbollah.
-Le deuxième élément et pas le moindre qui est occulté par les médias, est relatif à l’engagement du Hezbollah dans la lutte contre Daesh en Syrie. C’est lui qui avait défendu les chrétiens de Maaloula contre ce groupe terroriste takfiriste et qui l’avait par ailleurs empêché d’émerger et d’attaquer le Liban notamment dans le Nord.
Faut-il aussi rappeler que les principaux ennemis de Daech et d’Al Qaida sont les chiites considérés comme des hérétiques ? A ce sujet, nous constatons curieusement que Daesh ne s’est point attaqué à Israël, lui qui prétend défendre les musulmans.
Or à Gaza, 85% de la population massacrée par Israël est musulmane de confession sunnite. L’État islamique s’est, en revanche, attaqué à l’Iran le 3 janvier 2024 en commettent un attentat à Karaman. De même, il s’est attaqué à la Russie en commettant une attaque identique au Crocus City le 22 mars dernier.
Quel intérêt a la France de suivre aveuglément les Etats-Unis et l’OTAN dans leurs positions belliqueuses ? Comment peut-on reprocher à la résistance libanaise de soutenir les Palestiniens et empêcher une victoire d’Israël qui aurait sur eux des conséquences catastrophiques sur le pays du Cèdre avec un nouveau déferlement de réfugiés palestiniens sur son territoire à l’instar de ce qui s’est passé en 1947 et 1967 ?
le Liban, en crise depuis 2019, accueille plus de 2 millions de réfugiés syriens sur son territoire. Cette donne pourra remettre en cause l’équilibre démographique libanais et entraîner le pays vers plus de problèmes socio-économiques.
Comme en 2022, la France s’est classée en 16e position en matière de croissance démographique parmi les 18 pays d’Europe occidentale, hors micro-États. Un manque de dynamisme qui perdure depuis de nombreuses années, de nature à l’affaiblir considérablement, et d’autant plus regrettable que l’Hexagone souffre d’un terrible retard démographique de deux siècles par rapport au reste de l’Europe.
En 2023, la France n’a réalisé qu’un taux de croissance démographique de 0,34 %. Elle se classe ainsi une énième fois au bas du tableau des pays d’Europe occidentale, hors micro-États (Monaco, Saint-Marin, Liechtenstein et Andorre), selon les dernières données publiées par Eurostat, le 11 juillet dernier (et par les différents organismes publics de la statistique pour le Royaume-Uni, dont l’ONS au niveau national).
La France encore et toujours en queue de classement
En se plaçant en 16e position, la France arrive très loin derrière Malte, l’Islande et le Luxembourg qui dominent le classement avec des taux de croissance respectifs de 3,87 %, 2,84 % et 1,69 %, soit des progressions 11,4 fois (ou + 1 038 %), 8,3 fois (+ 735 %) et 5 fois (+ 397 %) supérieures à celle de la France. Les deux premiers pays se classent même parmi les champions mondiaux en la matière, dépassant la quasi-totalité des pays d’Afrique subsaharienne, région démographiquement la plus dynamique au monde.
La France arrive également très loin derrière la Suisse et l’Irlande, qui suivent aux quatrième et cinquième places du classement, avec des taux de croissance respectifs de 1,64 % et 1,36 %, soit 4,8 fois plus (+ 382 %) et 4 fois plus (+ 300 %) que l’Hexagone. De même, celui-ci a été très largement dépassé par l’Espagne et le Royaume-Uni, deux pays voisins de dimension comparable et se classant en huitième et neuvième position, avec une hausse de la population de 1,09 % (soit 3,2 fois plus, ou + 221 %) et 1,01 % (3 fois plus, ou + 196 %). Ce qui correspond à un gain de non moins de 685 000 habitants pour le Royaume-Uni et de 525 000 pour l’Espagne, contre seulement 229 000 pour la France (dont la population totale vient donc, en 2023, d’être dépassée par celle du Royaume-Uni, qui compte désormais 68,8 millions d’habitants, contre 68,4 millions). De son côté, et bien que moins dynamique, l’Allemagne a de nouveau enregistré une progression supérieure à celle de la France, de l’ordre de 0,40 % (soit tout de même + 18 %). Dans ce tableau de 18 pays, cette dernière n’est parvenue à devancer que la Suède et l’Italie, avec leurs évolutions respectives de 0,29 % et – 0,01 %.
Loin d’être récent, ce retard de la France ne fait que confirmer une tendance déjà observée depuis de nombreuses années, et en particulier sur la dernière décennie. En effet, et sur la période décennale 2014-2023, la France ne se classe qu’à la 14e place parmi ces 18 pays d’Europe occidentale, avec une croissance démographique annuelle de seulement de 0,33 %, très loin derrière le trio de tête également constitué, et dans le même ordre, par Malte, l’Islande et le Luxembourg (respectivement 2,75 %, 2,05 % et 2,03 %). Mais aussi très loin derrière l’Irlande et le Suisse, qui occupent les quatrième et cinquième places (1,43 % et 0,97 %), et surtout loin derrière le Royaume-Uni, qui se classe également en neuvième position avec une croissance annuelle de 0,67 %. Un dynamisme britannique qui a donc été 2,1 fois supérieur à celui de la France (+ 106 %), ce qui correspond à un gain total de 4,5 millions d’habitants, soit 2,2 millions de plus que l’Hexagone. Quant à l’Espagne, qui a mis un certain temps à se remettre de la crise financière mondiale de 2008, celle-ci a également connu une croissance annuelle significativement supérieure à celle de la France, s’établissant à 0,44 %, soit un tiers plus élevée (+ 33 %).
Maigre consolation, la France est tout de même parvenue à réaliser une progression annuelle identique à celle de l’Allemagne sur la décennie écoulée (0,33 %). Toutefois, il convient là de noter que la position légèrement meilleure de la France sur cette période est en bonne partie due à la pandémie de Covid-19, qui permit à l’Hexagone d’atteindre une exceptionnelle huitième place en 2020, grâce à la réduction drastique des flux migratoires internationaux à destination de l’Europe.
En effet, la croissance démographique européenne résulte désormais essentiellement ou exclusivement, selon les pays, de l’immigration internationale. Si cette immigration était principalement d’origine européenne pour la grande majorité des pays d’Europe occidentale jusqu’au milieu des années 2010, et jusqu’en 2020 pour le Royaume-Uni (à l’exception notamment de la France, qui fut le seul pays à entraver et décourager celle en provenance d’Europe de l’Est, qui avait fourni plusieurs millions de travailleurs en seulement deux décennies), les flux migratoires sont désormais majoritairement d’origine asiatique, au sens large du terme (Moyen-Orient, sous-continent indien, Chine, Philippines…), pour de nombreux pays d’Europe occidentale. Parmi les pays n’en faisant pas partie, il est possible de citer les cas intéressants de la Suisse et de l’Espagne, la première recevant une immigration toujours essentiellement européenne (77 % hors Turquie en 2022, selon les dernières données disponibles), et la seconde bénéficiant désormais de flux migratoires très majoritairement latino-américains, essentiellement en provenance d’Amérique hispanique, qui a fourni non moins de 83 % du solde migratoire international en 2023 (soit un gain d’environ 480 000 hispaniques).
La montée en puissance du Royaume-Uni et de l’Espagne
Grâce aux politiques d’attractivité mises en place, la plupart des pays d’Europe occidentale devraient donc connaître une progression significative de leur population au cours des prochaines années, et même des quelques prochaines décennies pour certains d’entre eux. Et ce, contrairement à toutes les projections démographiques précédemment établies, y compris celles venant d’être publiées par l’ONU, en juillet dernier, et comportant de nombreuses et surprenantes anomalies, en tenant insuffisamment compte, dans leur scénario central, des flux migratoires enregistrés ces dernières années par les pays d’Europe occidentale (et même parfois pratiquement pas…).
Ainsi, et à titre d’exemple, l’ONU prévoit pour les dix prochaines années un niveau d’immigration annuel près de deux fois inférieur à la moyenne observée au cours des cinq dernières années pour la France, 4,1 fois inférieur pour l’Allemagne, et même 5,5 fois inférieur pour l’Espagne (soit seulement 81 000, au lieu de 448 000 sur la période 2019-2023). Ce qui ne peut naturellement qu’aboutir à des écarts colossaux avec la réalité observée, année après année, comme par exemple en prévoyant une baisse de 11 000 habitants pour l’Espagne et de 287 000 habitants pour l’Allemagne en 2024, alors que qu’il est désormais acquis que ces deux pays gagneront de nouveau quelques centaines de milliers d’habitants cette année (après des gains de 525 000 et 330 000 habitants en 2023, respectivement).
Ainsi, et si les niveaux de natalité et de mortalité retenus par l’ONU paraissent raisonnables pour un scénario central, il est plus qu’évident que d’importantes corrections s’imposent pour les niveaux des flux migratoires ayant servi à l’élaboration des projections manifestement irréalistes de l’ONU. Par conséquent, et en retenant, dans le scénario central, un solde migratoire international annuel égal à la moyenne observée au cours des cinq dernières années (soit, et bien que cette période ait été impactée par la crise liée au Covid-19, un niveau souvent très largement supérieur à celui retenu par l’ONU, mais qui demeure tout de même souvent bien inférieur à celui observé au cours des deux dernières années, par exemple de près de 40 % pour le Royaume-Uni et l’Espagne), l’évolution démographique projetée des pays d’Europe occidentale se révèle alors bien différente qu’indiqué, avec notamment des hausses particulièrement remarquables en valeur absolue, compte tenu de leur niveau actuel de population, pour le Royaume-Uni et l’Espagne. En effet, ces deux pays compteront dès lors 85,2 millions et 63,5 millions d’habitants en 2060, respectivement, soit des gains de 16,4 millions (+ 23,8 %) et 14,8 millions (+ 30,5 %), alors que les projections centrales de l’ONU ne tablaient que sur des niveaux de 76,0 et 42,4 millions d’habitants, respectivement (soit une différence de 9,2 millions pour le Royaume-Uni, et un écart record de 21,1 millions pour l’Espagne).
De son côté, la France comptera 72,2 millions d’habitants à cette date, en hausse de seulement 5,6 % (contre 70,7 millions selon l’ONU, départements d’outre-mer compris, soit un écart de 1,6 million). Elle sera ainsi largement distancée par le Royaume-Uni, qui vient de la dépasser en 2023 grâce à une progression deux fois supérieure au cours de la dernière décennie, et verra son avance sur l’Espagne réduite de plus de moitié. De plus, elle demeurera loin derrière l’Allemagne, qui trônera encore avec une population de 86,9 millions d’habitants (contre seulement 75,7 annoncés par l’ONU), et ce, sans même tenir compte, dans l’élaboration de ce scénario central, de 80 % des réfugiés ukrainiens arrivés dans le pays en 2022 et 2023 (en raison du caractère exceptionnel et massif de ce mouvement migratoire). Ainsi, la France ne parviendrait même pas à réduire significativement son retard par rapport à l’Allemagne, tout comme elle n’a d’ailleurs pu le faire au cours de la dernière décennie, alors même que bon nombre d’études annonçaient qu’elle redeviendrait bientôt la première puissance démographique européenne, après la Russie. Occasion de rappeler, au passage, qu’il est donc désormais possible de constater à quel point de très nombreux organismes, publics ou privées, ayant réalisé des projections démographiques dans le passé pour les pays occidentaux, se sont lourdement trompés…
Par ailleurs, il est à noter que la montée en puissance de l’Espagne résulte d’une immigration massive en provenance des pays d’Amérique hispanique, qui lui ont déjà fourni non moins de trois millions d’habitants depuis le début des années 2000 (solde migratoire, auquel s’ajoute la descendance). Un niveau d’immigration élevé, de manière plus ou moins légale (avec notamment près de 150 000 demandeurs d’asile hispaniques arrivés par avion en 2023, soit 92 % du nombre total de demandeurs d’asile), et clairement encouragé par les autorités du pays, qui facilitent grandement l’insertion professionnelle des immigrants, même illégaux. Mais ces flux migratoires atteignent désormais de telles proportions, bien supérieures aux besoins réels du marché du travail et de la pénurie de main-d’œuvre découlant de l’effondrement de la natalité, que l’on peut désormais parler d’une véritable politique de peuplement du territoire – non officiellement reconnue, par transfert massif de populations latino-américaines (et s’inscrivant possiblement dans le cadre d’une stratégie ayant pour ambition secrète de faire de l’Espagne la première puissance démographique et économique européenne d’ici la fin du siècle…).
Le terrible retard démographique de la France
Le manque de dynamisme démographique de la France, qui souffre d’ailleurs d’un déficit en naissances quasi continu depuis 49 ans (avec notamment un indice conjoncturel de fécondité inférieur au seuil de renouvellement des générations depuis 1975 !), est d’autant plus regrettable et dramatique que celle-ci est déjà fortement affaiblie par un retard démographique de deux siècles par rapport aux autres grandes puissances européennes, et que le bref et léger baby-boom de l’après-guerre ne permit guère de rattraper (avec un indicateur conjoncturel de fécondité n’ayant jamais dépassé les 3,04 enfants par femme).
D’ailleurs, si la France était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, elle compterait, pour sa seule partie métropolitaine, non moins de 154, 128 et 107 millions d’habitants, respectivement. Et si l’on devait étendre cette comparaison au Japon, à la verdoyante Corée du Sud – aux deux tiers recouverte de forêts – ou à la partie uniquement non désertique et habitable de l’Égypte (dont les 106 millions d’habitants se concentrent sur seulement 6 % du territoire), la France métropolitaine abriterait respectivement 181, 281 et… 972 millions d’habitants !
Ce retard considérable puise ses origines dans la très lente progression de la population française entre 1750 à 1945. Au terme de ces deux siècles perdus, celle-ci n’a ainsi été multipliée que par 1,6, alors que dans le même temps, et également dans leurs frontières actuelles, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne multipliaient la leur par trois, les Pays-Bas par quatre, et le Royaume-Uni par six !
Pourtant, l’essor démographique des autres pays européens se fit en dépit de lourdes pertes humaines, dues aux nombreux conflits et, surtout, à l’importante hémorragie migratoire qu’a connue le continent… à la seule et unique exception de la France. Sur cette période de deux siècles, guerres et émigration confondues, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie ont ainsi perdu entre 20 et 25 millions de nationaux, chacun au total, tandis que l’Hexagone ne subissait qu’une « modeste » saignée d’environ 4 millions de personnes.
La France a donc longtemps été, démographiquement, l’homme malade de l’Europe et du monde. Elle, qui était trois fois plus peuplée que le futur Royaume-Uni, en 1750, et aussi peuplée que le Japon vers 1800. Une situation qui résultait d’une déchristianisation précoce, ainsi que d’une propagation bien plus importante que partout ailleurs des simplistes idées malthusiennes, qui ne cessent pourtant d’être infirmées génération après génération. Ce qui n’empêche pas pour autant certains responsables politiques français, cherchant à dissimuler leur incompétence, à évoquer parfois l’existence d’un lien entre chômage et natalité plus élevés qu’ailleurs, comme l’avait encore fait François Hollande au cours de son mandat. Pourtant, dans l’année qui précédait la fin de celui-ci, en 2016, douze des quatorze pays de l’Union européenne ayant connu une croissance démographique totale supérieure à celle de la France, avaient terminé l’année avec, à la fois, une croissance économique supérieure et un taux de chômage inférieur….
Le déclin démographique de l’Hexagone ne fut naturellement pas sans conséquences sur son influence, et contribua même dans une large mesure au déclenchement des deux grandes guerres mondiales. En effet, si les équilibres démographiques étaient restés inchangés, l’Allemagne, moins sûre d’elle, n’aurait probablement jamais été aussi belliqueuse en 1914. Et la France, non effrayée par son écrasante infériorité numérique, n’aurait sans doute jamais cherché à mettre à genoux l’Allemagne après 1918, favorisant ainsi l’émergence du nazisme…et la mise en œuvre de l’Holocauste. Ainsi, si certains pensaient bien faire en faisant moins d’enfants, ils ont en réalité, et involontairement, provoqué la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes.
Déjà lourdement affaiblie par les inepties malthusiennes, la France ne doit plus continuer à se laisser piéger par les prophètes de l’apocalypse et les théoriciens de la surpopulation humaine, auxquels l’Histoire a toujours fini par donner tort, faute d’avoir correctement apprécié le potentiel de la Terre et le génie humain (exploitation jusqu’à présent d’une infime partie des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables de la planète, progrès constants de la science… sans parler des perspectives infinies qu’offre l’univers). En s’affranchissant de leur fanatisme et de leurs idées simplistes, elle pourrait alors rattraper progressivement son terrible retard démographique sur ses grands voisins, redynamiser son économie, augmenter considérablement la taille de son marché intérieur et de son PIB, et gagner grandement en influence économique et géopolitique en Europe et dans le reste du monde.
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
Notes de lectures sur le Tome I de l’Examen de la philosophie de Bacon
Rien de plus instructif, au sujet de ce qu’on appelle la philosophie moderne, que l’Examen de la philosophie de Bacon.
Cet ouvrage posthume de Joseph de Maistre est un commentaire du fameux Novum Organum ainsi que de plusieurs autres œuvres anglaises et latines de Francis Bacon. Maistre y discute également la traduction française et ses notes, de sorte que le traducteur français est aussi l’un des personnages du livre.
Ce qui rend cette lecture intéressante, c’est qu’à mesure qu’on découvre la philosophie de Bacon, on y reconnaît une certaine philosophie qui a encore cours de nos jours. La philosophie de Bacon, dit Maistre, est « l’énumération des erreurs humaines ».
Maistre examine, d’une part, la méthode proposée par Bacon pour chercher la vérité dans les sciences ; et d’autre part, ce que Bacon a écrit sur des questions particulières touchant au système du monde, à l’histoire naturelle, à l’optique ou encore à la météorologie.
Il apparaît que ni cette méthode ni ces écrits n’ont de valeur. Le traducteur français en est impatienté et ne peut s’empêcher d’insérer dans ses notes des remarques mordantes contre l’auteur.
À quoi Bacon doit sa réputation.
La contribution réelle de Bacon aux sciences physiques est inexistante et sa méthode tant et si ridiculement exaltée n’a jamais été suivie par aucun physicien. En réalité, le fameux Novum Organum « n’est dans son objet et dans sa totalité qu’un long accès de délire ».
Si le XVIIIe siècle a tant fait (et si on continue de tant faire) l’éloge de Bacon, c’est pour son athéisme déguisé. « La gloire factice accordée à Bacon n’est que le loyer de sa métaphysique pestilentielle ».
La science réduite à la physique.
Car il y a bien une métaphysique de Bacon. Étrange métaphysique en vérité, qui affirme qu’il n’y a de science que dans la physique. En effet : « pour Bacon, il n’y a qu’une science, la physique expérimentale ; les autres ne sont pas proprement des sciences, vu qu’elles ne résident que dans l’opinion ». Autrement dit, « la certitude n’appartient qu’aux sciences physiques ». On reconnaît là l’idée principale d’un autre livre célèbre (d’ailleurs dédié à Bacon), à savoir la Critique de la raison pure. Ce qui fait dire à Maistre que « tout le venin de Kant appartient à Bacon ».
Pourquoi parler de venin ? Parce que cette réduction de la science à la physique conduit nécessairement au matérialisme. Si « la certitude n’appartient qu’aux sciences physiques », il n’y a de vérité certaine ni dans la métaphysique, ni dans la morale, ni dans la théologie naturelle…
Quoi qu’il en soit, cette affirmation est absurde, car la question de savoir ce qui est science et ce qui ne l’est pas, n’est pas une question à laquelle on puisse répondre par les moyens de la physique expérimentale. C’est, qu’on le veuille ou non, une question métaphysique. A travers cette affirmation, Bacon se condamne donc lui-même ; il tombe dans la même contradiction que ceux qui disent que la vérité n’existe pas tout en prétendant dire quelque chose de vrai.
De plus, nous fait savoir de Maistre, cette affirmation est dangereuse. « Il faut bien se garder de croire que ce système ne soit que ridicule ; il est éminemment dangereux et tend directement à l’avilissement de l’homme. Les sciences naturelles ont leur prix sans doute ; mais elles ne doivent point être exclusivement cultivées, ni jamais mises à la première place. Toute nation qui commettra cette faute tombera bientôt au-dessous d’elle-même. »
Le but de la physique.
Autre point remarquable de la métaphysique de Bacon, le but que ce dernier assigne aux sciences naturelles, à ces sciences en dehors desquelles il n’y aurait pas, selon lui, de certitude.
C’est l’objet d’un chapitre dont nous reproduisons, ci-dessous, un passage intéressant et représentatif du style enjoué de Joseph de Maistre. On découvre dans cet extrait que la philosophie de Bacon a pour but de conférer à l’homme des pouvoirs surnaturels et chimériques. Cette physique expérimentale qui, si l’on en croit Bacon, mérite exclusivement le nom de science, a pour but, comme l’alchimie, de conférer à une puissance infinie sur les choses matérielles. Voici :
Bacon « a pris la peine lui-même de nous dire ce qu’il attendait des sciences naturelles. Sous le titre burlesque de magnificence de la nature pour l’usage de l’homme il a réuni les différents objets de recherche que devait se proposer tout sage physicien et ce qu’il devait tenter « pour l’usage de l’homme ». Voici quelques échantillons de ces petits essais.
Faire vivre un homme trois ou quatre siècles ; ramener un octogénaire à l’âge de quarante ou cinquante ans ; faire qu’un homme n’ait que vingt ans pendant soixante ans ; guérir l’apoplexie, la goutte, la paralysie, en un mot, toutes les maladies réputées incurables ; inventer des purgations qui aient le goût de la pêche et de l’ananas ; rendre un homme capable de porter une pièce de trente-six ; faire qu’on puisse le tenailler ou lui briser les os sans qu’il en perde contenance ; engraisser un homme maigre ; amaigrir un homme gras, ou changer ses traits ; changer un géant en nain, un nain en géant ; ou, ce qui revient au même, un sot en un homme d’esprit ; changer de la boue en coulis de gélinottes, et un crapaud en rossignol ; créer de nouvelles espèces d’animaux ; transplanter celle des loups dans celle des moutons, inventer de nouveaux instruments de mort et de nouveaux poisons (toujours QUOAD usus humanos) ; transporter son corps ou celui d’un autre par la seule force de l’imagination ; mûrir des nèfles en vingt-quatre heures ; tirer d’une cuve en fermentation du vin parfaitement clair ; putréfier un éléphant en dix minutes ; produire une belle moisson de froment au mois de mars ; changer l’eau des fontaines ou le jus des fruits en huile et en saindoux ; faire avec des feuilles d’arbre une salade qui le dispute à la laitue romaine, et d’une racine d’arbre un rôti succulent , inventer de nouveaux fils pour les tailleurs et les couturières, et des moyens physiques de lire dans l’avenir ; inventer enfin de plus grands plaisirs des sens, des minéraux artificiels et des ciments.
En traduisant très fidèlement ces extravagances, je ne fais pas d’autre malice à Bacon que celle de développer ses idées, de réduire ses généralités à la pratique et à l’individualité, de changer pour ainsi dire son algèbre en arithmétique ; ce qui est de toute justice, puisque toute algèbre doit être traduite sous peine d’être inutile.
Tel est cependant le but général de cette fameuse philosophie de Bacon et tel est nommément le but particulier du Novum Organum tant et si ridiculement exalté. « Le but du chancelier Bacon dans cet ouvrage, nous dit son traducteur lui-même, est extrêmement élevé ; car il n’aspire à rien moins qu’à produire nouvelles espèces de corps et à transformer les espèces déjà existantes. »
En effet, l’entreprise est fort belle, et je ne crois pas qu’il soit possible de lui comparer rien dans l’histoire de l’esprit humain.
Pour sentir le caractère enjoué de cette page et la malice de l’auteur, il faut la comparer la version française aux expressions anglaises originales, que Maistre a reproduites dans la note suivante :
« Magnalia naturæ QUOAD USUS HUMANOS. Quand je n’aurais appris le latin que pour sentir la force et la sagesse de ce QUOAD, je ne pourrais regretter ma peine. — Je cite l’original de ces magnificences.
The prolongation of life : the restitution of youth is some degreee : the retardation of age : the curing of diseases counted incurable : the mitigation of pain : more easy and less loathsome purging : the increasing of abiity for suffer torture or pain : the alterings of complexions and fatness and leanness : the alterings of statures : the altering of features : the increasing and exalting of intellectual parts : versions of bodies into other bodies : making new species : transplanting of one species into another : instruments of destruction, of war and poison :… force of the imagination, either upon another body, or upon the body itself : acceleration of time in maturation : acceleration of time in clarifications : acceleration of putrefaction :… acceleration of germination :… turning crude and watry substances into oily and unctuous substances : drawing of new foods out of substances not now in use :… greater pleasures of the senses (Ah ! monsieur le chancelier, à quoi pensez-vous ?) : artificial minerals and cements.
(Magnalia naturæ à la tête de l’ouvrage intitulé : Sylva sylvarum, ou Histoire naturelle. Op. tom. I, p. 237, partie anglaise.) Je ne trouve point ce morceau dans la traduction de M. Lasalle. Il lui a paru sans doute passer toutes les bornes du ridicule. Ces sortes de suppressions sont un service qu’il rend de temps en temps à son auteur, et lui-même nous en avertit franchement.
Ce qu’il faut attendre de la science — réduite à la physique expérimentale —, ce n’est donc pas seulement qu’elle nous rende comme maîtres et possesseurs de la nature, selon la formule célèbre de Descartes. Cette science vise, comme l’alchimie, à nous conférer une toute-puissance chimérique sur la matière et sur les êtres vivants.
C’est l’hérédité collective d’une aristocratie recueillant la succession du Sénat de Rome qui donna la durée et la force à l’Empire romain. Des trois races de nos Rois, celle qui fit la France fut précisément celle qui évolua dans les meilleures conditions d’hérédité monarchique, lesquelles ont permis la régulière transmission, la continuité rigoureuse de leurs desseins.
La valeur de tout effort personnel est dominée par l’immense principe historique en vertu duquel les vivants sont « de plus en plus, et nécessairement, gouvernés par les morts », et chaque vivant par ses morts particuliers. Cette nécessité bienfaisante est la source de la civilisation. Mais il y a longtemps que la démocratie s’est insurgée contre cette condition d’un ordre civilisé ; elle a choisi la barbarie, elle veut se recommencer tout entière à chaque individu qui vient au monde, sauvage et nu. C’est à l’humanité des cavernes que la démocratie veut nous ramener.
Charles Maurras, Sans la muraille des cyprès (J. Gibert, 1941)
Le Sénat romain n’était pas élu, ses membres étaient, en quelque sorte, cooptés parmi les magistrats issus des grandes familles aristocratiques, et du sang neuf, les « hommes nouveaux », s’y introduisait au compte-goutte. Un ambassadeur reçu par le Sénat dit qu’il avait cru être introduit devant une assemblée de rois !
L’Empire romain semble, à première vue, ne pas avoir connu l’hérédité. Il l’a connue, en réalité, mais de manière cachée : la plupart des empereurs n’ont pu avoir de successeurs directs parce qu’ils n’eurent pas de fils ou que ces derniers moururent en bas âge ; mais une étude généalogique prouve que, dans l’ensemble, l’empire fut transmis par les femmes. Si les féministes apprenaient cela, le latin reviendrait à la mode !
Carolingiens, Mérovingiens, Capétiens, des trois races de nos Rois la dernière connut une hérédité heureuse qui fit la France. Après cette constatation, Maurras cite Auguste Comte qui n’a cessé de répéter : « les morts gouvernent les vivants ». Culte des ancêtres, coutumes des ancêtres, mos majorum, tous les peuples civilisés, et même la plupart des autres, ont vécu sur ces principes, et plus l’aventure humaine avance, plus, « nécessairement » l’expérience du passé a enrichi la civilisation.
Mais Rousseau vint. Alors que toutes les sociétés, des primitives aux plus élaborées, avaient postulé que la civilisation était un capital transmis et augmenté, le citoyen de Genève piétina la plus belle réalisation du génie humain, la France d’Ancien Régime, et les privilégiés s’enthousiasmèrent pour ce faune, comme les bourgeois d’aujourd’hui, gavés et repus, accompagnent leur digestion d’un militantisme en faveur de la faim dans le monde. Rousseau chantait déjà la chanson impie : « du passé faisons table rase. »
La démocratie a choisi la barbarie. Rousseau ne disait-il-pas dans son Discours sur l’inégalité que l’homme qui médite est un animal dépravé ? Oui, la démocratie est une barbarie : le citoyen électeur ne cesse de dire, ouvertement ou in petto « moi, je pense que… », sans expérience ni compétence. Dès la prime jeunesse, le malheureux enfant de démocrate, futur électeur et futur fossoyeur de la civilisation, apprend à l’école rousseauiste à étaler, à exhiber, son petit moi barbare et inorganique : son barbouillage de gouache ou d’aquarellepassera pour une œuvre digne de Michel-Ange, et les premiers mots qu’il jettera sur un papier relègueront Homère au musée des vieilleries. Ne connaissons-nous pas, quand nous visitons certains musées subventionnés, « l’humanité des cavernes » ?
Né de parents inconnus et mort célibataire, l’homme dénoncé par Renan restait encore un malheureux instruit. L’école moderne a fait de son successeur un sauvage. Saluons une fois de plus la qualité d’analyse d’un Maurras. Il est tellement intelligent, son esprit de déduction est tellement puissant qu’il nous semble un prophète.
Rangés derrière son autorité, formons-nous à sa méthode.
Certains catholiques ont reproché à Maurras de substituer aux lois de la morale les lois purement physiques de la politique.
Le grief ne résiste pas à une étude impartiale de la philosophie de Maurras qui, loin de supprimer les valeurs orales, les remet à leur juste place.« L’infaillible moyen d’égarer quiconque s’aventure dans l’activité politique, c’est d’évoquer inopinément le concept de la pure morale, au moment où il doit étudier les rapports des faits et leurs combinaisons. Telle est, du reste, la raison pour laquelle l’insidieux esprit révolutionnaire ne manque jamais d’introduire le concept moral à ce point précis où l’on a que faire de la morale. Il a toujours vécu de ce mélange et de cette confusion qui nuisent à la vraie morale autant qu’à la vraie politique. La morale se superpose aux volontés ; or, la société ne sort pas d’un contrat de volontés, mais d’un fait de nature ». (Démocratie religieuse, p. 246)
Maurras précise encore cette idée dans un texte moins connu : « Pour savoir ce que le sujet doit faire, il faut savoir ce que sa nature le rend capable de faire, comment il est constitué. Avant d’aborder le devoir social, discipline des volontés sociales, il fait connaître la structure de la société… L’étude de la structure politique des États ou des Sociétés ne peut se confondre avec celle de l’action politique, l’action est un fait volontaire, donc sujet à la morale, la structure sociale participe de la nature des choses. Ceci subit des lois, objet de pure connaissance, cela reconnaît des règles qui, une fois définies, sont objet de confiance et d’obéissance ». (Préface du livre de J.L. Lagor, La Philosophie politique de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1948)
Politique et Morale sont donc choses distinctes. La confusion est cependant régulièrement faite par les démocrates-chrétiens et les progressistes, qui en profitent pour recouvrir du manteau d’une morale abstraite leurs partis pris idéologiques. Un des plus grandes thomistes de notre temps, le R.P. de Tonquédec S.J. a rétabli les distinctions nécessaires :
Toute sociologie correctement bâtie et complète enferme plusieurs parties bien distinctes, irréductibles les unes aux autres. D’abord une partie purement spéculative, toute d’observation et d’expérience, où la morale n’a encore rien à voir, qui fournit au sociologue les matériaux, l’objet même de son étude ; les phénomènes sociaux, tels qu’ils se déroulent en faits ; « c’est ainsi que les choses se passent ». Puis, une seconde partie, où le sociologue, s’il est chrétien, ou simplementhonnête homme, appréciera et jugera lesdites phénomènes selon le bien et le mal qu’ils comportent ; et alors il dira le droit, formulera les principes qui doivent régler la conduite humaine dans le domaine social comme dans tous les autres : « il faut faire le bien éviter le mal ». Cette intuition, est d’un tout autre ordre que ce qui la précède. Ce n’est pas la perception sensible, la collection des renseignementsextérieurs qui la fournit, mais une lumière intérieure ; celle qui luit dans une conscience droite. Avec elle se dessine une frontière qu’on ne peut absolument pas effacer. Prenons un exemple vulgaire. Un homme en frappe un autre. C’est là un fait patent qui s’impose à tous les spectateurs et sur lequel aucun dissentiment n’est possible. Mais celui qui frappe a-t-il raison ? a-t-il tort ? Est-il dans son droit ? Cela ne se voit pas avec les yeux, ne se décide point par la description de l’incident. Et là-dessus es avis pourront se partager (bien qu’un seul d’entre eux soit juste). En tout cas, il s’agit maintenant d’un jugement de valeur, d’une qualification morale du fait qui n’a rien de commun avec sa simple constatation.
Quant à la cause d’où proviennent en suprême ressortla bonté, la justice des actions humaines, quant à la Fin vers laquelle toute vie morale se trouve, de ce chef, orientée, ce n’est plus l’observation pure ni même cette intuition du bien et du mal, commune à toutes les consciences droites, qui peuvent la découvrir, mais le raisonnement métaphysique ou la foi religieuse. Si, dans sa partie préceptive, une sociologie complète doit tenir compte de ces vérités transcendantes, cela ne suffit pas à les assimiler à son objet propre. Elles lui sontextérieures et supérieures. Subordination n’est pas identité. À partir de l’idée du bien et du mal humains, on peut s’élever jusqu’à l’idée d’un Bien absolu, et d’un Législateur suprême, déduire l’une de l’autre, mais toute déduction suppose des termes divers et le passage de l’un à l’autre.
De ces trois parties, la second e seule appartient à la morale. C’est là son domaine propre, située entre les deux autres. Elle reçoit de plus bas qu’elle, de l’observation des faits sociaux, la matière à quoi elle devra s’appliquer. Elle ne la crée pas : une autre l’a préparée pour elle et la lui offre. A l’inverse, c’est au-dessus d’elle qu’elle trouverasa source, son fondement et les titres de sa légitimité.
La morale ne recouvre donc pas le champ entier des sciences sociales. Affirmer une identité absolue, une coïncidence rigoureuse entre elles, c’est brouiller les espèces.
Aux dernières nouvelles, les institutions culturelles de la république française ont décidé de bannir l’usage des chiffres romains. Ils ne sont plus compris, nous dit-on. Simple épiphénomène d’une culture à la dérive ? C’est certain, mais surtout signe d’une destruction politique organisée !
En substituant l’« Education nationale » à l’« Instruction publique » de Jules Ferry, le ministre Anatole de Monzie avait fait effectuer en 1932 un glissement radical en faveur de la main-mise du pouvoir républicain sur la société française. « Instruire », c’est simplement donner des connaissances ; « éduquer » (é-duquer) c’est conduire, conduire au-delà, mener au développement maximum, physique, moral, intellectuel ; la même intention donc qu’« élever », (é-lever), mener plus haut, mettre à un niveau supérieur.
Evidemment, pas plus l’un que l’autre n’incombe en quoi que ce soit au pouvoir politique. Mais si, au terme d’à peine un siècle d’« éducation nationale » républicaine, l’un de ses agents les plus vertueux, J.P. Brighelli, a pu, dès 2005, la dénoncer comme la « fabrique du crétin », ce qui est ainsi posé, c’est d’abord un problème fondamentalement politique. Il relève de la simple constatation que partout, au lieu d’é-duquer, au lieu d’é-lever, l’appareil républicain s’est constamment voué au nivellement par le bas, à l’infantilisation, au déracinement, à la promotion d’une société d’inculture massive, et finalement, au crétinisme généralisé qui fait les dévots électeurs-contribuables. Interdits les échappatoires du passé ! Seule la fange de l’instant convient à leurs soumission.
On a épuré Hugo (raciste) comme en d’autres temps on avait épuré La Fontaine (croyant) ; il est question de réécrire Molière (pensez donc : il n’est plus compris!). Mais, pour les enfants, n’a-t-on pas déjà réécrit Les Six compagnons, ramenés au présent de l’indicatif et qui, le dimanche, ne vont plus à la messe, mais au marché. Au fond, les ennemis de la France connaissent aussi bien que nous la phrase du cardinal Mercier : « La France est une grande nation, mais, pour le demeurer, il faut qu’elle s’en souvienne. »
Les éditions DMM viennent d’éditer un livre qui fera certainement date – il ne peut en être autrement ! -, Le dogme de l’antiracisme. Origine, développement et conséquences écrit par Pierre de Meuse, lequel s’est déjà remarquablement illustré lors de précédents ouvrages à l’instar de son Idées et doctrines de la Contre-Révolution (DMM) ou encore de son petit opuscule consacré à la famille, La famille en question. Ancrage personnel et résistance communautaire (Editions de La Nouvelle librairie). Pierre de Meuse a cette formidable capacité de s’attaquer frontalement à tous les sujets importants qui agitent notre société en y apportant des réponses, certes, inattendues, mais salutaires. La pensée contre-révolutionnaire revenant sur le devant de la scène, il nous permettra aussitôt d’avancer la question centrale : celle de l’holisme et du personnalisme, celle de la place de la doctrine chrétienne. La famille est attaquée et les conservateurs la défendent, certes, mais est-ce que le christianisme ne porta pas le premier coup à cette institution ? A l’heure où le racialisme revient dans les discours des indigénistes en même temps que l’antiracisme est érigé en dogme inattaquable – à la fois par la gauche et par la droite qui hurle au racisme anti-blanc -, il saisit le sujet à bras-le-corps et ne cède rien au politiquement correct. Pierre de Meuse a cette vertu rare de traiter des sujets les plus brûlants en ne cédant rien, ni à la pensée dominante, ni aux dogmatismes de nos écoles de pensée. Un livre à mettre entre toutes les mains.
L’Action Française : Cher monsieur, merci infiniment de nous accorder cet entretien. La première partie de votre ouvrage traite du chemin parcouru. J’aimerais que nous commencions par une question simple : peut-on tracer en quelques lignes une histoire de l’antiracisme et du racisme ? Il semble aujourd’hui extrêmement difficile de définir ce qu’est réellement la race, le racisme et l’antiracisme. Est-ce que cette histoire permettrait de mieux définir ces termes ?
Pierre de Meuse : Il y a deux interrogations dans votre question. J’y réponds donc successivement.
Sur l’histoire du racisme. Si la discrimination est aussi vieille que l’être humain, parce qu’elle est une attitude propre à tous les groupes naturels et leur permettant de survivre, le racisme posé comme une science est un pur produit de la modernité. Il est en effet la conséquence directe de la propension de l’esprit postcartésien à vouloir fonder le monde en raison. Les anciennes sociétés étaient hiérarchiques et connaissaient une multitude de déterminations et de barrières acceptées sans que quiconque les discutât, prenant en compte la puissance, la place dans le système des rangs, la richesse, la confiance en soi (la grande mine), l’ancienneté, l’éthique, le degré de dépendance aux autres. Et, bien entendu, le phénotype, mais la race biologique n’était qu’un marqueur parmi bien d’autres. Cependant lorsque l’économie de traite se met en place et que les cultures coloniales emploient des milliers d’esclaves désocialisés, les philosophes des Lumières comme Kant, Locke ou Voltaire considèrent leur infériorité comme une évidence et leur servitude comme la suite inévitable de cette place au bas de l’« échelle humaine ». C’est de là que procède l’anthropologie raciale qui, dans sa forme la plus affirmée, aboutit à faire de la race biologique le moteur de l’histoire. Pourtant, l’esclavage n’est pas l’application de ces théories : les traitants qui achètent les esclaves aux roitelets islamisés d’Afrique ne voient que la disponibilité de cette main-d’œuvre et les revenus que leur apporte le trafic du « bois d’ébène » et ne cherchent pas à justifier leur commerce. La traite négrière va être interdite dès le début du XIX° siècle, puis progressivement l’esclavage lui-même. C’est alors que vont prendre naissance les attitudes racistes, qui sont, selon l’expression du Pr Dupuy, un réflexe émanant des classes de Blancs pauvres face à l’égalité imposée ressentie comme une agression. Surtout que ces populations ne voyaient dans les masses négro-africaines que des concurrents, car elles n’avaient jamais possédé d’esclaves. Ces attitudes sont donc une réaction de défense des « petits Blancs », dans une société où l’argent devient la seule source de discrimination sociale. Ici, je voudrais signaler que, dès le XVIII° siècle, on constate la présence dans l’administration coloniale française, aux Antilles et aux Mascareignes d’une méfiance pour l’extension de l’esclavage, avec la présence d’une population servile devenue largement majoritaire ; une situation propice aux insurrections sanglantes qui ne manqueront pas d’arriver à Saint-Domingue et à la Guadeloupe, à partir de 1791.
J’en viens maintenant à la définition de la race, du racisme et de l’antiracisme, qui est l’essentiel de la question. Car il n’y en a pas ou plutôt il y en a beaucoup, qui sont toutes incompatibles les unes avec les autres. Race dérive de ratio, qui signifie catégorie, c’est pourquoi elle peut désigner les subdivisions animales au sein de la même espèce, un certain type d’homme (la race des entrepreneurs), ou une famille identifiable, par exemple une dynastie, une caractéristique culturelle (la race latine). Et bien entendu, la même variabilité se retrouve dans le « racisme », compliquée en plus par le degré et la nature de l’affect qu’on y imprime. Ainsi se trouvent taxées de racisme aussi bien l’hostilité que la simple reconnaissance d’une altérité ou même l’affirmation d’une simple identité collective dont on se sent dépositaire. Cette imprécision est extrêmement grave, et elle est à l’origine, nous le verrons, du caractère mortel du piège qui nous est tendu.
L’Action Française : Permettez une petite digression, quelle fut dans cette histoire la position de l’Action Française ? Comment assuma-t-elle la notion de race ?
Pierre de Meuse : Je crois que là, il faut formuler la chose de façon plus directe, car la réflexion personnelle de Maurras est essentielle et directive pour le mouvement. Maurras emploie sans cesse dans ses écrits le mot « race », ainsi que le mot « sang », et toujours de façon laudative ; mais il exprime aussi sa méfiance pour les théories sur les races humaines lorsqu’elles se présentent comme des sciences et qu’elles prétendent avoir inventé la pierre philosophale : le moteur de l’histoire. Toute sa vie, il suivra cette ligne de crête en justifiant sa position par deux arguments : celui de l’incertitude (les savants ne donnent pas d’éléments probants pour étayer leur hiérarchie des races) ; et aussi celui de la piété filiale : on ne peut pas suivre des gens qui mettent les Français à un niveau inférieur aux Scandinaves, aux Anglais, aux Allemands. Le premier argument est de l’ordre de la connaissance, le second de la volonté. La pensée de Maurras est toujours très structurée.
L’Action française : Selon vous, quel élément déterminant instaura l’antiracisme comme un dogme inattaquable dans nos sociétés ? Il semble bien, en effet, que si une seule chose paraît inconcevable dans l’esprit des peuples, c’est de toucher à cette vérité première : « je ne suis pas raciste, je ne reconnais pas l’existence des races ». Et, de fait, si l’extension des lois antiracistes peut gêner ou agacer nos concitoyens, ils ne remettent jamais en question le fondement de ces lois. Qu’est-ce qui fonde si solidement cette doctrine ? Allons plus loin : il semble que ce soit même l’antiracisme qui fonde le principe plus général de l’anti-discrimination et non l’inverse. En effet, la plupart de nos concitoyens, s’ils ne sont guère à l’aise avec le principe de non-discrimination, ne s’élèvent pas contre certaines de ses applications mais ce, tant qu’il ne s’agit pas de discriminations racistes !
Pierre de Meuse : Je réponds à vos deux questions successivement. L’antiracisme existe depuis fort longtemps, mais il a pris sa forme inquisitrice et dogmatique avec l’effondrement du III° Reich. Ce que je dis est un peu enfoncer une porte ouverte, car François Furet a développé ce thème avec plus de talent que moi. Sur le plan de la pensée normative on assiste alors à la polarisation quasi-religieuse entre les idées du Bien (celles des vainqueurs) et les idées du Mal (celles des vaincus). Or la doctrine hitlérienne est fondée sur un bricolage racialiste issu d’un digest des anthropologues anglais et allemands. Donc plus on s’éloigne du pôle du Mal, plus on va vers le Bien. Tel est le réflexe conditionné que la pensée de Gauche a favorisé, puis exploité. C’est absurde, mais cela fonctionne. Et l’antiracisme fut alors inventé comme une machine rhétorique au service des idées de la révolution. En s’appuyant sur le fait qu’aucune définition rigoureuse n’était donnée (et ne devait l’être) du racisme, les ennemis de la France et de l’héritage européen reprirent le schéma de l’antifascisme, qui avait fait ses preuves, lorsque la loi Pleven fut adoptée, en 1972.
Il avait pour but de mobiliser le Droit pénal au service d’une ingénierie sociale qui permettait de déclencher une accusation redoutable à laquelle aucune réponse ne pouvait être faite, parce que cette accusation ne connaissait aucune limite. C’est pourquoi ceux qui croient qu’il est possible de se disculper en prouvant que, non, croyez-nous, nous ne sommes pas racistes, sont conduits à des reniements sans fin.
Je rappellerai un souvenir déjà ancien. Après la publication d’une petite Lettre ouverte que j’avais commise il y a vingt ans, Pierre Pujo m’avait admonesté en me faisant remarquer que Maurras et Mistral, lorsqu’ils employaient le mot race, ne lui donnaient pas le même sens que celui que nous entendons aujourd’hui. Ce à quoi je lui avais répondu : « Tu as parfaitement raison, sauf que l’antiracisme criminalise tous les sens du mot, sans exception. »
Alors vous me demandez ce qui fonde cette « doctrine ». Eh bien c’est la terreur, tout simplement, et tout l’enchaînement de concessions qu’elle nous conduit à faire, sans aucun espoir de nous glisser hors de la troupe des vaincus. Tout soupçon d’hérésie sera férocement sanctionné, et à ce titre, l’antiracisme s’est approprié le dogmatisme et l’universalisme des grandes religions messianiques.
Vous constatez que le principe de non-discrimination est moins efficace que l’antiracisme et vous avez raison, mais c’est parce qu’ils n’ont pas la même origine : celui-là est issu du libéralisme anglo-saxon alors que la matrice de l’antiracisme, c’est tout simplement le terrorisme humaniste révolutionnaire et sa machine à écraser toute résistance.
L’Action Française : In fine, quel est le projet antiraciste ? Pourquoi s’impose-t-il et quelles sont les volontés de ceux qui le portent ?
Pierre de Meuse :
Le projet antiraciste, c’est l’indifférenciation. C’est-à-dire une société où toutes les différences humaines auront disparu, et où il sera même interdit de les voir. Personne n’aura plus le droit de nous demander de qui nous sommes les fils.
Les sociétés n’auront plus de mémoire spontanée et on ne pourra recourir à l’héritage culturel reçu des ancêtres parce que nous n’aurons plus d’ancêtres et que la filiation sera devenue une obscénité ; d’ailleurs une série de lois est venue depuis 1972 réduire le sens et la portée des patronymes. Toute diversité culturelle aura disparu. S’y rejoindront le rêve libéral d’humains mus par leur seul intérêt totalement standardisé et le rêve babouviste de l’égalité absolue des hommes. Ce projet est bien entendu une utopie, et il est irréalisable, ne fût-ce que par le fait que les Européens – et les Américains du nord – sont les seuls à l’appliquer, mais il a déjà réussi à accomplir de nombreuses destructions. L’antiracisme a bénéficié aussi de la culpabilisation sans limite de nos nations. De surcroît, ce projet, comme toute idéologie déductive, est imperméable à toute perception de la réalité : ses échecs ne sont jamais attribués à l’inexactitude de ses postulats, mais à la duplicité des méchants qui lui sont insuffisamment soumis. Ainsi, alors que les lois antiracistes existent depuis cinquante-trois ans et n’ont pas cessé d’aggraver leurs peines, les partisans du woke affirment que leur échec est la conséquence d’une culture sous-jacente conduisant les Blancs à discriminer les racisés de manière semi-consciente. Autrement dit, on n’a pas assez sanctionné !
L’Action Française : Votre deuxième partie traite de la réaction que nous pouvons avoir face à l’antiracisme. Ma première question est toute simple, les races existent elles et ont-elles un lien avec la culture d’un peuple ? Autrement dit, existe-t-il un lien entre nature et culture ?
Pierre de Meuse : Oui, les races existent, mais la perception en est culturelle. Les anthropologues et les biologistes au service de l’antiracisme passent leur temps à répéter que la notion de race humaine est fausse et discréditée. Ils énumèrent des marqueurs génétiques qui, disent-ils, sont communs à toute l’humanité comme le groupe sanguin, le trou occipital, la forme du crâne etc… Et constatent que ces marqueurs sont présents dans toutes les races. Par conséquent, assènent-ils, « les races n’existent pas. » Mais c’est une acception arbitraire de la race, qui cache en réalité une autre maxime : « les races ne doivent pas exister ». Car s’il existe des humains de race africaine ou asiatique qui ont les yeux clairs, par exemple, ils n’en sont pas moins extrêmement rares. Le résultat est que la race est perçue par celui qui en fait partie comme par celui qui appartient à une autre race et qui va lui attribuer un nom collectif. Ayant vécu douze années en Afrique, travaillant dans une entreprise en bonne entente avec les Noirs, je peux dire que j’étais identifié comme un toubab et qu’à aucun moment cette conscience ne nous a quittés, eux et moi.
D’autre part, vous me posez la question de savoir si l’héritage racial détermine la culture des hommes. Eh bien je vous répondrai que je n’en sais rien et que les sciences n’ont pas apporté de preuve acceptable sur ce point, ni d’ailleurs sur le contraire. Ce qui est sûr, c’est que, contrairement à ce que pensaient les biologistes d’il y a cinquante ans, les prédispositions des hommes à l’égard des maladies, la durée de la grossesse, la résistance aux températures extrêmes et bien d’autres choses sont différentes selon les races considérées. Il n’est donc pas déraisonnable de penser que le postulat béhavioriste selon lequel l’esprit humain n’est qu’une table rase ne soit pas exact. En tout état de cause, la prudence devrait être la règle. Et, justement, puisque vous me parlez de nature et culture,
ne serait-il pas temps de relativiser cette frontière entre nature et culture. Car enfin la culture étant une production de la société reste un prolongement de l’instinct et ne peut se fixer pour but d’éradiquer cette même société. C’est un peu le problème devant lequel nous sommes placés. Revenons à Aristote qui disait que la société est un fait de nature et nous y verrons plus clair.
L’Action Française : Ceci étant dit, pourquoi est-il nécessaire que cette question revienne avec toute sa force dans notre débat politique et que les hommes politiques osent s’y attaquer avec courage ? Est-ce une question vitale pour la France ? Est-ce par essence, la seule question irréversible qui nous menace ?
Pierre de Meuse : Ne nous le cachons pas, l’antiracisme est une maladie mortelle de nos sociétés, car elle s’attaque à l’existence même des groupes humains. Elle est d’ailleurs une variante des idées fausses qui nous contaminent depuis le XVI° siècle. En combattant l’antiracisme, nous ne faisons que continuer la même guerre que nous menons depuis cinq cents ans, contre le même ennemi qui se cache derrière des masques différents. Et aujourd’hui, c’est la réalité de la France qui est menacée de dissolution imminente. Dans vingt ans, dix peut-être, les français de souche seront minoritaires dans leur propre pays. Et alors l’héritage capétien sera évaporé car nous ne serons plus un peuple. Nous aurons subi le sort de centaines de nations défuntes : Sybaris, la Phrygie, la Lydie, l’empire Inca, et tant d’autres ; et il adviendra des Français ce qui advint aux Caraïbes et aux Arawaks, c’est-à-dire la submersion et l’oubli de soi. Il nous manque deux choses pour nous y opposer efficacement : la mobilisation de notre volonté, qui est une vertu, et la chance. Celle-ci finira bien par tourner en notre faveur. Encore faut-il la saisir !
L’Action Française : Selon vous, dans ce combat, quelle doit être la place d’un mouvement comme celui de l’Action française ? De quelles armes disposons-nous ?
Pierre de Meuse : Nous disposons de notre esprit critique et c’est par là qu’il faut commencer. Car le système actuel repose sur le mensonge. Depuis vingt ans, le mensonge a pris des proportions inouïes dans nos sociétés, et c’est logique, parce que la philosophie qui les sous-tend postule qu’il n’y a pas de vérité, dans les grandes questions comme dans les petites : il n’y a que des « narratifs ». Notre rôle est d’ameuter le peuple contre les menteurs. Et le jour où les explications fournies par les « narrateurs » patentés deviendront invraisemblables aux peuples, nous aurons gagné.
L’Action française : Merci infiniment pour vos réponses !
Pierre de Meuse, Le dogme de l’antiracisme. Origine, développement et conséquences, Poitiers, DMM, 2024, 278 pages.
Dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris 2024 il paraît intéressant de se replonger dans l’origine de cet événement sportif en suivant Maurras qui a réalisé un reportage important en avril 1896. Cette année-là ont eu lieu les premiers Jeux Olympiques modernes, restaurés à l’instigation d’un aristocrate libéral et admirateur de l’éducation anglaise, Pierre de Coubertin (avec qui Maurras eut l’occasion d’échanger courtoisement des points de vue de plus en plus opposés).
Jeune journaliste –il était alors âgé de vingt-huit ans-Maurras fut en effet envoyé en Grèce par Gustave Janicot,directeur du quotidien La Gazette de France pour couvrir les Jeux. Dans une série d’articles envoyés à son journal il décrit son voyage, sa découverte de la Grèce, puis les réflexions que lui inspirent les Jeux . Sur le fond, l’aspect sportif, prétexte du voyage, a été finalement éclipsé par la découverte de la Grèce et par quelques réflexions sur la confrontation des peuples.
Cet ensemble de lettres a été publié au fur et à mesure de leur réception dans le quotidien de Janicot, en 1896. L’ensemble a été complété dès 1896, dans la Gazette, par une étude sur la ville moderne d’Athènes. Par la suite,Maurras, s’aidant notamment de son journal de voyage, a repris et retravaillé ses Lettres pour en faire une partie d’d’Anthinéa, ouvrage paru en 1901 où il revient longuement sur son voyage en Grèce, et en particulier sa découverte d’Athènes, avant de parler de la Toscane et de la Provence(et enfin une simple annexe). Ainsi, dans la version définitive, la cinquième lettre a–t elle été prolongée par une défense de la royauté grecque contre les attirances républicaines, et la sixième par des considérations sur l’Ecole française d’Athènes.
En 2004, les éditions Garnier-Flammarion ont eu la bonne idée de rééditer ces Lettres des Jeux Olympiques comme un ouvrage indépendant. Le travail de l’auteur de la réédition, Monsieur Axel Tisserand, est en tous pointsremarquable. Outre les lettres elles-mêmes, dans leur forme définitive de 1901, éclairées par des introductions substantielles et des notes savantes, il a également réédité ces documents dans leur forme initiale, plus spontanée, que nous avons principalement utilisée. Ce volume, petit par la taille, est un modèle de méthode et peut-être considéré comme définitif. Dans ces conditions, le présent article a pour seule ambition de permettre au lecteur de découvrir l’oeuvre et si possible d’inciter à la lire.
Il y a eu six lettres adressées depuis le bateau et la Grèce Nous les résumerons rapidement.
Dans la première lettre Maurras parle de son voyage etde la croisière en mer qu’il savoure. Il compare le bateau à un « couvent laïque et flottant », parce qu’il oblige à être « tout entier à soi-même. » Trait caractéristique de sa pensée, il rejette l’indéfini. Pour lui, qui rêvait d’être marin avant la survenance de sa surdité pendant l’adolescence, la mer n’est pas une matière informe. Il souligne par exemple que « rien n’est plus fini que la mer. La séparation d’un ciel pâle d’avec cette mer plus foncée donne… la pensée de la plus exacte des figures géométriques qui est, sans doute, le cercle. » Chez Maurras, en effet, ce trait est essentiel. Il n’aime pas l’indétermination et la confusion. aussi bien en littérature qu’en politique.
Maurras ne dissimule pas son bonheur d’effectuer ce voyage : « Passées les bouches de Bonifacio, nous sommes entrés pleinement dans le cœur du monde classique, patrimoine du genre humain. » La première lettre retrace la vision des Lipari, où il s’intéresse davantage à l’île Panariaqu’au volcan Stromboli, puis, Homère en main, la traversée, au sud de l’Italie, de la dangereuse « mer Ionienne. » Au matin suivant, le journaliste constate que le navire a quasiment fait le tour du Péloponnèse pendant la nuit ;
La deuxième lettre annonce le retour à terre avec l’arrivée au Pirée et l’approche de la merveille, l’Acropole d’Athènes et son Parthénon, dont il fait le tour sans encore oser y entrer. C’est aussi un premier contact avec les Jeux. Maurras fait connaissance avec le Stade et voit s’opposer des athlètes grecs et allemands il signale aussi l’affluence dans la ville et dit qu’à ce moment Athènes ressemble assez bien à Capharnaüm.
La troisième lettre présente le Stade moderne inachevé, censé reproduire le stade antique et pouvant contenirquatre-vingt mille spectateurs lors des épreuves. Maurras parle du roi de Grèce et de sa famille et escompte que cesprinces, souvent d’origine germanique, seront vite hellénisés. Il termine par une note plaisante en regrettant pour des raisons d’esthétique l’abondance des chapeaux noirs chez les spectateurs.
La quatrième lettre commence par des considérations générales qui ne manquent pas d’actualité. Malgré les remontrances de Coubertin, Maurras dit les réserves que lui inspire cette nouvelle « internationale du sport. » Il dit que là où il existait une Grèce il n’y a pas, ou il n’y a plus,d’Europe. Par ailleurs Maurras déplore que les grands bénéficiaires de ce cosmopolitisme soient les Anglo-Saxons dont la langue, se propageant à travers le vocabulaire du sport, infeste la planète. Le contact de la réalité des épreuves n’a pas modifié ces appréciations de départ, mais les a complétées. D’une part les doutes sur le cosmopolitisme ont été renforcés Se référant à Paul Bourget, Maurras affirme que « quand plusieurs races distinctes sont mises en présence, obligées à se fréquenter, bien loin de s’unir par la sympathie, elles se détestent et se combattent au fur et à mesure qu’elles croient se connaître mieux. » D’autre part il observe que les Jeux ont l’avantage de mettre à jour la prépondérance anglo-saxonne, qui s’est jusque-là avancée masquée, ce qui devrait permettre aux peuples latins de s’en défendre.
Maurras relate ensuite quelques épreuves. Il décrit l’ivresse joyeuse des Grecs lors de l’épreuve du marathon. Les sept premiers étaient grecs (et le huitième français). La joie populaire qui entoure le jeune vainqueur lui plaît et lui rappelle l’ambiance de Martigues ou des arènes d’Arles. Il passe rapidement sur les épreuves d’athlétisme et cite les épreuves de lutte qui ont opposé un Grec et un Danois puis un Allemand et un Anglais. Il relève à cette occasion que le nationalisme n’est pas le monopole des plus vieux peuples et que les Américains se montrent particulièrement attachés à leur drapeau. Il conclut en disant « on le voit les patries ne sont pas encore détruites. La guerre non plus n’est pas morte. Jadis les peuples se fréquentaient par ambassadeurs…Maintenant les peuples se vont fréquenter directement, s’injurier de bouche-à-bouche… La vapeur qui les a rapprochés ne fera que rendre plus facile les incidents internationaux. »
La cinquième lettre commence par une dénégation :Maurras dit qu’on lui avait promis des déceptions et qu’il n’est pas déçu. Il annonce aussi la clôture imminente des jeux. Commençant par faire l’éloge de « notre antique Athènes, notre Athènes éternelle» il dit espérer pouvoir conduire ses lecteurs « au pied du Parthénon ou parmi les stèles dorées du Céramique. » En attendant la clôture des Jeux, il fournit quelques témoignages sur des choses vues dans les petits bourgs grecs, leur activité commerciale et maritime et leur agitation qui lui fait penser à sa Provence. Il revient sur le jeune vainqueur du marathon et sa popularité et s appesantit sur un fait divers amusant : une jeune demoiselle de la bourgeoisie athénienne avait fait vœu d’épouser le vainqueur de l’ épreuve, à condition qu’il soit grec. Au vu des candidats, elle pouvait espérer s’unir à un homme de bonne condition ; mais elle se trouve finalement confrontée à un « mauvais petit paysan. »Maurras termine son courrier en parlant de la nouvelle de la mort, en France, de Charilaüs Tricoupis, un politicien grec qui, ayant voulu développer rapidement son pays ; à crééun déficit considérable et entraîné une banqueroute. Dans la version définitive, le passage est plus développé et amène à la critique des politiciens et du régime des partis ;
La sixième lettre est relative à la clôture des Jeux Olympiques. Après quelques considérations sur la pluie qui a causé un changement de date, sur l’attitude du roi et sur les rameaux d’olivier et les lauriers distribués par le monarque, Maurras met le vainqueur du marathon, un peu ivre de son triomphe, en garde contre l’excès, en lui rappelant le sort d’Aristide et de Socrate. Malgré tout, il lui accorde la préférence face aux « athlètes barbares, Anglais, Germains, surtout Yankees. » Enfin l’auteur se fait l’écho d’une proposition faite à l’époque de fixer les Jeux à Athènes (idée qui n’a, nous semble-t-il, pas perdu de son intérêt). Il observe enfin que cette « solennité d’origine cosmopolite » est devenue « le champ de bataille de nos nationalités, des races et des langues» et termine en regrettant la faiblesse de la représentation française.
L’on peut trouver quelques vues politiques dans ces lettres. L’on sent poindre l’intérêt de Maurras pour le royalisme, par exemple à travers la sympathie qu’il exprime pour la royauté grecque. L’on sait que c’est en Grèce qu’il aurait conclu en faveur de la monarchie en constatant la puissance des nations qui bénéficiaient de ce régime. Mais surtout, l’ enseignement le plus net contenudans les Lettres contredit les espoirs de Pierre de Coubertin : les Jeux nouveaux révèlent et renforcent l’affirmation des nationalités concurrentes et l’affrontement des nations. Et cela est toujours vrai. En filigrane, quelques autres thèmes de la pensée maurrassienne affleurent : l’admiration pour l’Antiquité classique, l’amour de la Grèce antique et la méfiance à l’égard des Allemands, etplus encore à celui les Anglo-Saxons (la France a, à cette époque, été confrontée à l’impérialisme britannique ; l’incident de Fachoda aura lieu en 1898 et l’Entente cordiale ne sera conclue qu’en 1904). Enfin l’on relèvera que la sympathie affichée pour la Grèce moderne, nation redevenue indépendante au XIXe siècle, suffit à prouver que le nationalisme maurrassien s’accommode très bien de l’amitié pour d’autres peuples. Ce qui est rejeté, c’est le cosmopolitisme, le « mélange » qui broie les identités légitimes.
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